Virage à gauche au PS: réaction de panique face au PTB ou quelque chose d’autre?

ps-ppics

Les gouvernements de Bruxelles et de Wallonie bloquent le traité de libre-échange Union européenne – Canada (le CETA), qui n’est encore qu’une pâle copie du Traité Transatlantique (TTIP, UE-USA) bien plus controversé. Le PS remet sur table la diminution du temps de travail et la démocratie économique, des revendications traditionnelles du mouvement ouvrier bannies des décennies durant et reléguées aux programmes de la gauche radicale. S’agit-il simplement d’une réaction de panique face à la percée du PTB dans les sondages ou s’agit-il d’autre chose ?

Par Eric Byl, article tiré de l’édition de novembre de Lutte Socialiste. Photo : PPICS

Le programme de Noël (1945) du Parti social-chrétien (PSC, Christelijke Volkspartij, CVP, en néerlandais), abordant la reconstruction d’après-guerre, avait pour titre “qui sera l’architecte ?” Le PSC s’est ainsi présenté comme ‘‘leader de la nation’’. A l’instar de nombreux autres partis traditionnels en Europe, il n’a pu le faire que grâce à l’énorme augmentation des richesses consacrées à acheter la paix sociale dans la période d’après-guerre. Cela résultait de la pression combinée de la force du mouvement ouvrier et de l’existence d’un système alternatif sous la forme des caricatures staliniennes du socialisme à l’Est. À partir de la crise, début années ‘70, il est devenu bien clair que tout cela était exceptionnel et non la règle. Un chômage de masse structurel a fait son apparition et les détenteurs de capitaux exigeaient que leurs profits soient préservés aux dépens des salaires, des conditions de travail et des dépenses sociales.

Tous les partis traditionnels s’y sont pliés, partis populaires et social-démocratie inclus, jusqu’au Parti Communiste en Italie, même au prix de balancer idéologie et programme par-dessus bord. Cela a sapé leur autorité et a conduit, notamment en Flandre, à une fracture politique. Mais la politique d’austérité a seulement conduit à une nouvelle période de Grande Récession (2008-2009). Il est devenu sans cesse plus clair que les politiciens traditionnels n’offrent de solutions ni pour la crise climatique, ni pour l’afflux de réfugiés, ni pour les conflits militaires, ni pour la relance du commerce mondial, ni pour la pauvreté, la mobilité, la question nationale, l’emploi, le vieillissement de la population, etc.

C’est pourquoi de plus en plus de gens sortent des sentiers battus de la politique traditionnelle. Ce sont d’abord les populistes de droite et d’extrême droite qui ont pu en tirer profit. De par leur fortune personnelle ou à l’aide de sponsors richissimes, ils disposent des moyens de détourner la colère vers les ‘‘chômeurs-profiteurs’’, les ‘‘réfugiés économiques’’, les ‘‘paresseux du Sud’’, etc. Le phénomène est important et dangereux, mais surtout basé sur ceux qui cherchent une solution individuelle et qui ne regarde pas les forces sociales. Mais ce qui est beaucoup plus important, c’est qu’il y a aussi des groupes sociaux qui tournent le dos à la politique traditionnelle. Cela explique la croissance des nouvelles formations de gauche qui représentent une réelle menace pour la domination capitaliste puisque leur présence stimule l’action sociale et fait renaitre l’espoir. Pensons à Syriza en Grèce, malheureusement jusqu’à la capitulation de sa direction, à Podemos en Espagne, à Die Linke en Allemagne, au Socialistische Partij aux Pays-Bas, à l’Anti Austerity Alliance – People Before Profit en Irlande, etc. Le phénomène fait tache d’huile. Les sondages montrent que le PTB-Pvda peut revendiquer sa place dans cette liste, surtout en Wallonie (16%) et à Bruxelles (11%).

Le PS s’inquiète, c’est certain. L’introduction d’une semaine de quatre jours au salaire d’une semaine de cinq jours pour le personnel communal de Saint-Josse et pour certains fonctionnaires wallons ayant plus de 60 ans sert à démontrer que les déclarations du PS sur la diminution du temps de travail s’accompagnent d’actes. Evidemment, le PS ne va pas étendre cela à tous les travailleurs des services publics ni l’imposer au privé. Que cela ne retienne pas les syndicats, dans tous les secteurs, de saisir cette revendication comme outil de lutte central contre le chômage. Sa proposition pour le ‘‘double pouvoir’’ (pour des entreprises de ‘‘codécisions’’) dans les entreprises (le conseil d’administration devrait partager son droit de décision avec un conseil des travailleurs) est une manière d’éviter de parler de socialisme. Le danger que cela conduise à la collaboration de classe ou à la cogestion comme en Allemagne est réel. Mais des délégations combatives peuvent aussi saisir l’idée pour contester le pouvoir des actionnaires et la transformer en véritable droit de véto pour les travailleurs. Dans ce cas, les actionnaires s’enfuiraient bien vite. La nationalisation sans indemnisation sous contrôle de la communauté et des travailleurs serait alors la seule issue. Si le PS était vraiment sérieux, pourquoi ne pas commencer avec Caterpillar ?

Mais il y a autre chose. En Grèce, le PASOK a été balayé du paysage électoral. Aux Pays-Bas, le PvdA a chuté de 38 sièges à 10. Le PSOE espagnol a été dépassé par Podemos. En France, François Hollande fait face à une crise profonde. La tendance à gauche s’exprime dans toutes sortes de nouvelles formations. Depuis peu, cette tendance est devenue si forte que Bernie Sanders a été capable d’enclencher une ‘‘révolution politique’’ avec les primaires du Parti démocrate. Au Royaume-Uni, cette tendance s’est traduite avec Jeremy Corbyn aux primaires du Parti travailliste. Face au précipice, certains dirigeants de la social-démocratie se repentent, partiellement en raison du fait que, soudainement, les commentateurs bourgeois plaident eux aussi pour une politique d’investissements publics.

Aux Pays-Bas, une figure d’arrière-garde s’est soudainement proposée comme candidat de gauche pour être tête de liste du PvdA. En Espagne l’aile de droite du PSOE organise un coup d’Etat contre le dirigeant du parti, Pedro Sanchez, en représailles de son refus d’accepter un gouvernement minoritaire du PP. En Belgique francophone, le sommet du PS a lui-même changé de cap. Alors que Jeremy Corbyn est devenu l’expression d’un mouvement par en bas, leur tournant s’assimile plutôt à une tentative de survie désespérée par en haut.

Contrairement à Sanders ou Corbyn, les dirigeants du PS n’ont pas une réputation de fermeté, de crédibilité et d’intégrité. L’incertitude règne donc quant à la mesure jusqu’où ils sont prêts à aller. Mais il est indiscutable que la crise de la social-démocratie entre dans une nouvelle phase. Le PSL continuera à soutenir chaque pas en avant pour le mouvement ouvrier, même de très petits pas. Mais sans entretenir de vaines illusions. La meilleure garantie contre la déception de promesses non-tenues, c’est de construire le mouvement d’en bas et d’exiger de participer à chaque niveau. Sur ce plan-là, il y a encore beaucoup de travail à faire, surtout au PS, mais aussi dans les syndicats et au PTB.

Partager :
Imprimer :

Soutenez-nous : placez
votre message dans
notre édition de mai !

Première page de Lutte Socialiste

Votre message dans notre édition de mai