1er mai : fête des travailleurs ou lutte pour le socialisme ?

Le premier mai, c’est la fête des travailleurs. Mais que peuvent donc bien aujourd’hui fêter les travailleurs ? La norme salariale de 0,3%? La cherté de la vie ? L’augmentation de la pauvreté et du nombre de travailleurs pauvres ? La destruction des services publics? Aujourd’hui plus que jamais, surtout à la lumière des brutales attaques antisociales qui tombent sur l’Europe et ailleurs, il faut renouer avec les traditions de lutte, et pas seulement de commémoration, de la fête du 1er mai.

Par Nicolas Croes

Aux sources du Premier mai Si l’origine du Premier Mai remonte aux Etats-Unis, la première journée d’arrêt total du travail pour revendiquer l’instauration des 8 heures de travail par jour est issue d’Australie. En 1856, une première journée y avait été organisée le 21 avril, et le succès de la mobilisation ouvrière fut tel que décision fut prise de l’organiser tous les ans. La révolutionnaire allemande Rosa Luxembourg commenta ainsi ces faits: ‘‘De fait, qu’est-ce qui pourrait donner aux travailleurs plus de courage et plus de confiance dans leurs propres forces qu’un blocage du travail massif qu’ils ont décidé eux-mêmes ? Qu’est-ce qui pourrait donner plus de courage aux esclaves éternels des usines et des ateliers que le rassemblement de leurs propres troupes ?’’ L’idée d’une fête des travailleurs, à la fois moment de lutte et rassemblement servant à illustrer la force potentielle du mouvement ouvrier, commença alors à faire son chemin. La date du Premier Mai fut choisie par les syndicats rassemblés dans l’American Federation of Labour (AFL) en 1886, là encore pour revendiquer la journée des huit heures, exigence qui allait devenir le socle sur lequel s’est construite la tradition du Premier Mai. D’ailleurs, avant le muguet, l’usage était de porter sur soi un triangle rouge symbolisant les trois ‘‘huit’’ – huit heures de travail, huit heures de loisir, huit heures de sommeil. Ce jour de mai 1886, quelque 340.000 ouvriers américains ont paralysé des milliers d’usines par leur action de grève. A certains endroits, la répression fut des plus féroces, et six grévistes laissèrent leur vie sous les coups de la police à Chicago, à la fabrique de faucheuses Mc Cormick.

Préserver et défendre le Premier Mai

L’évolution qu’a connu le 1er Mai à travers les années permet de retracer l’évolution du mouvement ouvrier luimême, y compris des coups qui lui ont été portés. Certains 1er Mai sont ainsi marqués d’une pierre noire. En Italie et en Allemagne, les fascistes, arrivés au pouvoir avec la bénédiction et le soutien de la grande bourgeoisie mais soucieux de garder la classe ouvrière sous leur contrôle, joueront habilement d’un anticapitalisme démagogique en organisant des manifestations grandioses et des parades obligatoires pour ce qu’ils rebaptisent ‘‘la journée nationale du travail’’.

Aujourd’hui encore, le Front National français tente d’instrumentaliser la date du Premier Mai, et l’extrême-droite en Belgique tente aussi de le faire. Nous avons ainsi participé à une mobilisation en 2008 destinée à bloquer les néo-fascistes du groupuscule Nation qui voulaient faire un défilé de Premier mai à Charleroi.

A l’exemple des travailleurs américains, les 400 délégués du congrès de fondation de la Deuxième Internationale (l’Internationale Socialiste, qui était encore fort loin de la caricature pro-capitaliste qu’elle est aujourd’hui devenue) décida en 1889 de mener campagne partout pour l’instauration des huit heures le 1er Mai, pas seulement en mots, mais avec grèves et manifestations. Cet appel a suscité un enthousiasme gigantesque qui a littéralement frappé d’effroi les différentes bourgeoisies nationales. A Vienne, à Paris et ailleurs, la bourgeoisie prépara ses régiments à intervenir, craignant un soulèvement imminent des travailleurs. En Belgique, des exercices de tirs spéciaux pour la garde civile ont été organisés ‘‘afin d’être prêts pour le 1er Mai’’ ! Face au succès incroyable de cette journée, la date est restée et, même lorsque la journée des huit heures a été obtenue de haute lutte dans toute une série de pays, la tradition est restée de manifester le Premier Mai en souvenir des luttes passées et le regard dirigé sur les luttes du moment ou à venir.

