Evaluation des élections du 13 juin 2010 : La NVA et le PS ensemble pour assainir 22 milliards d’euros

Ces élections ont marqué une nouvelle étape de la crise politique. Un seul vainqueur côté flamand : la N-VA de Bart De Wever. Côté francophone, c’est le PS qui a cartonné (35,7% au Sénat et 37,5% à la Chambre). Envolée l’euphorie du Didier Reynders de 2007. Quant à la percée d’Ecolo de 2009, elle ne s’est pas confirmée. D’autre part, le Bureau du Plan estime que 22 milliards d’euros d’assainissement budgétaire seront nécessaire pour retrouver l’équilibre en 2015.

Texte issu du Comité National du PSL-LSP

Les résultats électoraux n’étaient pas vraiment surprenant. Ces élections étaient la tantième étape du développement d’une crise politique qui a surtout fait surface depuis 2007 mais qui commençait déjà à bloquer le fonctionnement de l’Etat fédéral en 2004.

En 2004, des partis différents du niveau fédéral sont arrivés au pouvoir dans les gouvernements régionaux, signe révélateur du fait que la position des différents partis bourgeois devenait constamment plus volatile. Sous la direction d’Yves Leterme, le gouvernement flamand a presque directement entamer une guerre contre le gouvernement fédéral, en mentionnant par exemple la scission de BHV dans l’accord gouvernemental flamand (alors qu’il s’agissait d’une compétence fédérale), mais aussi sur base d’un nombre de dossiers liés au marché de l’emploi. Le gouvernement fédéral avait toujours plus une image d’irrésolution, d’un «gouvernement d’annonces» jamais concrétisées à cause de disputes internes…

Cette volatilité s’est surtout développée en Flandre. L’année 1999 avait constitué une cassure avec le passé : pour la première fois depuis les années ’50, le CVP n’a pas pu prendre la direction du gouvernement. Guy Verhofstadt est monté au pouvoir avec le gouvernement arc-en-ciel, puis une deuxième fois avec le gouvernement viole. En 2004, le CVP (devenu entretemps) CD&V a regagné la direction en Flandre, de même qu’en 2007 au niveau fédéral, mais en cartel avec la NVA, rentrée au gouvernement flamand en 2009 (après la cassure du cartel imposée par le CD&V). Aujourd’hui, le CD&V (le parti de «monsieur 800.000 voix» en 2007) est tombé sous les 20%, pour la première fois de son histoire et il s’en est fallu de peu que Bart De Wever ne répète le score d’Yves Leterme.

En comparaison, le paysage politique francophone semble être un oasis de sérénité. L’euphorie de Reynders en 2007 est vite retombée. Ce 13 juin, le PS a cartonné avec un double message : se présenter à la fois comme le défenseur des acquis de l’Etat-providence et comme le défenseur des francophones dans les négociations avec les partis flamands. Son soutien électoral illustre un penchant pour la sécurité et la stabilité, le «vote utile» contre la violence flamande et libérale dans le cadre de l’austérité très dure qui frappe partout en Europe.

La Belgique est-elle dès lors un «pays à deux pays» ? Oui et non. Les médias, les partis politiques et tout un tas d’institutions sont séparées pour les deux grandes communautés, la situation sociale et économique y est différente, mais les partis politiques bourgeois des deux côtés sont tous au service des intérêts de la même bourgeoisie. Finalement, les intérêts de cette bourgeoisie – stabilité, mais aussi renforcement du taux d’exploitation – forcent les partis à parvenir à un compromis, des deux côtés. Même le dirigeant de la NVA, Bart De Wever, recherche une certaine pacification. Selon ses propres termes, il n’est «pas un révolutionnaire» et la décomposition de la Belgique n’est selon lui pas un processus révolutionnaire, mais bien un processus évolutionnaire dans le cadre du développement de l’unification européenne. Il continue visiblement à croire en une perspective d’unification européenne approfondie sur base capitaliste. Il n’est pas certains que toutes ses troupes sont sur la même ligne mais, pour le moment, Bart De Wever est le roi, y compris vis-à-vis de ses propres rangs.

Victoire la NVA – un nouveau «parti populaire» en Flandre ?

