Un gouvernement thatchérien de droite dure qui cherche la confrontation

« C’est le gouvernement que je voulais », a déclaré Bart De Wever, satisfait. Les plans complets de la suédoise ne sont pas encore connus, mais ce que nous savons déjà va loin. Ce gouvernement de droite dure va un sérieux cran plus loin que tous les gouvernements précédents réunis. L’offensive antisociale dont il est question ici ira au-delà du « pacte de solidarité entre les générations » (2005), du Plan global (1993) et de celui de Val Duchesse (1986), de précédentes attaques antisociales contre lesquelles des actions dures avaient été menées. La question qui se pose immédiatement à nous est celle de la résistance : comment pouvoir stopper ce gouvernement ?

Les pensions en ligne de mire

La suédoise veut démolir des symboles, même si cela n’aura qu’un impact limité sur le budget de cette année ou celui de l’an prochain. L’augmentation de l’âge de la pension à 66 ans en 2025 à 66 ans et à 67 ans en 2030 est à considérer dans ce cadre. Les partis au pouvoir au fédéral veulent bien faire comprendre que leur politique austéritaire ne couvrira pas uniquement les cinq prochaines années, mais aussi celles à venir. Parallèlement, les possibilité de retraite anticipée seront limitées et l’âge minimum pour y avoir accès porté à 63 ans. Pour le calcul de la pension des fonctionnaires, la règle reste de prendre en compte les 10 dernières années, mais il faudra plus de temps aux nouveaux fonctionnaires pour avoir une carrière complète.

Ces attaques sur les droits à la pension vont au-delà de ce que le Pacte des générations avait imposé. A l’époque, des actions de masse avaient été entreprise, y compris avec grève générale, notamment autour de l’argument qu’il est absurde de faire travailler plus longtemps les aînés à un moment où de nombreux jeunes ne peuvent pas trouver de travail. Le gouvernement de droite dure actuel veut donc aller encore plus loin et également s’en prendre à l’âge de la pension, une donnée hautement symbolique. Comme s’il était possible avec la charge de travail actuelle qu’un infirmier de 67 ans s’occupe de patients ou qu’un enseignant de cet âge prenne en charge des classes surpeuplées. Le relèvement de l’âge de la pension est une provocation particulièrement grande, qui nécessite une riposte ferme et décidée.

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Saut d’index et service à la communauté pour les chômeurs

En raison du très faible taux d’inflation actuel, voire même la déflation, une indexation des salaires et des allocations n’est pas encore directement à l’agenda. Mais cela ne signifie pas qu’un saut d’index, même avec les modifications limitées pour les salaires les plus bas, ne sera pas très dur. Le gouvernement offrira de cette façon 2,6 milliards € aux entreprises, un montant qui appartenait en fait aux travailleurs. Certains sont des spécialistes dès lors qu’il s’agit de se plaindre des transferts de moyens entre communautés mais n’ont pas de problème pour organiser des transferts plus importants de la population active vers les plus riches. Un saut d’index est une attaque directe sur notre pouvoir d’achat.

La N-VA veut aller encore plus loin. Comme nous l’avons dit, la déclaration finale du gouvernement n’est pas encore connue, mais la semaine dernière, les nationalistes flamands néolibéraux ont parlé d’une proposition visant à accorder des salaires moindres pour les jeunes, en permettant de descendre sous le salaire minimum. La fédération patronale flamande VOKA a applaudi des deux mains, en précisant que cette mesure pourrait être généralisée. Une telle mesure ne sera pas possible directement, mais un saut d’index revient en fin de compte à la même chose: moins de salaire réel pour une même quantité de travail.

Les travailleurs avec emploi sont en ligne de mire, mais les travailleurs sans emploi le sont aussi. Seuls les riches sont à l’abri, ils recevront même encore plus de cadeaux. Concernant les allocations de chômage, les libéraux n’ont pas totalement obtenu ce qu’ils voulaient puisqu’aucune restriction des allocations de chômage dans le temps ne semble être à l’agenda. Mais un symbole fort devait être sacrifié, et c’est ainsi qu’est arrivée cette idée d’un service communautaire obligatoire de deux demi-journées par semaine pour chômeurs de longue durée. Des milliers de chômeurs pourront désormais être utilisés par les villes et communes, entre autres. Pour les autorités locales, ce sera l’occasion de remplacer le personnel par ces travailleurs forcés. Si les chômeurs doivent prester un travail, pourquoi ne peuvent ils pas avoir un travail décent avec des conditions de travail décentes?

