Bpost. ‘‘La charge de travail ne cesse d’augmenter pour cause de manque de personnel’’

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Nous avons discuté avec un facteur des conditions de travail à Bpost, dont les travailleurs sont partis en grève le 13 juin dernier. La colère est grande et concerne toute une série de dossiers. À cela se sont encore ajoutées les négociations secrètes avec la PostNL. Parmi les membres du personnel, les craintes sont vives quant à une nouvelle attaque contre le statut et les conditions de travail.

Propos recueillis par Christophe (Keerbergen)

À quoi ça ressemble de travailler chez Bpost aujourd’hui ?

‘‘Je travaille depuis 43 ans pour la poste. C’est devenu très stressant. La charge de travail augmente continuellement à cause du manque de personnel. Beaucoup de gens qui partent en pension ne sont pas remplacés. Les nouveaux venus ne reçoivent pas assez de formation. Il y a aussi beaucoup d’intérimaires avec des contrats d’une semaine ou même d’un jour. La qualité du service recule donc et cela augmente la charge de travail du personnel plus expérimenté. Les postiers doivent se charger de leur propre travail et de l’accompagnement des intérimaires. Beaucoup d’expertise s’est perdue.’’

Combien de temps cela prend-il pour bien former un postier ?

‘‘Cela peut prendre quelques mois. Le travail est varié entre les lettres ordinaires, les grandes enveloppes, les colis, les journaux et les toutes-boîtes. Au début, on ne connait pas les tournées. Cela rend la livraison du courrier très lente, avec des risques importants d’erreurs. Il faut plusieurs semaines pour commencer à bien connaitre sa tournée pour ne pas aller systématiquement regarder sur les listes pour voir où doit aller le courrier et pour que ça devienne automatique. Mais cela ne peut bien entendu jamais arrivé avec les contrats d’un jour ou d’une semaine. La direction exige de plus en plus de flexibilité, le personnel est déplacé entre différentes tournées et même entre différents bureaux pour prendre en charge tout le travail. Dans ces conditions, on apprend difficilement et on est sur les rotules, de sorte que le rendement est bien moindre.’’

Les lettres sont-elles automatiquement triées par machines ?

‘‘Oui, beaucoup de lettres et de documents sont triés automatiquement. Mais il y a aussi beaucoup de choses ‘‘rejetées’’ par la machine (= pas reconnu). Ces courriers doivent être manuellement collectés par des postiers et cela n’est pas compris dans la répartition des tâches. En théorie, les machines peuvent trier 99 % du courrier, dans la pratique, un tiers doit encore être trié à la main.’’

Avec les emails, n’y a-t-il pas beaucoup moins de courrier aujourd’hui ?

‘‘Il y a en effet une baisse du nombre de lettres ordinaires, mais il y a beaucoup plus de dépliants publicitaires et de colis via les achats sur Internet. Les paquets sont de toutes formes, tailles et poids, ce qui permet difficilement aux machines de les reconnaitre pour les trier. Le nombre de toutes-boîtes augmente et le facteur doit supporter plus de poids. Les tournées comprennent aussi plus de boîtes aux lettres de sorte que le surpoids est encore plus grand. Beaucoup de facteurs travaillent plusieurs heures par semaine gratuitement pour parvenir à finir leur tournée.’’

Avant, le facteur avait aussi une fonction sociale. Qu’en reste-t-il ?

‘‘Auparavant, les facteurs apportaient leur pension aux personnes âgées, ils entretenaient un contact social et pouvaient ainsi remarquer d’éventuels problèmes. Maintenant, les pensions sont versées uniquement aux personnes handicapées, au sinon elle est versée sur un compte. Ces paiements aux personnes à mobilité réduite sont calculés en secondes avec Georoute, le système de gestion chronométrée des tournées. Pour donner un exemple : les anciens facteurs étaient la référence pour les personnes qui demandaient leur chemin. Mais aujourd’hui, ils ne peuvent pas le faire, ils n’ont plus le temps pour cela. De plus, ce sont souvent des travailleurs intérimaires qui ne sont pas familiers avec le chemin à prendre.’’

Ce travail est donc moins attrayant qu’auparavant ?

‘‘Personnellement, je suis chanceux d’avoir été nommé fonctionnaire. J’ai ainsi plusieurs avantages que n’ont pas les nouvelles recrues comme facteurs auxiliaires, qui font pourtant le même travail. La direction fait une soupe avec les différents statuts pour arriver au travail le moins cher et le plus flexible possible. Il existe actuellement quatre catégories : les fonctionnaires classiques, les contrats barémiques (= contrat à durée indéterminée), les contrats non barémiques et les facteurs auxiliaires. Quatre catégories de postiers pour effectuer un même travail, mais pas au même salaire et pas avec les mêmes avantages. La direction sape ainsi en permanence les contrats de travail. Dans les faits, depuis longtemps, il y a une cinquième catégorie : les intérimaires. Et au plus le contrat est précaire, au plus le travailleur est effrayé d’affronter ses supérieurs à propos des problèmes quotidiens.’’

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