Quelques vérités face aux mensonges du patronat

Dans notre dernière édition, nous avons répondu à certains mensonges patronaux sur le pouvoir d’achat et l’état de l’économie. Cela a été apprécié par nos lecteurs, nous continuons donc sur cette lancée. Après tout, ce ne sont pas les mensonges qui ont manqué ces dernières semaines… Les employeurs déforment les chiffres et utilisent des arguments fallacieux pour obtenir des cadeaux supplémentaires et accumuler ainsi plus de profit. Le gouvernement s’en accommode, les médias traditionnels ne parviennent pas à les réfuter. C’est au mouvement ouvrier de réagir.

Par Geert Cool

Le système d’indexation n’est pas viable car il fait peser le coût de l’inflation sur les entreprises.

C’est ce qu’a déclaré Pierre Wunsch, gouverneur de la Banque Nationale, dans l’émission « Zevende Dag » du 9 octobre. Ce membre bien connu du MR a été présenté comme un observateur « neutre ». Et ce qu’il a dit n’a aucun sens. Les entreprises sont en partie à l’origine de l’inflation et elles se posent aujourd’hui en victimes, n’hésitant pas à profiter de ceux – pour la plupart des petites entreprises et des indépendants – qui risquent de faire faillite à cause des prix de l’énergie.

Les causes de l’inflation sont ancrées dans le système capitaliste. Il y a bien sûr les effets des tensions interimpérialistes et de la guerre en Ukraine, mais le changement climatique, la pandémie, la crise de la dette, les monopoles… jouent également un rôle. Tout ceci est étroitement lié à la quête de toujours plus de profits.

De nombreuses entreprises ont fortement augmenté leurs prix dans la période post-Corona, sans raison valable. La Banque centrale européenne a déclaré : « De nombreuses entreprises ont réussi à augmenter leurs prix plus fortement que la hausse des salaires et, dans de nombreux cas, que la hausse des coûts énergétiques. » Un mécanisme dans lequel s’est notamment distingué Unilever, la multinationale utilisant sa position dominante pour augmenter les prix sans raison.

Il y a de la spéculation sur les marchés pétroliers. Thijs Van de Graaf, spécialiste de l’énergie à l’UGent, parle d’un « commerce excessif de barils de pétrole en papier » : des spéculateurs tels que Goldman Sachs et d’autres sociétés d’investissement achètent des stocks de pétrole et de gaz, pour les revendre à un prix plus élevé à un autre moment. Parfois, ils achètent même des réserves de gaz qui n’ont pas encore été exploitées, car ils supposent que le prix qu’ils pourront en tirer plus tard sera encore plus élevé. Les « vrais » consommateurs de pétrole et de gaz sont donc en concurrence avec les spéculateurs qui achètent des actions uniquement pour les revendre en faisant au passage un bénéfice élevé. C’est l’une des conséquences perverses de la libéralisation du marché de l’énergie.

Entre-temps, le taux de profit des entreprises reste très élevé, surtout en Belgique. La marge bénéficiaire brute des sociétés non financières était de 46% au deuxième trimestre : sur un investissement de 100 euros, une entreprise belge moyenne réalise donc un bénéfice de 46 euros après déduction de tous les coûts salariaux et autres ! Ce chiffre est nettement plus élevé que dans les pays voisins. La Belgique reste également un paradis du profit au niveau international. Les distributions de dividendes aux actionnaires sont également en hausse en Belgique : pas moins de 25,1 % l’an dernier ! Sur la même période, les salaires ont augmenté de quelque 5,9 % en moyenne, en raison de l’indexation.

En outre, aucun lien ne peut être établi entre l’indexation des salaires et la hausse de l’inflation. Aux Pays-Bas, par exemple, l’inflation est beaucoup plus élevée malgré le fait qu’il n’y ait pas d’indexation automatique des salaires. Pierre Wunsch ment !

Il n’y a qu’un seul groupe dans la société qui devient de plus en plus riche pendant la crise : les grandes entreprises et les grands actionnaires. Bien sûr, la rentabilité des entreprises est mal répartie : les petites entreprises et les indépendants en particulier rencontrent parfois d’importantes difficultés. Mais il existe un club restreint de capitalistes qui réalisent d’incroyables profits, notamment par la spéculation.

Les entreprises peinent à garder la tête hors de l’eau

Le chef de la FEB, Timmermans, s’est exprimé en ces termes dans De Tijd (2 septembre) : « Le drame pour le débat public est que les chiffres sur la rentabilité actuelle des entreprises ne seront pas disponibles avant l’année prochaine. » D’autres porte-parole du patronat affirment également que la rentabilité des entreprises est sous pression. Ils soulignent également la forte baisse de la production industrielle, sans trop s’attarder sur le rôle majeur qu’y jouent les exportations de vaccins corona.

Depuis 2000, les salaires ont à peu près doublé en termes absolus (c’est-à-dire sans tenir compte de l’inflation). Sur la même période, les bénéfices des entreprises ont triplé. C’est ce que révèlent les chiffres du groupe de réflexion Minerva (voir graphique).