Annualisation du temps de travail

Le champ d’application de cette proposition n’est pas encore connu, mais plusieurs médias ont déjà fait référence à cette proposition d’annualisation du temps de travail. Cela signifie que le temps de travail ne sera plus compté par jour et par semaine, mais par année. Ainsi, il serait parfaitement légal de travailler 60 heures une semaine et 20 la suivante, puisque la moyenne de 40 heures de travail serait respectée. Il s’agit donc d’instaurer une flexibilité au travail qui reviendra à presser les travailleurs comme des citrons. Et cela, bien entendu, jusqu’à leurs 67 ans.

Des cadeaux pour le patronat

« Nous prenons, mais nous redonnons plus », a notamment déclaré Bart De Wever. C’est vrai. Mais la vérité complète est que De Wever compte prendre chez nous pour donner au patronat. Près de 8 milliards d’euros d’économies frapperont la sécurité sociale, notamment au travers de la réduction des moyens pour les soins de santé et des attaques sur les fins de carrière. Réduire les moyens des soins de santé renforcera les déficits existants alors qu’un quart des hôpitaux est déjà menacé par le manque de ressources. Ils veulent nous faire croire que nous verront une partie de ces somme revenir vers nous avec une réforme fiscale, mais ce sera loin de compenser ce que nous avons à payer pour les soins de santé, le carburant et le tabac (à nouveau avec des impôts plus élevés) ainsi qu’en conséquence de bien d’autres mesures d’économie à la fois au fédéral, au régional et au niveau local.

Les entreprises recevront immédiatement un milliard € et avec le saut d’index, ce sont à nouveau 2,6 milliards de cadeaux qui tomberont dans leurs poches. Et cela ne s’arrête pas encore là. Comme précédemment annoncé, le gouvernement veut instaurer une diminution de la taxation des entreprises (de 33 à environ 25 %). Selon les divers calculs, cela devrait atteindre les 5 milliards d’euros.

De la taxe sur les plus-values boursières dont le CD&V a tant parlé, il ne reste rien. L’idée que les épaules les plus lourdes doivent aussi contribuer sert principalement de rhétorique. Une taxe limitée sur les opérations de Bourse et la promesse que des mesures toucheront les paradis fiscaux (avec quel personnel le gouvernement pense=t=il pouvoir faire ça ?) sont destinées à sauver la face. l’essentiel ne change pas : c’est un gouvernement pour les riches, comme le faisait remarquer le président de la CSC Leemans.

Organiser la résistance

Les mesures connues constituent une grande provocation pour les travailleurs et leurs familles. Il n’était pas surprenant de constater que l’anxiété était grande, notamment en Flandre après l’annonce des mesures du gouvernement flamand, ni même de voir que la participation au rassemblement syndical du 23 septembre était bonne. Parmi la jeunesse aussi, les premières actions ont eu lieu en Flandre dans le cadre de la lutte contre l’augmentation du minerval et contre l’austérité dans l’enseignement. A près des actions dans le secondaire et une bonne participation à une grande manifestation étudiante à Bruxelles, il faut organiser la lutte par une participation démocratique par la base et assurer que l’opposition ne se limite pas à l’augmentation des frais d’inscription. Dans le secteur socio-culturel flamand, l’appel Hart Boven Hard a reçu un bon écho.

Dans le tract que nous avons notamment distribué aux diverses rencontres syndicales, nous avons dit que stopper les attaques « requiert un bon rapport de force et un mouvement de masse. Le gouvernement ne va pas épuiser toute ses munitions d’un coup, mais va planifier diverses vagues d’attaques réparties dans le temps. Attendre que tous les détails soient connus nous fera perdre du temps, mais partir en action avec les convaincus sans prendre le temps de préparer les autres collègues et de les impliquer dans la prise de décisions est également une erreur. »

“Nous avons besoin de chacun, y compris des affiliés des autres syndicats et de ceux qui ne sont affiliés nulle part. C’est en surmontant ensemble les difficultés que nous pourrons les gagner à la lutte collective, pas en leur reprochant toutes sortes de choses. Pour nous diviser, le gouvernement prendra des mesures qui frapperont une région plus fortement qu’une autre. Mais beaucoup de travailleurs flamands sont aussi opposés à la politique de droite que leurs collègues wallons ou bruxellois, tandis que d’autres ont été terriblement trompés. Nous ne voulons pas les laisser isolés, mais au contraire leur donner les arguments nécessaires pour convaincre leur communauté. A ce titre, des visites de solidarité peuvent faire des miracles.

