“Il y avait moins de candidats d’origine étrangère chez Ecolo, sans doute parce que nous rétrocédons une part de nos émoluments au parti” C’est ce qu’Isabelle Durant a déclaré à la RTBF, relayée par Le Soir du 13 novembre. Et c’est scandaleux.
Ainsi donc, de même qu’on attire pas les mouches avec du vinaigre, on attire pas les immigrés sans pognon, selon l’une des principales figure d’Ecolo? Nous aurions été en droit d’attendre ce genre d’« analyse » de la part d’élus à l’idéologie bien plus douteuse. Force est de constater que Mme Durand, qui, elle, ne court pas après les mandats et l’argent qui va avec – comme en témoigne son attitude à Schaerbeek le soir des élections communales… (hum) – a du travail à donner aux militants de son parti qui estiment être dans une organisation qui lutte efficacement pour une société ouverte à tous.
Soyons sérieux, il est fort peu probable que Mme Durand soit une « raciste cachée », elle ne s’est probablement tout simplement pas rendu compte de ce qu’elle disait sur le moment. Mais ce fait même est préoccupant et mérite que l’on s’y attarde.
Beaucoup de gens sont attirés par la « politique » pour des raisons peu honorables, uniquement pour faire carrière par exemple, et non pas pour défendre des idées. Combien sont-ils à ne s’intéresser vraiment au partis politiques qu’une fois leur diplôme de science politique obtenus ? Combien sont-ils à être rentré chez Ecolo après la « marée verte » qui a suivi les affaires de la dioxine et de la vache folle aux élections de 1999, et ce uniquement parce qu’à ce moment ce parti commençait à avoir lui aussi le potentiel d’offrir emplois et privilèges?
Parmis les couches les plus pauvres, il y a également la question de se sortir de la misère, des problèmes sociaux et économiques. Les partis traditionnels ne proposent que des solutions individuelles à ces problèmes, et aucune solution collective (ce qui reviendrait à dire qu’il faudrait s’attaquer aux véritables parasites du systèmes : actionnaires et patrons qui vivent de notre travail). Autrement dit, pas grand chose. On répartit la pénurie. C’est la politique du « si tu as ta carte, tu pourras avoir un job ou un logement plus rapidemment et surtout plus sûrement » au lieu du « luttons ensemble pour une autre société, basée sur les besoins de la majorité ». Et le PS est loin d’être le seul à agir de la sorte. Si Ecolo échappe, dans une certaine mesure, à ce processus, c’est moins par éthique interne (les alliances MR-Ecolo, le soutien d’Ecolo à la constitution européenne néo-libérale, les accords pré-électoraux brisé –n’est-ce pas Mme Durant… – ont entre autres démontré les limites étroites de cette éthique) que par manque de temps passé au pouvoir. Du temps est nécéssaire pour prendre et s’assurer des places que d’autes se sont déjà distribuées.
Au sein de la population immigrée, ces problèmes sociaux sont plus pointus. Une étude commandée par la Fondation Roi Baudouin a fait ressortir quelques données intéressantes à ce sujet. En 2001, le pourcentage de personnes d’origine turque vivant sous le seuil de pauvreté était de 58,94%, et celui chez les personnes d’origine marocaine de 55,56% ! Même en ce qui concerne l’immigration italienne, bien moins récente, le chiffre est de 21,49%. A titre de comparaison, le taux de pauvreté chez Belges d’origine était de 10,16%. Et la situation a été bien loin de s’améliorer puisque le taux de pauvreté globale était de 12,66% à l’époque, il est de 15,2% actuellement…
Dans ce cadre, que certains candidats immigrés n’aient vu dans la cour que leur faisait les partis traditionnels qu’une occasion de s’en sortir eux-même (et leurs amis par la même occasion) n’est pas étonnant. Mais généraliser cela, et surtout laisser entendre que les seuls candiadats immigrés fonctionnent ainsi, c’est non seulement une gigantesque et impardonnable erreur, mais c’est aussi un élément qui renforce les sentiments racistes qui se développent sur le terreau de la politique asociale des partis traditionnels (auto-proclamés, assez cyniquement, « partis démocratiques »).
Plusieurs idées à la limite du racisme émergent souvent sur la scène publique sans succiter, à tort, de grands remous. Ainsi, à l’époque du meurtre de Joe Van Holsbeeck, un édito de La Libre commençait en expliquant que la peur de l’autre est dans la nature de l’homme. A regarder l’histoire, on se rend pourtant rapidement compte qu’Indiens d’Amérique du nord ou du sud, Africains et autres peuples non-européens n’ont arrêté d’accueillir les colonisateurs à bras ouverts qu’à force de se faire tirer dessus. Cela fait beaucoup de gens qui ont eu comme premier réflexe d’aller à l’encontre d’une prétendue nature humaine faite de peur et qui n’a eu comme principale fonction que de justifier bien des massacres…
La lutte anti-raciste, c’est aussi celle contre des idées préconçues largement acceptées à grand renfort d’articles de presse et de déclarations de personnes pourtant réputées au-dessus de tout soupçon. Ces idées découlent en fait de l’absence de véritable analyse sur les fléaux que rencontrent la société actuelle, et sont autant de solutions de facilité.