L’économiste de la fédération patronale VOKA Bart Van Craeynest a fait remarquer dans De Tijd le 12 octobre que les entreprises répercutent une grande partie de la hausse des coûts sur leurs prix de vente, mais que le reste menace leurs marges bénéficiaires. « Les dernières prévisions du Bureau du Plan indiquent que la marge bénéficiaire moyenne en 2023 retombera à la moyenne des 25 dernières années. D’ici 2024, cette marge devrait tomber bien en dessous de cette moyenne. »

Les bénéfices ont connu une hausse rapide ces dernières années, certains secteurs comme l’énergie ont même enregistré des bénéfices record sans précédent. Cela rend les employeurs trop confiants. Toute menace de baisse des marges bénéficiaires est combattue avec acharnement. Dans Le Capital, Marx fait référence à une déclaration de la Quarterly Review sur la cupidité des employeurs. « Le capital, dit la Quarterly Review, fuit le tumulte et les disputes et est timide par nature. Cela est très vrai, mais ce n’est pas pourtant toute la vérité. Le capital abhorre l’absence de profit ou un profit minime, comme la nature a horreur du vide. Que le profit soit convenable, et le capital devient courageux : 10 % d’assurés, et on peut l’employer partout; 20 %, il s’échauffe !, 50 %, il est d’une témérité folle; à 100%, il foule aux pieds toutes les lois humaines; 300 %, et il n’est pas de crime qu’il n’ose commettre, même au risque de la potence. » (1)

Les grands patrons n’ont pas peine à tenir la tête hors de l’eau. Les marges bénéficiaires risquent juste de retomber à la moyenne des 25 dernières années. Les patrons ne l’acceptent pas, c’est pourquoi ils veulent s’en prendre au niveau de vie des travailleurs. Pour les petites entreprises et les travailleurs indépendants qui sont effectivement en difficulté, ce sont les bénéfices des grandes entreprises qu’il faut viser, et non les revenus des salariés. Si les salariés perdent leur pouvoir d’achat, cela se répercute immédiatement sur les dépenses auprès des indépendants et petites entreprises locales. Ce qui revient aux travailleurs ne s’envole pas immédiatement dans la spéculation ou les paradis fiscaux.

Nous payons les impôts les plus élevés et n’obtenons pratiquement rien en retour.

« Nous payons les impôts sur le travail les plus élevés du monde et nous n’obtenons pratiquement rien en retour. » C’est ce qu’a déclaré Bart De Wever sur VTM News. Bien sûr, la question est de savoir qui fait partie de ce « nous ». Les travailleurs qui se retrouvent sur des listes d’attente pour à peu près tous les services publics peuvent imaginer une chose : payer beaucoup d’impôts et ne recevoir en retour que des listes d’attente toujours plus longues. Mais la situation pour les entreprises, c’est autre chose : elles reçoivent de plus en plus de subventions et de cadeaux.

Quelques chiffres : selon le Bureau du Plan, d’ici 2027, les entreprises paieront 16,7 milliards d’euros de cotisations sociales en moins que ce qu’elles paieraient sans les cadeaux qu’elles ont reçus. Les subventions aux entreprises sont proportionnellement 44 fois plus élevées en Belgique qu’en Allemagne. Cependant, cela n’est pas mentionné lorsque la N-VA parle de la charge fiscale ou lorsque les employeurs parlent de compétitivité. Plus précisément, ces milliards de subventions ne sont délibérément pas pris en compte dans le calcul de ce fameux « handicap salarial ». Avec ce genre de calcul, on peut réellement prouver n’importe quoi.  

Les nombreuses subventions et réductions d’impôts accordées aux entreprises exercent une pression sur la sécurité sociale et les recettes publiques. Une part plus faible de la richesse produite sert à rémunérer la force de travail, une part croissante sert à rémunérer le capital. Il s’agit d’un transfert d’un milliard de dollars dont la N-VA ne parle jamais.  

En janvier, les salaires augmentent de 10 %.

Pour beaucoup, ce sera une déception, mais en janvier, les salaires n’augmenteront pas de 10 %. Un ajustement d’indexation n’est d’ailleurs pas une augmentation de salaire, mais un ajustement retardé et incomplet des salaires vis-à-vis de la hausse des prix.

Pour seulement 44% des travailleurs, une indexation automatique a lieu immédiatement après le dépassement de l’indice pivot, pour le reste l’indexation a lieu à intervalles fixes : tous les trois mois, tous les six mois ou même seulement une fois par an. Pour les cols blancs de la commission paritaire 200, soit environ un tiers de tous les cols blancs de notre pays, l’indexation n’a lieu qu’en janvier.

Cela signifie que le retard des salaires sur la hausse des prix dépasse 10 % à ce moment-là. Ceux qui se trouvent dans ce cas devront donc faire face à la hausse des prix pendant des mois avec un revenu non adapté. La CSC a calculé qu’une personne dont le salaire médian n’est indexé qu’en janvier a perdu environ 3.400 euros de pouvoir d’achat au cours des deux dernières années.

1) voir : Le Capital – Livre premier, Le développement de la production capitaliste, VIII° section : L’accumulation primitive, Chapitre XXXI : Genèse du capitaliste industriel.

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