France. La classe dirigeante accentue sa croisade islamophobe pour diviser et régner : une réponse combattive de la classe travailleuse est nécessaire! 

Le régime israélien mène une guerre de vengeance brutale contre la population de Gaza. Une invasion qui, après une trêve de sept jours, est repartie de plus belle le 1er décembre. Le 9 décembre, l’armée israélienne avait déjà tué plus de 17.700 personnes, dont un enfant toutes les 10 minutes, et des milliers de personnes sont encore sous les décombres.

Par Philipp

Cette violence trouve son origine dans l’oppression profonde du peuple palestinien par le régime israélien, qui dure depuis des décennies. Suite à l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre, Macron s’est positionné et a positionné la France dès le début dans une alliance complète avec les États-Unis, l’Allemagne et d’autres puissances impérialistes occidentales, soutenant inconditionnellement Israël.

Concernant la politique intérieure, cela signifiait que la classe dirigeante a tout mis en oeuvre dès le début pour interdire toutes les manifestations de solidarité avec la Palestine et que la répression contre les personnes musulmanes et/ou originaires d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient passait à la vitesse supérieure.

Une correction tactique dans l’intérêt de l’impérialisme français

La pression du mouvement contre le massacre en cours et la nécessité de préserver les intérêts de l’impérialisme français en Afrique du Nord et au Moyen Orient ont contraint le gouvernement à adapter légèrement ses positions au fil du temps. Le premier jour de son voyage au Moyen-Orient, Macron a demandé que « la coalition internationale contre Daesh [« État islamique »] à laquelle nous [la France] participons lutte également contre le Hamas ». Un jour plus tard, il a dû faire une volte-face rhétorique en appelant à « la lutte contre le terrorisme en général, à l’aide humanitaire et à la reprise des discussions politiques, en vue de relancer la solution des deux Etats ».

Ce changement de cap est une réponse à la réaction des États d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient face à la proposition de coalition anti-Daesh de Macron et à son soutien inconditionnel à Israël. Le personnel diplomatique français du département Afrique du Nord et Moyen-Orient n’a franchement pas été « amusé » par la position initiale de Macron, qu’il a qualifiée de « rupture avec notre position traditionnellement équilibrée entre Israéliens et Palestiniens ». Après des semaines de violence déchaînée contre Gaza, Macron a ressenti la pression d’organiser une conférence humanitaire symbolique sur Gaza le 9 novembre sans la participation d’Israël ; et c’est seulement la semaine suivante qu’il a appelé pour la première fois à un cessez-le-feu.

Ni le personnel diplomatique en désaccord avec Macron, ni le président lui-même n’ont agi pour des raisons charitables. Leur appel au cessez-le-feu est purement tactique, car ils craignent pour l’influence, les atouts et la sécurité de l’impérialisme français dans la région, en particulier après l’humiliante éviction des troupes françaises du Burkina Faso, du Mali et, plus récemment, du Niger.

S’il est faux de prétendre que l’Etat français a traditionnellement eu une position “équilibrée” sur le sujet, force est de constater que contrairement à ses prédécesseurs, Macron vient d’adopter une approche plus unilatéralement favorable au régime israélien, dans la foulée du positionnement des États-Unis. Mais les préoccupations des ambassadeurs français dans la région ont tout de même plus à voir avec la défense des intérêts impérialistes qu’avec la défense de la population palestinienne en détresse : leurs craintes sont le reflet des masses en colère dans la région, et lié à cela le risque pour la classe capitaliste française de perdre en influence sur place. 

La ligne principale en France reste essentiellement celle d’un soutien fort au régime israélien, tandis que les critiques à son encontre et le soutien aux Palestiniens sont rapidement dépeints comme de l’antisémitisme et une apologie du terrorisme, qui est lié à des attaques racistes et à une répression sévère.

Racisme et répression pour empêcher la résistance contre la misère, l’oppression et le massacre de Gaza

Le 20 octobre, deux syndicalistes – le secrétaire général et le secrétaire administratif de l’Union départementale CGT Nord – ont été arrêtés pour « apologie du terrorisme » en raison d’un tract de soutien aux Palestiniens. Samira [nom fictif], une mère franco-palestinienne vivant à Paris, a déclaré que son « fils a été battu et accusé de faire l’apologie du terrorisme à l’école pour avoir parlé du nombre de morts palestiniens et du blocus israélien de Gaza ».

