DANGER : Virus des POUVOIRS SPÉCIAUX !

Dans le cadre de la crise du Coronavirus et sous prétexte de l’urgence, le Parlement fédéral vient d’octroyer les pouvoirs spéciaux au gouvernement Wilmès II. Sauf si l’on pense que, sous l’effet magique du Coronavirus, le gouvernement fédéral n’a plus de couleur politique, il faut bien constater que le parlement vient majoritairement (PRL, Open VLD, CD&V, Cdh, PS, sp.a, Groen, Ecolo, Défi) de voter les pouvoirs spéciaux à un gouvernement de droite. Dans sa composition politique, ce gouvernement Wilmès II avec pleins pouvoirs est identique au gouvernement Michel II (le gouvernement Michel I moins la NV-A). N’oublions pas que le gouvernement Michel I a imposé le recul de l’âge de la pension, les coupes budgétaires en matière de soins de santé, l’achat de nouveau avions de combat, etc.

Par Guy Van Sinoy

Dès les années 1980 les travailleurs du privé et du public ont eu l’occasion de faire l’expérience amère de gouvernements de droite dotés de pouvoirs spéciaux. Il est important de s’en rappeler et d’essayer d’en tirer quelques leçons.

Rappel des années 1980

Du début de l’année 1982 à décembre 1987, les gouvernements de droite (Martens V, Martens VI, Martens VII) regroupant les partis chrétiens (CVP (aujourd’hui CD&V.), PSC (aujourd’hui CDH)), et libéraux (PVV (aujourd’hui Open VLD), PRL (aujourd’hui MR)) eurent abondamment recours aux pouvoirs spéciaux pour imposer de sévères mesures de recul social. De février 1982 à décembre 1982, le gouvernement Martens VI prit un paquet de 200 arrêtés : réduction des coûts des entreprises, dévaluation du franc belge de 8,5 %, suspension de la liaison des salaires à l’index, coupes budgétaires dans les dépenses publiques et dans la sécurité sociale, baisse globale de 3 % de la masse salariale, Cela correspondait aux vœux du patronat et au mémorandum remis fin 1981par la Fédération des Entreprises de Belgique.

Bien sûr cela ne passa pas comme une lettre à la Poste. En septembre 1983 les travailleurs des services publics firent plusieurs semaines de grève générale (sans la CSC). En juin 1986, après plusieurs arrêts de travail spontanés, les affiliés de la FGTB manifestèrent en masse à Bruxelles (+ de 100.000 manifestants) contre un nouveau plan d’austérité : le Plan Van Duchesse (Sint-Anna Plan en néerlandais). Ces mobilisations de masse eurent lieu à l’époque malgré la collaboration active du président de la CSC Jef Houthuys (1) à la politique du gouvernement. Cela contribua fortement à diviser le front commun syndical. La profondeur du mouvement de protestations contre le Plan Val Duchesse aboutira in fine à la chute du gouvernement Martens VII même si de prétendus motifs communautaires seront officiellement évoqués.

Le gouvernement Dehaene I (CVP, PSC, PS, SP) de 1992 à 1995 ne recourut pas aux pouvoirs spéciaux pour imposer son Plan global. Dans un premier temps il mena la concertation avec les sommets syndicaux, puis ensuite passer en force et imposer son plan.

2020 : un possible remake des années ‘80 ?

Pour un gouvernement bourgeois, il ne suffit pas de vouloir les pouvoirs spéciaux pour être capable de pouvoir les appliquer sur le plan économique et social. En cette fin mars 2020, nul ne sait encore combien durera la crise du Coronavirus sur le plan mondial. Nul ne peut deviner la durée du confinement de la population à domicile ni les conséquences économiques de cette crise humanitaire.

Un chose est certaine cependant : la bourgeoisie fera tout ce qui est en son pouvoir pour tirer son épingle du jeu et faire payer par les classes populaires la note de cette crise mondiale. Les pouvoirs spéciaux accordés à l’équipe Wilmès II le permettront-ils ? Il ne suffit pas d’avoir sur papier le droit de légiférer sans passer par le parlement, il faut encore, comme parti politique, avoir les relais dans la société pour faire passer sa politique.

Et sur ce plan, le gouvernement Wilmès II n’a pas la même assise que les gouvernements Martens. Même s’il dispose d’un soutien extérieur d’une majorité parlementaire, le gouvernement Wilmès II est composé de partis avec une base électorale relativement faible : MR, Open VLD et CD&V totalisent 38 sièges au parlement (sur 150!). Le CD&V, aujourd’hui troisième parti en Flandre, n’est plus que l’ombre du CVP des années 80. Quant au Cdh (ex-PSC) il n’est plus qu’un groupuscule parlementaire, aujourd’hui crédité dans les récents sondages de moins de 5 % à Bruxelles, c’est-à-dire en-dessous du seuil d’éligibilité.

Rester sur ses gardes et se préparer à riposter

Sur le plan des relations actuelles entre le CD&V et le mouvement ouvrier en Flandre, la situation s’est aussi fort dégradée depuis l’époque des gouvernements Martens et Dehaene. La participation active du CD&V à la politique de recul social du gouvernement Michel I (réforme des pensions, tax-shift, saut d’index, allocations de chômage, prépensions, crédits-temps, flexi-jobs dans le secteur Horeca, etc.) et depuis un an, l’acharnement des dirigeants du CD&V de lier leur sort à celui de la N-VA pour participer à un gouvernement de plein exercice ne peut que susciter la méfiance dans les rangs de l’ACV.

Malgré ces modifications des relations entre parti et syndicat, du côté chrétien, rien n’exclut que le gouvernement bourgeois Wilmès II, mette à profit le profond émoi suscité par le caractère exceptionnel et profond de la crise sanitaire, économique et sociale du Coronavirus pour faire payer la note aux travailleurs et travailleuses du privé et du public. Les militants et militantes de la FGTB, de la CSC et de la CGSLB doivent absolument rester sur leurs gardes et se préparer à riposter.

1) De 1982 à 1987, Wilfried Martens (Premier ministre) et Jef Houthuys (Président de la CSC) eurent plusieurs entretiens secrets à Poupehan, en compagnie de Fons Verplaetse (futur Gouverneur de la Banque nationale).

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