Quelle est la stabilité de la position dirigeante de De Wever ? La NVA peut elle remplacer le CD&V comme l’instrument le plus important de la bourgeoisie ? Non. La NVA est un petit parti petit-bourgeois qui représente l’opinion des petits patrons flamands et entre autres «le bons sens» qui dit que quand les choses vont moins bien en Flandre, il faut arrêter de subventionner «la politique socialiste» en Wallonie. Mais il s’agit aussi de la volonté de se débarrasser de certains mécanismes de protection sur le marché de l’emploi (voire de tous), sans trop se soucier de l’impact de ces mesures en termes d’approfondissement de la crise du capitalisme. La NVA combine les revendications de l’organisation patronale flamande Voka – un nationalisme flamand rationnel et chiffré, basé sur l’égoïsme économique – avec une aile plus romantique de nationalistes flamands historiques.

Il y a une différence entre ces deux ailes. Pour la première, le plus important est une réforme d’Etat socio-économique conduisant à une exacerbation de la concurrence entre régions. Pour la deuxième, il s’agit surtout de dossiers linguistiques ou symboliques. L’échange entre une réforme d’Etat socio-économique et un plan d’austérité (ce sur quoi le PS serait préparé, selon un article de De Standaard basé sur des déclarations anonymes d’un intime de Di Rupo) et certaines concessions de la Flandre dans le cadre du dossier BHV, du financement de Bruxelles et sans doute aussi dans la réforme d’Etat (entre autre le maintien d’une sécurité sociale nationale) est beaucoup moins évident à avaler pour le deuxième groupe que pour le premier.

La question à poser est la suivante: Bart De Wever est-il prêt à utiliser sa nouvelle position de force afin de servir les intérêts de la bourgeoisie belge ? Si ce n’est pas le cas, nous allons droit vers une période de pourrissement de la situation, une période de chaos et d’instabilité où la Belgique sera constamment plus dans le collimateur des spéculateurs. Cela donnerait le prétexte aux partis bourgeois, avec les verts, pour prendre les choses en main avec un gouvernement d’unité nationale incluant les verts si nécessaire. Dans ce cas, les médias feront tout pour faire porter le chapeau à la NVA et la présenter comme la responsable de la crise tout en soumettant Bart De Wever au même calvaire médiatique qu’Yves Leterme : passer de héro à zéro.

Les premiers développements – juste avant les élections déjà, mais aussi les jours après – semblent montrer que Bart De Wever est effectivement prêt à servir la bourgeoisie belge: accepter un premier ministre francophone, déclarer que la réforme d’Etat sera basée sur un compromis, assurer que la NVA n’aspire pas à une décomposition du pays à court terme,… La question est alors : peut-il convaincre son parti et sa base ? La véritable question est : combien de temps faudra-t-il pour que Bart De Wever se soumette au calvaire d’Hugo Shiltz ? Avec le Vlaams Belang qui va attaquer chaque concession et les nationalistes flamands déchainés au sein même de la NVA, le travail de sape peut commencer très tôt même si, dans un premier temps, il ne sera pas fort visible à cause du triomphe de De Wever et des concessions qu’il est capable d’obtenir du PS. Ces concessions vont devoir être substantielles pour ne pas être confronté de ses propres remarques du passée sur le «poisson gras» (à obtenir pour la Flandre) et les «cacahuètes» (qu’il fallait au contraire éviter).

A côté de cela, son parti sera également responsable du plan d’austérité demandé par la bourgeoisie pour les années à venir. Si la coalition la plus probable actuellement devient réalité – la «coalition calque» avec les partis des gouvernements régionaux, qui rejette les partis libéraux dans l’opposition – son parti serait en effet la composante la plus à droite dans ce gouvernement, celle qui va devoir pousser le plus pour les assainissements et moins d’impôts.

Il est très peu probable que la NVA soit capable de répéter une deuxième fois son score du 13 juin, que cela soit après une formation et une participation gouvernementale “réussie” ou après une formation “non réussie”. Ce parti ne dispose pas de la large assise dans la société et des nombreux relais dans «la société civile» qui ont permis au CD&V de se rétablir après son déclin de 1999. Sa base électorale est quasi totalement nouvelle et provient de tous les partis – le développent et le déclin ultra-rapide de la LDD illustre à quel point ces votes peuvent repartir aussi vite qu’ils sont venus.