L’interdiction générale de toute manifestation pro-palestinienne n’a été levée que le 18 octobre par le Conseil d’État, alors que près de 3 500 personnes avaient déjà été tuées à Gaza par le terrorisme d’État israélien. Cette décision ne signifiait pas pour autant la fin de la répression. Le 28 octobre, 1 487 personnes ont été verbalisées et 21 arrêtées lors d’une manifestation pro-palestinienne à Paris. Par ailleurs, le 7 novembre, la présidence de l’université du Mirail a tenté d’empêcher la création d’un comité de solidarité avec la Palestine par le biais d’une loi vigipirate.

Pendant ce temps, l’establishment politique et les principaux médias ont attaqué sans relâche La France Insoumise, Mélenchon ainsi que la gauche radicale dans son ensemble, les accusant d’antisémitisme et de complicité avec le terrorisme du Hamas. Le niveau d’acrobatie mentale auquel certains ont recours pour insinuer que la solidarité avec les habitants de Gaza et les Palestiniens est généralement suspecte de soutenir le terrorisme, a été bien illustré par le tweet de Caroline Yadan (députée de Renaissance, le parti de Macron). Le 9 novembre, elle a publié sur Twitter une photo d’un graffiti sur lequel on pouvait lire « Fuck antisemitism – Free Palestine – Fuck Apartheid » et a affirmé que le message était…. en fait antisémite. Les tropes racistes tels que l' »antisémitisme importé » et l' »islamo-gauchisme » sont également dans ce contexte aussi très populaires dans les rangs de la droite et l’extrême droite et dans la bouche de la plupart des journalistes des médias dominants.

Tout cela est utilisé par la classe dirigeante pour dépeindre le RN comme « l’opposition raisonnable » et LFI comme radicale, dangereuse et proche du terrorisme, ce qu’elle a fait à de multiples reprises, et notamment lors du mouvement contre la réforme des pensions.

Cette approche fait partie de la tactique « diviser pour régner » de la classe dirigeante. Dans le contexte de l’augmentation de la pauvreté et de la précarité, ils attisent le racisme pour détourner l’attention et empêcher la formation d’une résistance générale unie, contre la misère, l’oppression et le massacre de Gaza. C’est d’autant plus important pour les patrons et leurs représentants politiques que la classe ouvrière, bien qu’elle n’ait pas remporté de victoire concrète, a été considérablement renforcée par sa lutte contre la réforme des retraites.

L’interdiction raciste et sexiste de l’abaya s’inscrit dans la même logique. Elle a servi à étouffer dans l’œuf la discussion sur les investissements dans le secteur de l’éducation publique qui sont une nécessité criante (les bâtiments ont besoin d’être rénovés, il n’y a pas assez d’enseignants et de personnel, ce qui crée inévitablement de mauvaises conditions de travail et d’apprentissage), à détourner l’attention et à semer la division. C’est avec la même intention que le gouvernement et les forces de droite ont cyniquement exploité l’attentat terroriste dévastateur contre Dominique Bernard. Darmanin a appelé à « l’expulsion systématique de tout étranger considéré comme dangereux par les services de renseignement ». En un mois, les expulsions d’étrangers condamnés ont augmenté de 30%.

De plus, en suivant allègrement les propositions de LR, le gouvernement a encore durci la loi sur l’immigration, déjà fondamentalement raciste. Si cette loi, adoptée par le Sénat le 14 novembre, devait entrer en vigueur, elle constituerait probablement l’attaque raciste la plus grave en termes d’impact depuis des années. Elle prévoit la suppression de l’aide médicale d’État aux personnes sans papiers, le durcissement des conditions du regroupement familial, le rétablissement du délit de séjour illégal et la facilitation de l’expulsion des personnes sans papiers.