Et aujourd’hui ?

Le Premier Mai a toujours été très intimement lié à la classe ouvrière, et a reflété ses forces et ses faiblesses, ses périodes d’avancées comme celles de recul. Au fur-et-à-mesure, et particulièrement à la fin du vingtième siècle, les manifestations syndicales et les grèves du Premier Mai sont devenues des rassemblements souvent peu combatifs.

Le Premier Mai est souvent l’occasion pour les sociaux-démocrates du PS, du SP.a et de leurs amis d’autres pays de se référer au socialisme, une fois par an, pour ensuite activement trahir cet idéal le reste de l’année. Pour nombre de bureaucrates syndicaux, c’est la journée où l’on glorifie de petites victoires, où mettre en évidence une attaque bloquée tout en évitant soigneusement d’expliquer pourquoi les autres sont passées. Mais, à travers le globe, la combativité et la volonté de lutte reviennent aujourd’hui, à des degrés divers il est vrai. Mais partout la colère cherche à s’organiser, partout de plus en plus de questions sont soulevées par les dégâts sociaux et environnementaux du capitalisme, partout se développe la recherche d’une alternative. Toutes les digues qui ont été érigées pour canaliser la colère des travailleurs, et notamment les directions syndicales, ne retiendront pas éternellement les flots du mécontentement ouvrier.

Défendre le socialisme, 365 jours par an

L’an dernier, dans les discours du premier mai, l’absence de toute réponse claire face à la crise était frappante. Comment défendre l’emploi, quelles revendications sont nécessaires et comment construire un rapport de force, toutes ces interrogations sont restées sans réponse. Les attaques contre les libéraux n’ont pas manqué, mais c’était surtout une manière pour les appareils syndicaux d’apporter un soutien au PS et au SP.a avant les élections anticipées. Pourtant, ces partis collaborent à la politique des différents gouvernements depuis des décennies ! En Irlande, au Portugal, en Espagne ou en Grèce, ce sont les partis sociaux-démocrates qui appliquent loyalement les diktats du Fonds Monétaire International (actuellement dirigé par un membre du PS français…) et frappent les populations de leurs plans d’austérité.

Le meilleur programme anticrise à défendre aujourd’hui est un programme clairement socialiste, avec pour base les besoins et les nécessités de la majorité de la population. Créer de l’emploi, c’est possible, en répartissant le travail disponible par une réduction de la semaine de travail et la protection des prépensions. La nationalisation des secteurs- clé de l’économie – notamment du secteur financier ou celui de l’énergie – peut assurer que ce soient les spéculateurs qui se retrouvent au chômage et que ces secteurs-clé soient mis au service de la majorité de la population. Voilà des revendications capables de répondre aux crises du capitalisme et de construire une société enfin au service de la majorité de l’humanité. Emprunter cette voie, c’est emprunter le chemin de la lutte.

Les patrons sont organisés au niveau international tandis que les travailleurs limitent pour l’instant leurs luttes aux frontières nationales, et sont mis en concurrence les uns avec les autres par les différentes bourgeoisies. Imaginons un instant l’impact qu’aurait une initiative européenne visant à réunir les résistances ! Un bon prochain pas à poser dans cette direction serait de propager l’idée d’une grève générale de 24h à l’échelle européenne, une bonne manière de renouer avec les principes de solidarité internationale du premier mai et de montrer de manière éclatante qui est le véritable créateur de richesses dans la société.


Lors du 1er Mai 2010, les militants du PSL étaient présents dans 17 villes, dans tout le pays, d’Anvers à Charleroi et de Liège à Ostende. Plus de 700 exemplaires de notre mensuel avaient été vendus aux différents rassemblements, manifestations syndicales, etc. Cette année encore, vous pourrez trouver des rapports et photos des différentes activités organisées le Premier Mai et auxquelles participe le PSL sur notre site internet www.socialisme.be.

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