Il est moins facile de prédire qui va reprendre les affaires en main une fois terminée l’illusion De Wever. Tout le monde reconnait que les 30% de suffrages pour la NVA ne sont pas une expression de soutien pour le programme de la NVA. Cela exprime surtout que l’électeur – après que chaque parti flamand et institution flamande lui ait dit et répété qu’il faut une réforme d’Etat pour garantir la sauvegarde du bien-être – a voté pour le parti, et surtout pour la personnalité, qu’il pensait le plus apte à concrétiser cette réforme d’Etat. De toute façon, il n’y avait pas d’autre alternative. Vers où vont se diriger toutes ces voix une fois qu’il est clair que De Wever ne pourra pas apporter de solution face aux problèmes socio-économiques ?

Une certaine recomposition du paysage politique flamand s’impose pour pouvoir assurer une stabilité. Le CD&V à nouveau rebondir après le score de ces élections, historiquement le plus bas, mais un retour à sa position passée de valeur sûre seule à décider avec qui former un gouvernement est presque impossible. Le SP.a non plus n’est pas capable de prendre la direction, c’est un partenaire de coalition, pas un dirigeant. Quant à l’Open VLD, il va essayer de rétablir son aile droite (tant dans le cas d’une «coalition calque» que dans le cas d’une coalition d’unité nationale), mais les rêves de parvenir à être un «parti populaire» sont de l’ordre du passé. Groen n’est pas réellement considéré, et le parti vert n’est cité que comme «dépanneur» et en conséquence de son lien avec Ecolo. Après une éventuelle période chaotique avec Bart De Wever, ces partis pourraient jouer sur l’argument de la «stabilité» et obtenir ainsi une certaine restauration de leur soutien. Mais si la victoire du NVA démontre bien quelque chose, c’est qu’en Flandre, tous les partis traditionnels sont discrédités jusqu’à l’os.

Le PS cartonne en Wallonie – Un modèle de stabilité?

Les partis traditionnels flamands ne peuvent même pas rêver d’un tel score – un tel soutien électoral, c’est de l’ordre du passé pour eux. Ce score montre que le PS est le seul parti bourgeois qui a réussi à maintenir une position d’autorité en tant que défenseur de l’intérêt général. C’est évidemment un parti bourgeois étrange, un parti qui s’est imposé à la bourgeoisie comme le seul capable de maintenir un contrôle sur le mouvement ouvrier socialiste dans son bastion – la Wallonie – et de lui faire avaler les assainissements.

C’est ce rôle que le PS a joué (avec le SP.a) au cours du Plan Global. Elio Di Rupo s’y réfère d’ailleurs plusieurs fois, notamment quand il affirme que le PS est contre une politique d’austérité libérale, mais qu’il est capable d’assainir. Il se réfère alors lui-même au Plan Global, le plus grand plan d’austérité structurel de l’histoire de la Belgique. «Structurel», car ce plan a un effet d’assainissement permanent, comme avec la norme salariale et l’index-santé (deux des mesures du Plan Global) qui assurent que nos salaires représentent moins d’année en année.

Il ne faut avoir aucune illusion: le PS veut assainir et va assainir. C’est une question d’emballage. Aux termes de «plan d’austérité», le PS préfère des termes comme «Pacte Social bis» (qui semblent indiquer qu’il s’agit d’une amélioration et non pas d’une détérioration), dans lequel une érosion ultérieure des revenus de la sécurité sociale est compensée par une «Cotisation Social Généralisée» (ce à quoi appelle d’ailleurs CSC et FGTB!).

Le PS est un parti bourgeois particulier, un parti qui s’est toujours caché derrière “le CVP” ou “les flamands” et derrière l’Europe (ce que font tous les partis bourgeois belges) pour masquer leur responsabilité dans la politique asociale. Cette fois-ci, le PS a mené campagne sans parler des 22 milliards euros d’assainissements qui, aux dires du Bureau du Plan, sont nécessaires pour obtenir l’équilibre budgétaire en 2015 (les autres partis francophones ont adopté la même attitude, à l’exception du Parti Populaire ultra-néolibéral de Modrikamen). Mais cet objectif est néanmoins accepté par le PS au gouvernement fédéral (et il en va de même, indirectement, avec le CDH et Ecolo au niveau des régions). Maintenant, le programme électoral du PS va pratiquement entièrement disparaître à la poubelle, ou peut-être dans une armoire afin de pouvoir ressortir aux prochaines élections, où le PS affirmera qu’il a bel et bien défendu ces revendications sans arriver à convaincre ses partenaires gouvernementaux.

