Lampiris: En attendant Godot… les illusions du capitalisme vert

lampirisLampiris est l’enfant prodige autoproclamé du marché de l’énergie belge. En 6 ans, il est devenu le deuxième fournisseur de gaz de Wallonie et en 13 ans, le quatrième acteur sur le marché belge en terme de nombre de raccordements. Autoproclamé parce qu’il se profilait comme fournisseur vert exclusif et donc comme l’avenir du marché de l’énergie. Dans cette opération, le marketing était central. Logo vert, site vert pas très recherché, mais efficace. Il était d’ailleurs également actif comme sponsors d’évènements comme des courses à pied, festivals (Dranouter, Couleur Café, Fête des Solidarités…) et même d’organisations environnementales comme Natuurpunt, Natagora et un projet visant à protéger les abeilles. Il a fait étalage d’investissements dans des parcs d’éoliennes afin de devenir producteur en plus de fournisseur. Sur leur site, ils promettaient de tout faire pour rendre le marché de l’énergie plus vert.

Par Michael (Gand)

L’autre réalité derrière le marketing

Le conte de fée s’arrête là. Prétendre acheter chaque kWh auprès de plus petits producteurs locaux d’énergie renouvelable n’était que poudre aux yeux. Selon Greenpeace, cela ne concernait, en 2011, que 65 %. Toujours selon cette ONG, en 2013, seuls 37 % des achats étaient encore réellement renouvelables, 21 % provenait de l’énergie atomique, 20 % de l’énergie fossile et 10 % de la combustion de déchets. Tout ceci était naturellement couvert du manteau de la progression verte sur le libre marché. Greenpeace a déclaré qu’ils jouaient ‘‘un rôle très positif sur le marché’’. Selon cette logique, ils auraient, en effet, pu devenir complètement verts et même investir dans la production verte au fur et à mesure qu’ils grandiraient, fidéliseraient plus de clients et feraient plus de bénéfices. Voici donc le mantra de l’écocapitalisme.

Mais la logique du capitalisme est assez simple. Ce qui rapporte le plus, l’emporte sur le reste. Dès que le taux de profit d’un concept ne peut plus être tenu, il doit être réformé ou vendu. Des investissements par milliards pendant des décennies dans l’exploitation des carburants fossiles font que le taux de profit est toujours plus élevé dans les énergies fossiles que dans l’énergie renouvelable. Pour les grands magnats du pétrole comme pour les plus petits acteurs, les investissements qui doivent être réalisés dans l’énergie renouvelable sont beaucoup plus élevés pour être intéressants. Au-delà d’un marché de niche, les plus petites entreprises comme Lampiris ne savent pas tenir cette concurrence parce les investissements nécessaires ne rapportent plus assez.

La logique de profit n’attend donc pas que le marché devienne vert. Cette logique vaut pour chaque entreprise et est finalement le ressort de tout grand actionnaire qui ne veut pas voir ses investissements partir en fumée. Les fondateurs Bruno Vanderschueren et Bruno Venanzi ont trouvé qu’il était temps d’empocher les actions. Les entrepreneurs verts s’avèrent être des hommes d’affaires ordinaires.

Total y a vu une belle opportunité de se faire une place sur le marché de la fourniture d’énergie aux particuliers. Cela lui permet en même temps d’avoir une entrée sur le ‘‘marché vert’’, la technique de vente du moment, et c’est bien joué. Personne ne croit vraiment au virage vert de Total, derrière lequel les vendeurs chez Lampiris se cachent également. Total prend financièrement part aux forages de Gazprom au Pôle Nord et exploite même le gaz de schiste et le sable bitumeux en Alberta, Canada.

L’indignation des clients de Lampiris est compréhensible, mais il ne faut pas nous étonner non plus. Les labels et certificats verts ont déjà été percés à jour et démasqués à plus d’une occasion pour ce qu’ils sont : des sornettes de vente. De Monsanto à Lampiris, en passant par Volkswagen, tous instrumentalisent les préoccupations écologiques légitimes de la majorité de la population.

Pour un contrôle démocratique du secteur de l’énergie et de ses profits

Les cinq plus grandes entreprises pétrolières et de l’énergie ont fait, en 2012, un chiffre d’affaires de 2.000 milliards de dollars. Une infime partie de ces bénéfices ont été investis dans l’énergie renouvelable pour donner l’illusion d’une volonté de rendre l’énergie verte. Les bénéfices combinés de plus de 110 milliards vont aux actionnaires.

Pour certains, des coopératives dans lesquelles les actions ne sont pas aux mains de quelques actionnaires, mais réparties entre les clients semblent être une solution. Elles permettraient d’éviter un tel scénario dans lequel deux actionnaires décident de la trajectoire de l’entreprise. Mais des coopératives ne sont pas en mesure casser les lobbies pétroliers et de l’énergie dominés par le big business. Finalement, elles font partie de la logique de marché, sans pouvoir concurrencer les prix, le chiffre d’affaires et l’influence des entreprises pétrolières établies.

Au cours de la vague de grèves de ces derniers mois contre la nouvelle loi travail en France, des raffineries et des dépôts de carburant de Total, entre autres, ont été bloqués. Bien que ce ne soit pas leur première préoccupation, l’énergie renouvelable devrait pouvoir faire partie des discussions au sein des comités de grève et d’usine créés pendant les blocages. Cela donnerait un argument supplémentaire pour retirer les groupes énergétiques et leurs profits des mains des actionnaires et des CEO en les nationalisant sous contrôle et gestion démocratiques des travailleurs. Ce ne serait alors plus les profits, mais les besoins des travailleurs, de la population et de la planète qui dirigeraient les investissements.

Chaque fois que nous étreindrons la logique du libre marché vert, nous rencontrerons des désillusions. C’est comme attendre Godot, mais avec des conséquences dramatiques. Nous perdons systématiquement un temps et de l’énergie précieux. Du temps et de l’énergie qu’il vaudrait mieux investir dans la construction d’un mouvement de masse qui revendique des solutions collectives et une planification rationnelle de la production énergétique.

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