Pouvoir d’achat : la lutte n’a pas le luxe d’attendre

L’année 2022 a constitué un point tournant à plusieurs égards. Fouettée par l’inflation, la classe travailleuse en lutte a fait son retour sur le devant de la scène dans plusieurs pays, y compris en Belgique. Tirons-en le maximum d’enseignements afin d’améliorer notre capacité de riposte mais aussi de conquête.

Par un délégué FGTB, article tiré de l’édition de février de Lutte Socialiste

Retour début 2022…

Dès le début de l’année, des mouvements de grèves spontanés ont eu lieu dans le secteur du métal en Wallonie et à Bruxelles face à la flambée du coût de la vie. En mars, la pression militante a débouché sur une manifestation spontanée de diverses délégations FGTB à Liège. Cette série d’actions et le remous à la base des structures syndicales a imposé l’organisation d’une manifestation en front commun syndical en juin. 80.000 manifestants y ont répondu. « Dirigeants, nous sommes prêts », semblaient dire les participants. « Où est le plan d’action ? » L’idée d’une grève générale à l’automne circulait, sans précisions.

Les revendications des directions syndicales sont restées très limitées : le blocage des prix de l’énergie, le changement de la loi de 1996, la liberté de négociation et la fameuse « fiscalité juste » dont on parle et que l’on voit autant que le monstre du Loch Ness (beaucoup et jamais). Dans plusieurs secteurs, on a entendu de plus en plus de voix appeler à la nationalisation du secteur de l’énergie, sans que la revendication ne soit réellement saisie ni discutée. La pression de la base s’est maintenue pour que les sommets syndicaux prennent des initiatives. Une concentration militante en septembre a réuni plus de monde qu’attendu, car un plan d’action était attendu après la manifestation de juin. Il y a eu ensuite la journée d’action du 20 octobre, la grève générale du 9 novembre et la manifestation nationale du 16 décembre. Ces initiatives ont à chaque fois été envisagées isolément, comme manière de « montrer la colère », sans jamais viser à construire un rapport de forces pour arracher des victoires. L’année 2023 commence sur un constat : aucune de nos revendications centrales n’a été satisfaite. Le gouvernement a juste été poussé à quelques timides concessions (primes d’énergie, primes uniques et maintien de l’index).

Ceci n’est pas un plan d’action !

Des actions interprofessionnelles ont étés annoncées pour la mi-février sans que la date, le thème et l’objectif ne soient vraiment clairs au moment d’écrire ces lignes. L’absence de résultat au niveau national pousse pas mal de militant.e.s à regarder au niveau de leur secteur ou de leur entreprise dans le cadre de l’Accord interprofessionnel (AIP). C’est parfaitement compréhensible. Mais puisque ces négociations ne concernent pas le secteur public, nous allons lutter avec une base militante plus restreinte et dans l’étau d’une marge salariale de 0%. L’histoire du mouvement ouvrier est sans appel : on arrache des résultats en se jetant dans la bataille de toutes ses forces.

Derrière le slogan il y a la réalité des chiffres. Au cours de ces dernières années, la lutte interprofessionnelle a été délaissée afin de ne pas mettre en péril les majorités fédérales où siégeait la social-démocratie. Le résultat fut une succession de normes salariales vides de contenu. Devrons-nous à nouveau nous contenter d’une prime unique, par ailleurs loin d’être garantie ?

Nous produisons collectivement toujours plus de richesses et celles-ci sont accaparées par une classe de capitalistes qui possède le capital et les moyens de productions. Comme le révèle l’étude 2023 d’Oxfam, en Belgique, 1% des Belges détient 24% du patrimoine alors que les 50% les plus pauvres n’en ont que 0,75% ! A titre d’exemple, l’ONG annonce qu’un impôt progressif sur cette minorité permettrait de récupérer plus de 20 milliards. En fait selon les modèles cela pourrait aller jusqu’à 43 milliards. Mais cela ne changerait pas fondamentalement le rapport de forces tant que le patronat peut extraire toujours plus de travail gratuit. C’est contre l’exploitation du travail et de la nature par le capital qu’il faut lutter.

Lançons une Opération vérité 2.0

De tels chiffres, ou encore ceux du Baromètre socio-économique de la FGTB, illustrent toute la pourriture du système capitaliste. La gauche politique et syndicale doit en organiser la diffusion la plus large possible lors de meeting publics, dans les journaux à l’image du  Journal des pensions de 2018, des tracts, des capsules vidéos, des assemblées du personnel sur le plus de lieux de travail possible.

Une telle campagne doit servir de base de discussion collective pour élaborer un programme qui devrait être soutenu par un plan d’action. Élargir la discussion à toutes les catégories de la population permettrait de les impliquer dans la lutte. C’est de cette manière que s’est construite l’Opération vérité qui a préparé le terrain à la grève générale de l’hiver 60-61. De manière similaire, les débats autour du plan de Man ont contribué à ouvrir la voie pour la grève générale de 1936 qui a arraché les congés payés.Cette puissante mobilisation ouvrière avait subi l’influence de la vague de grèves avec occupation d’usine qui avait déferlé sur toute la France à l’époque. Aujourd’hui aussi, nous pouvons nous appuyer sur le vent de la tempête ouvrière qui secoue la France contre la réforme des retraites. Tout l’enjeu est de reprendre le combat là où il a été laissé, mais de tout faire pour assurer le contrôle démocratique sur la lutte afin de ne plus dépendre des doutes et des convictions restreintes qui règnent aux sommets des appareils syndicaux.

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