Le carton du PS a bien des similitudes avec les 800.000 voix de Leterme en 2007, qui exprimaient la recherche de stabilité et de valeurs sûres. C’était une phase du développement de la crise politique, économique et sociale qui était dominante à ce moment. Aujourd’hui, en Flandre, cela a été remplacé par la volonté de changement qui, faute d’une alternative ouvrière crédible, s’oriente vers la formation petite-bourgeoise la plus remarquable et crédible du moment. Le PS, lui aussi, ne parviendra pas à maintenir cette victoire de façon permanente. Avec Elio Di Rupo comme premier ministre, le tour de passe-passe du PS – «le parti d’opposition au gouvernement» – sera beaucoup plus difficile à reproduire. Dans une «coalition calque», Elio Di Rupo est presque certain de devenir premier ministre. Mais même dans le cas d’une coalition d’unité nationale, la seule alternative si la formation d’un gouvernement calque échoue, Di Rupo serait presque incontournable comme premier ministre.

Ce nouvel épisode pourrait alors constituer un point tournant du développement du PS, un point où la perte graduelle de sa position de force (qui a précédemment conduit à la victoire du MR en 2007 et aussi à la montée du parti petit-bourgeois Ecolo comme joueur sérieux – au moins temporairement) abouti à une position beaucoup plus précaire comparable, mais pas tout à fait, à l’affaiblissement du CVP/CD&V en Flandre. Ce n’est pas tout à fait comparable car au PS, il y a aussi l’élément de la bourgeoisification qui joue. Cette bourgeoisification a totalement abouti au niveau interne, mais le PS a pu jusqu’à présent préserver sa position électorale ainsi que, dans une mesure sans cesse moindre, son image dans la classe ouvrière wallonne. Avec le PS comme partenaire dirigeant de la coalition, ces illusions peuvent être rapidement brisées, certainement au vu des critiques déjà très dures présentes dans les milieux syndicaux à l’encontre du PS.

Les libéraux dans les cordes – une famille politique bourgeoise en réserve à l’opposition

Pour la bourgeoisie, c’est un des grands avantages d’une coalition calque. Les deux partis libéraux peuvent bien traverser une crise interne, ce sont tous les deux de loyaux serviteurs de la bourgeoisie. Ce scénario offre une protection relative contre le développement ou le renforcement d’une autre formation petite-bourgeoise, en conséquence de l’affaiblissement à venir de la NVA. Le candidat le plus probable pour profiter de cet affaiblissement est le Vlaams Belang, un problème bien plus grand que la NVA ou la LDD pour la bourgeoisie belge. La NVA et la LDD sont des formations petite-bourgeoises sur lesquelles la bourgeoisie n’a pas une influence directe et dominante, mais ces partis ne traduisent pas leurs éventuels points de vue radicaux (sur le plan social et communautaire) en action radicale.

La NVA n’est pas “séparatiste” d’une façon dangereuse pour la bourgeoisie. Une décomposition de la Belgique dans l’Europe comme processus plus ou moins naturel accompagné de compromis, c’est une toute autre chose qu’une déclaration d’indépendance de la Flandre unilatérale, ce à quoi appelle le Vlaams Belang. En principe, la NVA et la LDD peuvent être achetés avec des postes pour ensuite être «gouvernés à mort», comme cela s’est passé déjà produit avec succès dans le cas de la défunte Volksunie et du FDF. Mais il est impossible d’intégrer le Vlaams Belang dans un gouvernement sans provoquer des troubles profonds dans la société.

Y a-t-il une possibilité de compromis concernant BHV, une réforme d’Etat socio-économique et un plan d’austérité structurel?

y a-t-il possibilité d’un compromis sur tout cela entre Elio Di Rupo et Bart De Wever? La presse, qui la veille des élections encore parlait de l’incompatibilité de ces deux-là, semblait penser 24 heures plus tard que ce serait «difficile, mais faisable». A entendre les déclarations publiques de De Wever et Di Rupo, ils semblent être d’accord.

Nous avons toujours affirmé que les partis traditionnels peuvent arriver à un tel accord parce qu’ils veulent avant tout exécuter le programme de la bourgeoisie – les divergences d’opinion portent sur la manière de faire (à côté des intérêts de carrière personnelle des politiciens en question). Nous verrons dans les semaines et mois à venir si Bart De Wever est lui aussi prêt à presque tout pour servir la bourgeoisie. Mais le pouvoir est une force d’attraction importante : les multiples postes qui pourraient tomber dans les mains de la NVA sont difficiles à refuser.