Alors que le racisme, en particulier à l’encontre des musulmans et des personnes originaires d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, atteint une nouvelle fois des sommets dégoûtants, le gouvernement et la classe dirigeante traitent la violence raciste et l’extrême droite avec des gants. Le policier qui a tué Nahel, 17 ans, le 27 juin à Nanterre, par exemple, a récemment été remis en liberté sous contrôle judiciaire ; selon Le Monde, « on ne sait pas si et quand l’affaire sera jugée ». La mère de Nahel a manifesté contre cette injustice le 19 novembre. En attendant, le policier, qui a assassiné Nahel, et sa famille vont pouvoir profiter de l’argent de cagnotte qui avait été lancée par des éléments d’extrême droite (1,6 millions d’euros ; 630.000 après déductions de frais et impôts).

L’arme du racisme attisée par la macronie entraîne une normalisation de l’extrême droite 

La classe dirigeante française resserre les rangs de la droite à l’extrême droite contre les personnes musulmanes, les personnes originaires d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, et la gauche, afin de semer la division et de préparer les attaques économiques à venir contre la classe ouvrière et les opprimé.e.s dans leur ensemble. Ils ont hypocritement détourné le souhait sincère des gens de s’opposer à l’antisémitisme pour organiser des marches réactionnaires pro-israéliennes dans lesquelles ils ont défilé aux côtés des formations d’extrême droite de Le Pen et Zemmour.

L’antisémitisme doit être combattu sous toutes ses formes. Il y a clairement une  augmentation des actes antisémites en France. Cependant, l’antisémitisme et toutes les formes d’oppression ne peuvent être combattus que contre l’extrême droite et la classe dirigeante, et non avec eux. Le 9 octobre déjà, des membres du Rassemblement national, parti d’extrême droite, ont pu participer à une marche à Paris en faveur d’Israël, à l’appel du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France), connu pour ses positions pro-régime israélien, sans être expulsés. L’extrême droite a utilisé son soutien au régime israélien et à sa terreur d’État pour dissimuler son antisémitisme et promouvoir l’islamophobie et le racisme.

Que ce soit avec ou sans la faible excuse d’un « cordon républicain », la marche du 12 novembre à Paris marque un nouveau tournant dans la normalisation de l’extrême droite et de ses politiques racistes, antisémites, sexistes et totalement anti-ouvrières. Il est clair que cela enhardi les groupes d’extrême droite et les incite à plus de violence. Après le meurtre de Thomas à Crépol, 80 militants d’extrême-droite armés de barres de fer ont défilé le 25 novembre à Romans-sur-Isère près du quartier populaire de la Monnaie en scandant « La rue, la France, nous appartient ». Dans la soirée du 11 novembre, une 40 à 60 personnes du groupe « Guignol Squad » a attaqué une conférence sur le thème de la Palestine à Lyon avec des barres de fer et des mortiers, blessant 3 personnes. Lors de la marche contre l’antisémitisme à Paris, un manifestant qui dénonçait l’extrême droite – « Marine Le Pen, dégage ! Vous êtes une bande de fachos ». – a été violemment agressé par « une vingtaine » de militants de la Ligue de défense juive (LDJ), une organisation d’extrême droite, qui ont également frappé une personne scandant « Free Palestine » le long du parcours de la marche et criant « Mélenchon, salaud, les juifs auront ta peau ». Les manifestants portant des pancartes qui, en plus de s’opposer à l’antisémitisme, osaient dénoncer l’extrême droite et le racisme en général ont été insultés et chassés de la manifestation. Des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « RN/Reconquête = antisémites » ont été confisquées par la police. En Allemagne, l’approche est la même : le 22 novembre, la police de Cologne a confisqué une banderole de la SAV (ISA en Allemagne) pour « incitation à la haine ». La banderole se lit comme suit : « Gaza : Arrêtez le massacre. Pour l’unité de la classe ouvrière contre l’occupation, la pauvreté et le capitalisme ».

Comment lutter contre l’oppression, l’exploitation et l’extrême droite ?

La FI a eu raison de refuser de manifester aux côtés de l’extrême droite et d’appeler sa propre action « contre l’antisémitisme, les racismes et l’extrême-droite ». Toutes les autres forces du NUPES ont cependant participé à la marche à Paris, ce qui reflète une accélération et une consolidation de la dynamique de désintégration du NUPES ; une union de la gauche parlementaire que les forces à la gauche de Macron et à la droite de la FI n’ont jamais eu l’intention de construire, et n’y avaient été contraints qu’à cause du rapport de forces favorable à la FI. 

