Edito Comment le mouvement des travailleuses et travailleurs peut-il s’imposer ?

Els Deschoemacker
par Els Deschoemacker
membre du Bureau Exécutif

La crise financière de 2008-09 a enclenché une dynamique de crises multiples et simultanées, chacune de nature à mettre à nu le fonctionnement du système pour en conclure la nécessité de remettre en cause le capitalisme.

Une crise politique profonde

Cela se traduit notamment par une crise politique profonde pour la plupart des partis traditionnels, et pas seulement en Belgique. Leur base se rétrécit chaque jour un peu plus. Cela s’explique par leur incapacité générale à répondre aux besoins les plus pressants de la majorité de la population ainsi qu’aux défis les plus urgents tels que le climat par exemple. Même celles et ceux parmi la classe travailleuse et la classe moyenne qui avaient accumulé un peu de réserves sont anxieux quant à l’avenir. Les réserves fondent à vue d’œil sans perspective d’amélioration.

À travers l’histoire, les périodes où la survie des couches moyennes de la société est affectée et que celles-ci commencent à s’agiter ont toujours constitué des moments de confrontations sociales majeures, des temps de révolution et de contre-révolution. 

La pandémie avait déjà été un sale coup. Et puis il y a eu la crise énergétique et l’inflation. Même dans les pays capitalistes avancés, les temps ont été durs pour la classe travailleuse. Maintenant, c’est une crise de la dette qui menace d’aggraver la situation. Les caisses de l’État sont utilisées à plein régime sous prétexte d’investissements à la transition écologique et à la transformation numérique, mais les profits sont invariablement captés par une minorité de détenteurs de capitaux.

Élections turbulentes en perspective

La coalition fédérale Vivaldi et les différents gouvernements régionaux avaient pu profiter de l’assouplissement des contraintes budgétaires gouvernementales déclenché avec la crise Covid pour atténuer le pire des conséquences sociales. Puis les premières actions syndicales menées au début de l’année dernière dans les entreprises, les crèches et le secteur de la petite enfance, l’enseignement francophone… ont créé un climat et une dynamique qui a contraint les différents gouvernements à prendre quelques mesures dans le but d’enrayer la radicalisation à l’œuvre, comme la réduction de la TVA sur l’énergie de 21 à 6 %.

Il a cependant cruellement manqué une véritable discussion sur la stratégie dont le mouvement ouvrier a besoin pour peser de tout son poids sur la situation. Aujourd’hui, nous avons le sentiment d’avoir évité le pire. L’index a tenu bon, par exemple, alors que dans de nombreux pays, les travailleuses et travailleurs subissent de plein fouet l’impact d’une inflation galopante. Le mouvement pour l’augmentation du pouvoir d’achat n’a pas connu la défaite, le combat n’a pas été vain. Mais ça n’a pas non plus été une victoire. Nos actions et l’ombre de notre force collective potentielle ont limité la casse.

Les élections approchent et elles s’annoncent turbulentes. La plupart des partis de la coalition fédérale sont en crise. La N-VA, dans l’opposition fédérale mais aux commandes du gouvernement flamand, est aussi en difficulté. Sa base sociale est de plus en plus sous pression. Comment le dégoût, la peur et l’incertitude pour l’avenir vont-ils politiquement s’exprimer ?

Aux Pays-Bas, toute une génération politique démissionne, mais quand sera-t-il des programmes politiques ?

Martin Wolf, journaliste économique au Financial Times, s’inquiète de la survie du capitalisme « libéral » dans son nouveau livre (The Crisis of Democratic Capitalism). Il plaide en faveur de réformes d’en haut pour éviter la révolte d’en bas.

Unir nos revendications dans la lutte

La classe travailleuse dans toute sa diversité – jeunesse, femmes et personnes LGBTQIA+ en tête – ne peut compter que sur elle-même pour mettre ses préoccupations au centre du jeu et se battre pour ses revendications. En entrant en action, elle peut secouer toute la campagne électorale et le débat public. Les luttes de ces derniers mois doivent passer à la vitesse supérieure. C’est ainsi que nos revendications peuvent s’imposer dans tout le débat social, que ce soit dans les médias, sur les lieux de travail, dans la famille et à l’école. Si ce ne sont pas les travailleuses et travailleurs qui le font, d’autres s’en chargeront prétendument en leur nom, avec toutes les conséquences que cela implique. C’est ce sur quoi compte l’extrême droite. Mais d’autres peuvent aussi s’engouffrer dans cette brèche.

Le personnel de l’enseignement supérieur néerlandophone descendra dans la rue le 11 octobre prochain pour réclamer davantage de financement public. Les besoins en matière d’enseignement, mais aussi de soins de santé et d’autres services publics tels que les pompiers, la protection civile, etc. sont gigantesques. La « loi-prison » sur les salaires doit disparaître et le mécanisme d’indexation des salaires et allocations doit réellement représenter le coût de la vie. Aucune égalité ne peut exister dans un désert social, il est donc vital que les jeunes et les mouvements contre l’oppression fassent entendre leurs revendications spécifiques avant les élections.

Ces mouvements sociaux peuvent renforcer les voix en faveur du PTB et commencer à créer le rapport de force nécessaire au sein de la société pour faire respecter nos exigences. Faisons éclater la camisole de force budgétaire! Une meilleure redistribution des richesses grâce à un impôt sur la fortune bénéficie d’un très large soutien. Cela revient à exiger une plus grande part des richesses produites par les travailleuses et travailleurs.

Bien entendu, un parlement procapitaliste n’acceptera pas facilement une telle chose. En outre, les plus gros capitaux en Belgique restent invisibles en raison de l’absence d’un cadastre des fortunes. Il faut y lier la revendication de la nationalisation des secteurs financiers et économiques clés sous contrôle démocratique de la communauté afin d’empêcher la fuite des capitaux.

Discuter et populariser un tel programme avant les élections, l’intégrer aux élections sociales dans les entreprises, et le faire vivre par des discussions dans les écoles et les campus fait partie de la lutte des classes. Cela rendra la classe travailleuse plus consciente de son rôle particulier dans la société et créera les conditions pour commencer à se battre pour une société à son image et reposant sur ses intérêts.

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