Le grand patron de la Poste, Johnny Thijs, a profité de l’été pour envoyer une nouvelle gifle au personnel. Dans une lettre envoyée à tous les membres du personnel, Thijs s’attaque à l’absentéisme. Selon lui, il y a trop de travailleurs absents et ils coûtent trop cher à la société. Thijs considère bien sûr que l’absentéisme est de la seule responsabilité du personnel et il ne voit naturellement pas de rapport avec le rythme de travail…
Le nombre d’absents à la Poste a effectivement augmenté depuis l’été 2006 et a atteint un nouveau record en juin 2007 : 8,67% du personnel était alors malade. Thijs en déduit que La Poste paie 3.200 personnes sans qu’elles travaillent. Le calcul est facile et rapide : 117 millions d’euros ont été payés en un an pour des travailleurs absents. Vu que cela est plus que le salaire de haute volée que Thijs empoche lui-même, il est urgent d’agir.
Thijs avance que chacun doit prendre ces responsabilités et émet au passage quelques menaces : « Si on constate clairement des abus, nous devrons prendre des mesures pour pouvoir continuer à protéger nos collègues malades ». La protection des collègues malades est bien sur un noble but mais, dans la phrase de Thijs, cet objectif n’est utilisé que comme menace de contrôles accrus et de sanctions plus sévères.
La réaction indignée des syndicats à cette lettre est compréhensible. Ils posent quelques questions : « Les syndicats nie sont naturellement pas pour la protection de profiteurs mais qu’est-ce que Mr. Thijs espère obtenir avec une lettre aussi agressive? Enfoncer encore un peu plus des gens déjà malades? Ceci est un mauvais signal. Il est exact qu’il y a davantage de malades. Mais la direction s’est-elle déjà demandée quelle en est la cause ? Que Mr. Thijs réfléchisse au lancement du nouveau projet et à la façon dont cela a été fait. Il règne une incertitude énorme qui mène à plus de stress et plus de malades. » mettent en avant Marc De Mulder (CSC) et Jozef De Doncker (CGSP).
Les restructurations à répétition ont mené ces dernières années à une pression de travail de plus en plus forte et à une plus grande flexibilité du personnel. La direction de La Poste veut rendre l’entreprise concurrentielle sur le marché européen car se prépare une libéralisation généralisée du marché de la poste. Résultat ? Depuis 2002, on a déjà perdu 5.000 emplois et, cette année, 270 bureau de poste fermeront leurs portes. En même temps, le prix des lettres a augmenté, entre autres à cause de l’abolition du timbre non-prior. Une libéralisation signifie donc une hausse des prix pour les consommateurs et, pour le personnel, cela veut dire travailler plus dur pour le même salaire et avec moins de collègues. Le but final étant bien sur une hausse des profits.
Pendant que ces 5.000 emplois étaient supprimés (plus qu’à VW ou à Opel récemment !), le volume de courrier à traiter n’a pas baissé. Par le passé, Johnny Thijs a déjà exigé que la productivité du travail soit augmentée de 30% par travailleur. C’était notamment le but de l’introduction de Géoroute : traiter le même volume avec moins de personnel. Le résultat ne s’est pas fait attendre : l’absentéisme en est une conséquence logique. « Quand les gens se sentent mal dans leur peau, l’absentéisme augmente encore plus » comme l’a rappelé Jozef de Doncker.
En affirmant que tout le monde doit prendre ses responsabilités dans la lutte contre l’absentéisme à la Poste, Thijs nage dans l’hypocrisie. Ce n’est pas la faute du personnel si la pression du travail a été augmentée à ce point. Mais, dans la bonne tradition patronale, Thijs essaie de décharger la responsabilité d’une politique néolibérale ratée sur les epaules des travailleurs individuels, en y ajoutant des menaces à peine voilées à l’égard du personnel malade. En semant la discorde au sein du personnel, il n’améliore pas l’atmosphère de travail, ce qui aura aussi des répercussions sur l ‘absentéisme…
8.67% d’absents, cela indique surtout qu’un changement de cap s’impose : au lieu d’augmenter le rythme de travail en diminuant le personnel et en offrant moins de services aux clients ordinaires, La Poste doit redevenir un véritable service public. Ce qui veut dire que le service à la population doit de nouveau être central et que les moyens financiers nécessaires doivent lui être alloués, y compris en matière de personnel.