Plus important encore, cela montre pourquoi la lutte contre l’antisémitisme, le racisme et l’extrême droite ne peut être menée avec succès avec la classe dirigeante, mais seulement contre elle. Nous avons besoin d’un large front uni des travailleurs, des jeunes et des opprimés, des syndicats, des partis de gauche ainsi que des organisations féministes, queer, antiracistes et climatiques pour lutter collectivement contre toutes les formes d’oppression et d’exploitation.

La déclaration du syndicat de l’éducation « CGT Educ’Action » après l’attaque terroriste d’Arras est un exemple très positif dans ce contexte. Ils ont déclaré qu’ils refusaient « que cette tragédie soit récupérée à des fins politiques et utilisée pour stigmatiser une partie de la population ou pour imposer une politique réactionnaire, autoritaire et sécuritaire en matière d’éducation ». Il est extrêmement important que des syndicats comme la CGT et SUD Solidaires aient soutenu le mouvement de solidarité avec la population de Gaza et que des comités soient mis en place dans les universités françaises. Dans de nombreux autres pays, les travailleurs et les jeunes ont également mené des actions contre le massacre de Gaza et l’envoi d’armes à Israël. Par exemple, en Belgique, les syndicats du secteur transports ont appelé à ne plus charger ou décharger du matériel militaire à destination d’Israël dans les différents aéroports du pays. Les dockers de Catalogne et de Gênes (Italie) ont fait de même. Ils répondent ainsi à l’important appel international des syndicats palestiniens pour refuser de fabriquer ou transporter des armes destinées à Israël. Et le jeudi 30 novembre, les docker.e.s et les travailleur.se.s portuaires en France et dans plusieurs autres pays européens se sont arrêtés de travailler pendant une heure en réponse à un appel du Conseil européen des dockers (European Dockworkers Council, EDC) pour des actions dans tous les ports de l’EDC pour la paix et contre l’oppression et l’inégalité. Ces actions du mouvement ouvrier organisé contre le massacre à Gaza étaient urgentes et nécessaires et doivent être généralisées et intensifiées, aussi dans d’autres secteurs, en France et partout dans le monde ! 

Les comités démocratiques dans les écoles, les universités, les lieux de travail et les quartiers seront essentiels pour attirer davantage de couches ainsi que pour discuter du programme, de la stratégie et des actions. Sur cette base, nous pouvons également développer la lutte contre nos propres gouvernements pour qu’ils cessent de financer la guerre et mettent fin à tout soutien militaire et financier au régime israélien, ainsi que pour qu’ils mettent fin à la militarisation. Les milliards de dollars doivent être investis dans les services publics. Nous avons besoin de syndicats de lutte combatifs qui luttent chaque jour contre toutes les formes d’oppression et qui renforcent et construisent activement les liens mutuels avec les luttes pour des salaires plus élevés et de meilleures conditions de travail. C’est une nécessité cruciale pour construire un puissant mouvement de résistance contre le massacre de Gaza, l’oppression et l’exploitation, dont le potentiel a été démontré par les millions de personnes qui ont lutté contre la réforme des retraites, la volonté de la jeunesse particulièrement d’origine immigrée de lutter contre le racisme systémique et les violences policières et maintenant les travailleurs et les jeunes qui se tiennent en solidarité avec le peuple de Palestine.

Qu’il s’agisse du massacre horrible à Gaza, de l’oppression des femmes et des personnes LGBTQIA+ ou de la lutte contre la crise climatique, l’inégalité et l’exploitation : Nous devons construire un mouvement de masse uni des travailleur.se.s, des jeunes et des personnes opprimées qui relie la lutte pour les améliorations les plus urgentes et les plus concrètes aujourd’hui à la lutte contre le système capitaliste violent et oppressif dans son ensemble.

Avec la solidarité et l’action collective basées sur la discussion démocratique et un programme clair, nous pouvons changer le monde.

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