Kshama Sawant : « La marche pour le climat doit marquer un tournant dans l’histoire »

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Discours de Khsama lors d’un panel sur le changement climatique dans le cadre de la Marche pour le climat organisée par le site de pétitions Avazz.com. Cette manifestation a été organisée dans plusieurs villes, notamment à New York où les camarades ont essayé de mobiliser un maximum de membres. Avec plus de 675 000 manifestants à travers le monde, il s’agit de la plus grande manifestation pour le climat organisée à ce jour.

« Cette marche doit marquer un nouveau tournant dans l’Histoire, il est temps d’organiser une action collective et de revendiquer un changement radical de société. Ce changement est nécessaire si nous voulons régler la crise environnementale que nous traversons.

« Cette crise nous touche tous, activistes environnementaux, travailleurs, jeunes, etc. À Seattle, certains activistes ont commis des actes de désobéissance civile en bloquant des trains transportant du pétrole et du charbon. La menace grandissante du changement climatique est bien réelle et, qu’il s’agisse de compagnies pétrolières ou de trains transportant des matériaux polluants, les grandes compagnies productrices de combustibles fossiles n’ont qu’un seul objectif en tête : faire des profits ! Ces entreprises bénéficient du soutien des deux partis politiques traditionnels achetés à coup de pétrodollars. Une chose est sûre : il ne sera pas facile de les arrêter.

« Notre message lors de la Marche doit être clair : si vous n’êtes pas encore organisé, il est urgent de le faire et de vous impliquer. Rejoignez un groupe de protection de l’environnement, rejoignez un syndicat, rejoignez le parti Socialist Alternative, devenez actif dans la lutte. La revendication que nous posons aux soi-disant dirigeants du monde doit être catégorique : nous avons besoin de projets publics d’envergure pour mettre fin à l’exploitation de combustibles fossiles dans le cadre d’une transition rapide vers des énergies vertes et d’une expansion spectaculaire des infrastructures de transports en commun.

« Tout cela nous permettrait de créer des millions d’emplois syndiqués avec des salaires décents. Les dirigeants qui sont à la tête ce type de sommet sur le climat sont totalement redevables des compagnies productrices de combustibles fossiles et à l’aristocratie financière qui domine l’économie mondiale.

« Les cinq entreprises les plus riches du monde sont toutes des compagnies productrices de combustibles fossiles. Ces compagnies possèdent toutes les ressources et la technologie nécessaires pour mettre fin à cette économie basée sur l’exploitation des combustibles fossiles et bâtir une société mondiale à partir d’énergie verte. Dès lors, pourquoi ne l’ont-ils pas déjà fait ? Car aucune preuve scientifique ou argument raisonnable ne sera suffisant pour les convaincre de mettre fin à l’exploitation du pétrole tant qu’il restera encore une goutte enfouie dans le sol. Prenez Texon Mobile, par exemple, qui dépense des millions chaque année pour promouvoir sa vision écologique. Pourtant, récemment l’entreprise affirmait dans une lettre à ses actionnaires qu’elle vendrait tout le pétrole et le gaz découvert jusqu’à présent et tout celui qu’il lui reste encore à découvrir.

« C’est là le vrai visage du capitalisme international. C’est le produit de ce casino géant qu’est la spéculation imaginée par ces voleurs de Wall Street et ces vautours du secteur pétrolier. Au sein de ce système, le marché est un Dieu et tout le reste est sacrifié sur l’autel des profits. Nous devons bien comprendre que le prétendu marché libre ne sera pas capable de se libérer de son addiction aux combustibles fossiles par lui-même, et certainement pas à la vitesse qu’il faudrait. Il n’est pas non plus capable de mettre en œuvre le type de planification démocratique coordonnée à l’échelle mondiale qui est nécessaire.

« De nombreuses personnes sont prêtes à modifier leurs habitudes quotidiennes, et c’est important. Toutefois, je veux mettre l’accent ici sur les grandes entreprises. Pourquoi ? D’après certaines estimations, au moins deux tiers des gaz à effet de serre émis depuis le début de la révolution industrielle sont dus à 90 entreprises. Seulement 90 entreprises ! Exon, Shell, BP, vous connaissez leur nom. Pour régler le problème du changement climatique, nous devons décider de manière démocratique et rationnelle comment ces ressources qui sont actuellement concentrées dans les mains d’une petite bande d’oligarques et de spéculateurs peuvent être gérées. Afin que la société dans son ensemble puisse les utiliser dans l’intérêt de tous. Comment peut-on atteindre cet objectif si l’on ne nationalise pas ces géants du pétrole sous le contrôle des travailleurs ? Car finalement c’est assez simple : vous ne pouvez pas contrôler ce qui ne vous appartient pas !

« Dans notre lutte, nous devrons, bien entendu, mettre en œuvre de nombreuses stratégies différentes selon les conditions objectives de la société. Mais une chose doit être claire comme de l’eau de roche : nous ne pouvons pas nous limiter à ce que les politiciens de l’establishment et les grandes entreprises qu’ils servent considèrent comme « acceptable ». Notre mouvement doit être guidé par les besoins des travailleurs et l’environnement.