« Pourquoi ne pas mener une campagne d’information, avec de bons arguments, des tracts et des affiches pour discuter sur les lieux de travail et motiver les collègues ? Il nous faudrait un mot d’ordre concret pour riposter ensemble et éviter de partir au combat en ordre dispersé. Cela pourrait être une manifestation nationale ou une série de manifestations et de meetings provinciaux pour mesurer la combattivité. La tenue d’assemblées générales sur les lieux de travail pendant les heures de travail pourrait y être annoncée. Un plan d’action pourrait ainsi être soumis à la discussion, avec des grèves et des manifestations provinciales à tour de rôle débouchant sur une grève générale nationale de 24 ou 48 heures. Si le gouvernement n’a toujours pas reculé ou n’est pas de suite tombé, l’idée d’une grève générale reconductible chaque jour peut être soumise au vote une semaine plus tard lors d’assemblées générales sur les lieux de travail. »

Quelle alternative ?

Dans notre tract, nous poursuivions ainsi “les grèves générales de 1993, de 2005 et du 30 janvier 2012 ne visaient pas à faire chuter le gouvernement. Chaque alternative possible semblait encore plus à droite que le gouvernement de l’époque. Mais cela ne signifie pas que le mouvement syndical doit se jeter dans les bras de la tripartite ou des coalitions ‘‘alternatives’’ de Bruxelles et de Wallonie. Là, les symboles sont sauvegardés, mais la stratégie suivie – à l’instar de celle du gouvernement fédéral précédent – revient aussi à appliquer l’austérité, mais avec les bords les plus tranchants émoussés.

« Nous savons maintenant où cela amène. Parmi de nombreux travailleurs, cela a nourri l’idée que l’austérité est la seule solution. Quant aux patrons, ils en veulent encore plus. Au lieu d’éviter le pire, le tapis rouge a été déroulé pour une coalition encore plus à droite. La fédération Wallonie-Bruxelles va assainir plus de 300 millions d’euros dans l’enseignement ces deux prochaines années, proportionnellement plus qu’en Flandre. Les deux prochaines années, seul 1 fonctionnaire sur 5 partant en pension sera remplacé à la Région wallonne, et 1 sur 3 les trois années d’après. Ce n’est pas une alternative. »

“Nous devons au contraire nous battre avec un programme basé sur la satisfaction des besoins réels de la majorité sociale et pas pour répondre à la soif de profits d’une poignée d’ultra-riches.

– Rétablissement total de l’indexation, négociations salariales libres et salaire minimum de 15 euros bruts de l’heure !
– Non à la dégradation des contrats de travail par la sous-traitance, l’intérim ou les autres emplois précaires !
– Bas les pattes du statut des fonctionnaires ! Aucun démantèlement des services publics ! Aucune privatisation ou libéralisation ! De l’insourcing au lieu de l’outsourcing !
– La prépension à 55 ans, pour des systèmes de fin de carrière avec diminution du temps de travail et pension anticipée à 60 ans !
– Pas d’augmentation de l’âge de la pension ! Augmentation des pensions à minimum 75% du dernier salaire avec un minimum de 1500 euros par mois!
– Pas de service communautaire pour les chômeurs ! Attaquons le chômage par la diminution généralisée du temps de travail à 32 heures/semaine sans perte de salaire et avec embauches compensatoires!

C’est impensable pour les patrons. Pourtant, jamais autant de richesses n’ont été produites qu’aujourd’hui. Ce ne sont pas les moyens qui manquent, mais bien la volonté politique. Le PSL défend aussi une fiscalité plus juste, mais les capitalistes et les propriétaires immobiliers vont faire payer la pression fiscale aux consommateurs, aux travailleurs ou aux locataires. Seule la nationalisation des secteurs clés de l’économie sous contrôle démocratique de la collectivité nous offrira les garanties nécessaires à l’application de ce programme. Nous voulons la fin de ce système anachronique de propriété privée des moyens de production et de course aux profits – le capitalisme – pour le remplacer par un socialisme moderne et démocratique, avec libre utilisation des connaissance et des moyens disponibles au service de tous.

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