Pensions impayables? Mensonge!

« A politique inchangée, le système de pension actuel n’est pas soutenable financièrement. Il ne correspond plus à l’évolution de la société et il pose des problèmes de qualité sociale », vient d’expliquer à la presse Frank Vandenbroucke, membre de la commission de réforme des pensions. Vandenbroucke est loin d’être un inconnu en matières sociales, il fut notamment à la base de la « chasse aux chômeurs » en tant que ministre fédéral de l’Emploi. Devenu ministre de l’enseignement supérieur flamand, il s’est attelé à rendre l’enseignement plus élitiste et ouvert à la commercialisation du secteur. En 2010, il réclamait à corps et à cris “un assainissement budgétaire tel qu’on n’en a pas connu dans notre pays en 40 ans”. En bref, il est une parfaite illustration de l’orientation néolibérale de la social-démocratie. Qu’avons-nous donc à attendre de bien de sa part concernant nos pensions ? Rien. Et le fait que cette commission ait été mise en place par les ministres Alexander De Croo (Open-VLD) et Sabine laruelle (MR) était déjà une claire indication du chemin qui allait être tracée…

Le rapport de cette commission présenté ce début de semaine propose de passer à un système à points, dont le nombre variera en fonction de la durée de la carrière et des revenus du travail pendant celle-ci. L’un des scénarios développés défend l’augmentation de l’âge légal de la pension à 66 ans en 2020 et à 67 ans en 2030.

Les arguments destinés à faire valoir cette « réforme » profondément antisociale ne sont pas neufs, et nous publions ci-dessous un article publié en mai 2010 dans les pages de notre mensuel Lutte Socialiste dont l’argumentaire n’a pas gagné une ride. Il s’agit d’une aide précieuse dans ce débat et dans la préparation de la résistance contre cette nouvelle offensive pro-patronale.


La baisse du nombre de naissances n’égale pas l’augmentation de la productivité !

Par Eric Byl

Le démantèlement de notre système de pensions est inscrit dans l’agenda politique depuis longtemps déjà. Politiciens, médias et représentants du patronat nous ont enfoncé dans le crâne que nos pensions sont impayables. A nous de nous sentir coupables. Le gouvernement nous sort maintenant son ‘‘livre vert’’ de la conférence sur les pensions, composée de représentants du patronat, des syndicats, du gouvernement et de l’administration. Quelques questions prévisibles sont ensuite envoyées de ce livre vers les partenaires sociaux, qui doivent formuler des propositions dans un ‘‘livre blanc’’. Ce dernier peut être publié à tout moment dès septembre. Voilà la base sur laquelle le gouvernement va composer son menu de réformes.

Personne ne niera qu’une réforme du système de pension s’impose. En octobre 2007, Le Soir écrivait déjà que l’allocation moyenne de pensions après impôts ne représentait plus que 64,4% du salaire moyen en Belgique. En Grèce et aux Pays-Bas, elle dépasse les 100%. Si, en moyenne, un pensionné luxembourgeois reçoit 664.240 euros durant tout le temps que couvre sa pension, le pensionné belge ne peut compter que sur 179.056 euros (moins qu’en Grèce, où le niveau de vie est en moyenne beaucoup moins élevé). En conséquence, un quart des plus de 65 ans vit sous le seuil de la pauvreté en Belgique contre… moins d’une personne sur 20 aux Pays-Bas! En finir avec la pauvreté des seniors ne coûterait pourtant que 900 millions d’euros, aux dires du professeur Jos Berghmans (université de Louvain). Mais ce n’est pas de cette façon que le Livre Vert aborde les choses.

La pierre angulaire de l’argumentation favorable à l’assainissement de notre système de pensions est l’augmentation du nombre d’inactifs face à la population active. En 2000, pour chaque personne de plus de 65 ans, quatre personnes étaient actives et elles ne seraient plus que deux en 2060. Cette histoire à dormir debout a déjà été réfutée des dizaines de fois, notamment par Gilbert De Swert dans son livre 50 mensonges sur les pensions. En plein baby-boom, en 1964, le nombre de naissances a atteint son sommet (168.000 naissances) pour toucher son niveau le plus bas en 2002 avec 115.000 naissances. C’est une baisse de pas moins de 31%(1), mais durant la même période, la productivité a augmenté de 215%(2)! Le Livre Vert estime que les dépenses totales pour les pensions représentaient 31 milliards d’euros en 2008, soit 8,96% du PIB de l’époque(3). D’ici 2014, ces dépenses passeraient à 36 milliards d’euros, à 46 milliards d’ici 2030 et à 50 milliards d’ici 2060. Cette croissance des dépenses, présentée comme une explosion, est en réalité loin d’être catastrophique. Selon le Bureau du Plan, d’ici 2014, le PIB belge aura augmenté jusqu’à 407 milliards d’euros(4). Les 36 milliards d’euros de dépenses pour les pensions représenteraient donc 8,84% du PIB, proportionnellement moins qu’en 2008, donc.

Il est impossible d’estimer le PIB de 2030, ne parlons même pas de celui de 2060. Mais nous savons tout de même que nous avons été plus productifs de 36% pour chaque heure en 1965 par rapport à 1950 et 111% plus productifs en 1980 par rapport à 1965. Admettons que le capitalisme s’est depuis lors essoufflé. Mais nous avons quand même été plus productifs de 36% pour chaque heure en 1995 en comparaison de 1980 et, au beau milieu de l’année de crise de 2009, nous étions encore 15% plus productifs qu’en 1995(5). Le prix de cette performance se calcule notamment en infarctus et maladies liées au stress. Même si les quinze prochaines années restent aussi ‘mauvaises’, les 10 milliards d’euros supplémentaires que coûteraient nos pensions d’ici 2030 ne représenteraient vraiment rien, tout comme les 4 autres milliards pour 2060.

Mais peut-être que les politiciens, les patrons et leurs médias sont d’accord avec nous pour qualifier le capitalisme de système archaïque offrant peu de possibilités de croissance et pour dire que la tendance à la baisse de l’augmentation de la productivité initiée au milieu des années ’70 va se poursuivre?
De ce constat, le PSL tire la conclusion que le chaos capitaliste devrait être remplacé par un système socialiste basé sur la planification rationnelle et la démocratie des travailleurs. A l’opposé, les politiciens, patrons et médias actuels tentent de réanimer le capitalisme, ce système archaïque. C’est ce qui explique leur politique de cadeaux aux patrons qui puise dans les caisses de la sécurité sociale pour accorder des subventions salariales et des diminutions de charges au patronat.

Notes:

1) SPF économie: Structure de la population selon âge et sexe : pyramide d’âge
2) The Conference Board Total Economy Database.
3) PIB – Produit Intérieur Brut – la valeur totale de marchandises et de services produits en une année.
4) Bureau Fédéral du Plan, prévisions économiques 2009-2014.
5) The Conference Board Total Economy Database.

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