« Il existe des expériences tirées d’autres mouvements sociaux. Récemment à Seattle, mon organisation, le parti Socialist Alternative, a permis de mettre en avant une revendication pour un salaire minimum de 15$ de l’heure pour tous les travailleurs. Au départ, certains ont qualifié cette revendication d’irréaliste. Mais c’était une revendication qui correspondait aux besoins réels des travailleurs. Nous avons travaillé avec d’autres personnes pour mobiliser un large mouvement capable d’atteindre cet objectif. Les grands patrons ont toujours été contre cette idée, mais ils ont été forcés de céder face au soutien grandissant que ce mouvement suscitait parmi la population. Il est vrai que nous n’avons pas gagné sur tous les plans, et que les serviteurs politiques du secteur privé, qui sont par ailleurs tous des démocrates, ont réussi à trouver des failles à exploiter. Mais nous avons obtenu le salaire minimum le plus élevé du pays en le revendiquant. Ce qui est clair, c’est que nous avons obtenu bien plus que si l’on s’était limité à demander ce que les grandes entreprises comme « acceptable ».

« Pour lutter contre le changement climatique, nous devons employer la même approche. Revendiquer fermement un programme d’investissement public d’envergure dans les énergies renouvelables et les transports en commun. Il faut lier cette lutte à celle contre ce système brisé qu’est le capitalisme. C’est la manière d’obtenir le plus grand nombre d’acquis, en commençant ici et maintenant et en offrant la perspective d’une solution à long terme, d’une société plus juste et durable, d’un monde socialiste qui pourrait offrir des conditions de vie durables et décentes pour tous.

« Tout le monde s’accorde à dire qu’il est nécessaire d’agir collectivement, de lutter et de s’organiser en marge des grandes entreprises. Selon moi, toutefois, nous n’y arriverons pas tant que nous ne combattons pas la réalité appelée « la politique pour les patrons». Personne ne me contredira quand je dis qu’on ne peut pas faire confiance aux républicains de droite qui nient l’existence même du changement climatique ; mais nous ne pouvons pas nous plus nous fier aux démocrates pro-business. Sous l’administration Obama, nous avons pu observer une expansion massive, non pas d’énergies vertes, mais bien de combustibles fossiles, depuis le forage de puits de pétrole dans l’Antarctique jusqu’à l’exploitation de gaz de schiste. Cela fait plus d’une génération que l’on n’avait pas vu une telle expansion. Et cela ne concerne pas seulement Obama, c’est tout le parti démocrate de l’establishment qui nage dans les pétrodollars. Si nous abaissons nos revendications pour apaiser l’élite démocrate, elle se servira tout simplement de notre générosité pour tranquilliser ses donateurs privés. Seule une force indépendante composée des 99%, un nouveau parti des travailleurs, des jeunes, des activistes de l’environnement et des syndiqués sera capable de combattre Wall Street et les multinationales. Un parti qui luttera et sera le fervent défenseur d’une alternative à ce système en crise.

« J’ai beaucoup aimé le discours de Bernie Sanders. D’aucuns disent que Bernie va se présenter aux élections présidentielles de 2016 pour offrir aux électeurs un candidat alternatif à Hillary Clinton. Je ne suis pas toujours à 100% d’accord avec Bernie, et notamment ses positions concernant la politique étrangère à mener, MAIS imaginons pendant un instant l’incidence potentielle d’un candidat de gauche de la stature de Bernie se présentant comme un candidat alternatif aux deux partis traditionnels pro-business lors des élections 2016. Si nous avions une campagne de gauche qui refuse l’argent du privé et revendique l’imposition des grandes entreprises et des super-riches en vue de financer un programme de création d’emplois verts d’envergure, la fin des sociétés parasites, un salaire minimum de 15$ de l’heure, un système de soins de santé gratuit et l’annulation des dettes contractées par les étudiants.

« J’appelle Bernie à se présenter comme candidat indépendant lors des élections présidentielles de 2016, sans lier le moindre lien avec le parti démocrate et son programme pro-business. L’horloge écologique tourne trop rapidement pour que nous laissions la scène politique en 2016 aux mains des républicains qui nient l’existence même du changement climatique ou à celles des démocrates qui se prononcent en faveur de l’exploitation du gaz de schiste.

« Nous avons besoin d’une voix qui s’élève pour l’environnement, une alternative à ce système dysfonctionnel à deux partis. Une campagne indépendante de gauche attirerait des millions d’Américains qui en ont assez des concessions honteuses faites à Wall Street au nom d’une politique « réaliste ». D’ailleurs, un récent sondage d’opinion montre que 60% des Américains veulent un troisième parti. Une campagne de ce type pourrait donner l’exemple à des centaines de milliers de travailleurs et de jeunes qui veulent lutter, elle jetterait les bases d’un mouvement capable d’obtenir de réels acquis, et ce quelle que soit la personne qui occupera la maison blanche en 2017.

« Rosa Luxemburg a dit il y a déjà plus de 100 ans que la société de demain sera soit socialiste, soit barbare. Il est de notre devoir de garantir que notre avenir ne plonge pas dans un capitalisme barbare et ne succombe pas aux catastrophes engendrées par le changement climatique mais qu’il se construise plutôt sur des valeurs de coopération, d’humanisme, de beauté et de durabilité. »

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