Evidemment, Bart De Wever connait mieux que n’importe qui l’histoire du mouvement flamand dans ces relations avec l’Etat fédéral. Mais la NVA se trouve prise en étau. Si la NVA joue le rôle de «sauveur de la patrie» avec le PS en concluant un nouveau compromis (quelque peu) durable sur les relations entre structures fédérées, un compromis où la régionalisation de compétences et le renforcement de l’autonomie fiscale sera compensé par des mesures renforçant la cohérence fédérale (sinon, il n’y a pas de compromis possible avec les partis francophones et la formation de gouvernement échouera). Cela fera des dégâts dans son soutien stable, nationaliste flamand, et peut même à terme mener au départ de certains nationalistes flamands (et peut-être même à court terme, surtout au vu du fait que des développements prennent parfois place de façon ultra-rapide aujourd’hui). Par contre, si la NVA conserve cette base et ses principes, elle devra dans quelques mois faire face à une attaque d’ensemble des institutions bourgeoises qualifiant la NVA de «provocateur d’instabilité» à un moment de risques économiques énormes. Il n’est pas exclu que la NVA décide quand même de rester de côté faute de concessions suffisantes de la part du PS qui, d’une position très forte, va revendiquer un accord «rationnel» et «équilibré» avec le soutien de la bourgeoisie des deux côtés de la frontière linguistique. Dans ces deux derniers cas, il sera impossible à la NVA de reproduire son score de 30% à de prochaines élections, et Bart De Wever en est conscient.

La coalition calque est possible pour le PS, mais il parlait dans sa campagne d’un gouvernement d’unité nationale, c’est-à-dire avec le MR. Nous n’avons assisté à aucun duel tel que ceux de 2007 entre les deux partis. Les résultats électoraux offrent d’autres solutions, mais selon quelques messages parus dans la presse, il y aurait toujours aujourd’hui des voix dans le PS pour défendre une coalition avec le MR. Cela offrirait une protection contre les attaques inévitables de la part du MR-FDF lors d’un éventuel compromis sur BHV et la réforme d’Etat. De l’autre côté, la coalition Olivier protègerait plus le PS contre une perte à sa gauche (vers Ecolo et, dans une moindre mesure, vers le CDH par le mécontentement au sein de la CSC et du MOC) à cause du programme d’austérité structurel qui arrive. Sur base des résultats électoraux actuels, la coalition calque offre plus d’avantages au PS.

Le PS a laissé des ouvertures pour un compromis. En ce qui concerne BHV, le PS est beaucoup moins concerné que le MR et le CDH, mais une scission pure ne serait pas défendable pour le PS, certainement après l’instabilité politique de ces dernières années. Le PS va revendiquer le maintien de la sécurité sociale nationale, mais aussi un démantèlement «national» de cette sécurité sociale avec la proposition d’Onkelinx (réduction de la part de financement basée sur les charges sur les salaires jusqu’à 50% des revenus de la sécurité sociale) et avec une «Cotisation Social Généralisée», une «solidarité» des meilleures salaires avec les salaires bas, des meilleures pensions avec les plus basses pensions (on parle ici de charité, pas de sécurité sociale). Le PS va aussi vouloir certaines mesures symboliques contre le grand capital et/ou les spéculateurs. De l’autre côté, le PS est partisan d’une régionalisation ultérieure de la politique du marché de l’emploi.

Nous ne pouvons pas encore prédire quel accord arrivera exactement, nous n’avons en ce moment que quelques pièces de puzzle en main, certaines ayant des chances de faire partie d’un accord. Généralement, nous pouvons dire que le PS est d’accord sur le principe de pousser, au moins partiellement, un programme d’assainissement vers les régions et les communautés.

Conclusion provisoire

Le PS et la NVA vont sérieusement tenter de parvenir à un accord. Aucun des deux ne peut se permettre de saboter les négociations avec des revendications impossibles et des ultimatums. Leur réussite est très incertaine, mais pas impossible non plus. Si cette phase se termine sans réussite, le prochain pas le plus probable ne sera pas de nouvelles élections, mais bien une tentative de formation d’un gouvernement d’unité nationale. Si cela échoue aussi, ou si ce gouvernement éclate par tensions internes ou par pression externe, nous arriverons de nouveau à une situation de crise politique absolue, et il n’est pas exclu que de nouvelles élections soient alors organisées. Au vu du fait que le prochain gouvernement devra assainir 22 milliards, selon la bourgeoisie, le prochain gouvernement risque d’être instable, qu’importe sa composition.

