Sombres nuages sur Audi Brussels

Début février, la presse a relayé les premières rumeurs d’une délocalisation vers le Mexique de la production de l’Audi Q8, pour l’instant assemblée à l’usine Audi Brussels à Forest. C’est l’ensemble de la chaîne de production du groupe Audi qui serait ainsi réorganisée. En octobre dernier, les travailleurs s’étaient déjà mobilisés face aux annonces d’arrêt de la production de la Q4 électrique (qui aurait dû commencer en novembre 2023). La récession en Allemagne et la crise de l’industrie rendent l’avenir des 3500 travailleurs d’Audi Brussels très incertain.

Par Julien (Bruxelles)

Le 7 février, lors d’un Conseil d’entreprise extraordinaire, la direction n’a pu ni confirmer ni infirmer les rumeurs, se contentant de dire qu’elle devait d’abord s’entretenir avec la direction allemande. Volkswagen a tardé à investir dans les voitures électriques, contrairement à d’autres constructeurs. Les mauvais chiffres ont alors poussé le groupe à arrêter ses usines allemandes de production de voitures électriques et à revoir son modèle. Pas de nouveau projet, baisse des volumes, révision de la chaine de production… l’avenir s’annonce sombre pour les travailleurs.

La crise industrielle

Déjà en 2020, l’industrie automobile a connu une récession. La période covid et les confinements ont exacerbé la crise. Le PDG de PSA déclarait fin 2020 : « Nous sommes entre 2020 et 2030 dans une période darwinienne de l’industrie automobile », en référence aux bouleversements du secteur dus au coronavirus et aux investissements imposés par les réglementations climatiques.

Nous assistons ainsi à une offensive anti-écologique. Dans les secteurs de l’industrie chimique et automobile ainsi que dans le secteur agricole, le patronat tente de détourner l’attention en pointant du doigt les normes environnementales. L’orientation de la production automobile vers le véhicule électrique n’est pas une demande du mouvement écologiste, mais, au contraire, la riposte du secteur automobile face à la crainte de revendications en faveur d’un transport public collectif. Voilà ce qui serait le pire scénario pour les constructeurs de véhicules individuels.

Le PSL défend l’expropriation et la nationalisation sous contrôle et gestion démocratiques de la collectivité des industries polluantes et non socialement utiles en vue de les reconvertir tout en garantissant l’emploi ainsi que l’amélioration des conditions de travail. Les besoins sociaux à combler sont gigantesques. Utilisons les connaissances et l’expérience des travailleurs de l’automobile ainsi que les infrastructures industrielles du secteur pour répondre aux nécessités sociales, à commencer par les transports en commun !

Les profits

L’économie allemande va mal et cela se ressent dans le secteur automobile. En impactant la chaîne d’approvisionnement, la guerre en Ukraine avait déjà perturbé le secteur. En cas de conflit militaire à Taïwan, l’impact serait plus catastrophique encore via le rôle central de l’État insulaire dans le marché des semi-conducteurs. Les travailleurs payent les différents aspects de la crise du capitalisme. Les actionnaires, eux, vont plutôt bien. Après des profits records pour les constructeurs automobiles en 2022, c’est une véritable pluie de dividendes qui a pris place en 2023. Selon un communiqué du gestionnaire d’actifs Janus Henderson : « Ford et Volkswagen ont représenté près d’un tiers des dividendes extraordinaires » entre janvier et mars 2023 et « les dividendes versés par le secteur automobile ont été dix fois plus importants » par rapport à 2022.

Le secteur européen de l’automobile n’a pas fait les investissements nécessaires à la fin des moteurs thermiques. Avec des aides massives de l’Europe et de plusieurs gouvernements européens, la transition vers le véhicule électrique se précipite, entraînant avec elle des pertes d’emplois et aucune véritable solution à la crise climatique. Seule une planification de l’économie via la nationalisation des secteurs clés de l’économie, dont les secteurs automobile et métallurgique, permettrait de réorienter la production vers les besoins sociaux, en plaçant l’environnement et les conditions de travail comme une priorité.

Organiser la résistance à la base

Le 8 février, le Premier ministre Alexander De Croo (Open-VLD) annonçait la mise en place d’une Task Force concernant l’avenir de l’usine. Cette dernière impliquerait la direction belge. Cette Task Force étudiera « différents scénarios » et De Croo aurait même convenu avec le CEO d’Audi, Gernor Dollner, de le rencontrer à Forest pour lui « montrer par lui-même les atouts du site belge ». De Croo ne se préoccupe pas des travailleurs. Il craint les réactions ouvrières et tente de les éviter en montrant qu’il serait prêt à « monter au front ». Si la restructuration se confirme, le gouvernement fera tout pour éviter une réponse collective en proposant des cellules de reconversion ou des primes de départs. En absence de solutions collectives et de discussions à la base, de plus en plus de travailleurs chercheront une solution individuelle. Les travailleurs d’Audi doivent organiser propre task force en impliquant tous les travailleurs de l’usine, du secteur et les syndicats !

Il ne faut pas attendre que la direction du groupe décide du futur de l’usine et ne laissons pas le monopole de l’action à De Croo ! Mobilisons l’ensemble du personnel : travailleurs d’Audi, intérimaires et sous-traitants. Élargissons la discussion aux travailleurs solidaires. La première étape pourrait être d’organiser un piquet de grève devant l’usine et un appel à des visites de solidarité. Un appel à des grèves ou des actions de solidarité dans l’industrie métallurgique trouverait aussi un écho positif. Suites aux restructurations en rafales dans la métallurgie, de nombreux travailleurs du secteur se trouvent aujourd’hui dans l’industrie chimique ou pharmaceutique. Mobilisons tous ceux que nous pouvons pour défendre non seulement l’emploi, mais aussi un emploi de qualité.

Refusons qu’on touche à un seul emploi, ni chez Audi ni chez les sous-traitants, ni en Belgique, ni en Allemagne, ni ailleurs. N’opposons pas les travailleurs et le climat.  Défendons la reconversion de l’usine vers les transports publics. Enfin, menons aussi le débat sur les cadences de travail. L’industrie automobile constitue le centre de recherche patronal sur l’intensification de la charge de travail via l’organisation scientifique du travail avec le Fordisme et le Toyotisme. La nationalisation sous gestion de la collectivité permettrait de discuter de la manière de diminuer la pression au travail. Pour renforcer ce combat, il faudra veiller à assurer l’implication et l’engagement du maximum de travailleurs et de sympathisants au travers d’un plan d’action en escalade élaboré à la base.

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