La façon dont ces assainissements sont introduits a un effet important sur leurs chances de réussir. Une coalition calque – avec seulement un parti de droite «pur» au vu des liens du CD&V (et en moindre mesure du CDH) avec l’ACW/MOC et l’ACV/CSC – ne va pas chercher une confrontation rapide et dure avec le mouvement ouvrier, sauf sous une pression extrêmement lourde (p.ex. une éventuelle nouvelle vague de problèmes chez les banques, une spéculation internationale contre les valeurs belges,…). Tous les partis gouvernementaux, sauf la NVA, ont des doutes sur le moment où doit s’arrêter la politique anticrise (entre autres les mesures de chômage temporaire) pour être remplacée par l’austérité. Différentes institutions, comme le gouverneur de la Banque Nationale actuellement, avertissent contre une politique d’austérité trop dure et plaident pour un mélange dans lequel de nouveaux impôts prennent aussi une place importante. Ces partis ne vont d’ailleurs pas faire de cadeaux à la NVA sur ce plan. Si la NVA essaie trop de contrarier cela, une certaine mobilisation de la part de la direction syndicale avec des actions symboliques n’est pas à exclure.

Généralement, sur le plan social, nous devons nous attendre à un “compromis à la belge”, c’est-à-dire à un accord présenté comme étant «équilibré», dans «l’intérêt général» et dans lequel tout le monde a sa «dose de sucre» (en réalité, il s’agit toujours d’un kilo pour le patronat et d’un grain pour les travailleurs) et qui exige des sacrifices de «tout le monde». Ce compromis devra aussi impliquer tous les joueurs, en d’autres termes, il devra s’agir d’un compromis impliquant étroitement les directions syndicales. S’il y a quand même une pression pour mener des actions généralisées, l’argument selon lequel «l’alternative, c’est le chaos» est déjà tout prêt après cette dernière série d’élections.

Les assainissements vont être élaborés et appliqués aussi graduellement que possible. Avec une réforme d’Etat, ces assainissements seront aussi partagés entre les différents niveaux de pouvoir. Les gouvernements essayeront ainsi d’éviter toute confrontation dure, simultanée et générale. Dans un premier temps, une lutte généralisée est le moins probable.

Mais la situation, tant sur le plan politique que sur le plan économique, est spécialement instable. Sous la surface, à côté de la peur de l’avenir, il y a aussi une colère qui peut éclater à n’importe quelle occasion, à n’importe quel moment. Le point faible de la classe des travailleurs est et reste sa direction, ou mieux, son manque de direction. Même si les syndicalistes ont massivement voté pour le PS en Wallonie, cela n’est pas à cause d’illusions concernant le fait que le PS serait «leur parti», mais parce qu’il s’agit du «moindre mal».

En différents lieux en Wallonie et à Bruxelles, tant le MOC que des centrales syndicales socialistes n’ont pas seulement invité le PS pour des débats, mais ici et là également le PTB et, dans une moindre mesure, le Front des Gauches. S’ils l’ont fait, c’est d’une part parce cela ne constitue pas un danger dans l’ambiance actuelle de la société, mais aussi parce que, dans leurs rangs, de nombreuses critiques s’élèvent contre l’appel traditionnel à voter pour le PS. Avec l’appel de Luc Cortebeeck (le président de la CSC) à voter pour des «partis responsables» (CD&V, SP.a, Groen et même VLD), la direction de la CSC en Flandre montre surtout dans quelle mesure elle est un agent de la bourgeoisie dans le mouvement ouvrier. Cela illustre aussi à quel point il est devenu impossible pour cette direction d’appeler seulement à voter pour le CD&V, ce qui va aussi offrir des opportunités pour la gauche à l’intérieur de la CSC.

Le PSL/LSP doit, dans la situation à venir, attentivement suivre les développements à l’œuvre, et surtout être prêt à intervenir lors des développements rapides de la lutte. Un point central sera notre mot d’ordre que les syndicats doivent rompre leurs liens avec les partis gouvernementaux. Les syndicats et les militants syndicaux en lutte ont un rôle fondamental à jouer dans la construction d’une voix politique capable de représenter la lutte, un outil politique indépendant des partis qui ont choisi le camp du patronat depuis longtemps déjà. D’autre part, si la future réforme d’Etat comprend la régionalisation de secteurs/compétences avec beaucoup de personnel, il faudra aussi mener campagne autour de la nécessité de l’unité syndicale au-delà la frontière linguistique et contre de possibles régionalisations de syndicats.

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