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Rendez-vous: 06/12/23
Contrer la casse des conditions de travail et de transport: nouvelle grève de 48h aux chemins de fer

Dégradations des conditions de travail, nouvelles mesures de flexibilité, attaque du statut cheminot : cela fait des mois que la direction des chemins de fer joue la provocation et tente de passer en force. Le front commun syndical CGSP – CSC – SLFP (soutenu par le SIC) avait déposé un premier préavis de grève de 48 heures en novembre. Une deuxième grève de 48 heures aura lieu les 6 et 7 décembre.

Par un cheminot

Un accord social avait pourtant été signé entre les organisations du front commun et la direction au printemps dernier. Il prévoyait entre autres une accélération importante du recrutement pour faire face au manque de personnel, et au problème du nombre record de jours de récupération en retard. La direction brandit dans la presse les chiffres de recrutement en camouflant que malgré ça, le manque de personnel reste très critique sur certains lieux de travail. Les dirigeants syndicaux ont comparé les chemins de fer à une passoire : de janvier à octobre 2023, il y a eu à peine plus d’arrivées que de départs. Les mauvaises conditions de travail et l’absence de perspective positive font qu’un nombre croissant d’agents quittent la société. Avec pour conséquence, notamment, un record du nombre de trains supprimés par manque de personnel.

Aux guichets, cela fait des années que la direction n’engage plus que des contractuels. Contrats précaires, hyper-flexibilité et arbitraire patronal sont monnaies courantes. Une sorte de laboratoire où la direction a testé jusqu’où elle pouvait aller dans les reculs des droits sociaux. Avec sa nouvelle structure adoptée avant l’été, la SNCB essaie maintenant d’étendre ces pratiques plus largement dans la société. Son plan « présence en gare », renommé à juste titre par les syndicats « absence en gare » met des centaines d’emplois en danger. La réorganisation sert de prétexte à une diminution radicale du nombre d’agents et une remise en cause du statut. Celles et ceux qui seront redéployés devront travailler en étant bien plus flexibles, sans lieu de travail fixe. Moins de personnel à disposition des voyageurs, des conditions de travail dégradées pour ceux qui restent : voilà ce que la direction de la SNCB considère comme « modernisation indispensable ».

Le statut a sa propre histoire aux chemins de fer : il maintient un lien essentiel entre les travailleur-euses des différentes corporations malgré que la SNCB historique ait été scindée de façon absurde en différentes sociétés (SNCB, Infrabel et HR Rail). Il permet d’accéder à la mutuelle propre aux cheminots et à sa caisse de solidarité sociale. Financée par l’ensemble du personnel statutaire, elle fournit des avantages non négligeables. Le statut est aussi une assurance – bien qu’imparfaite – que femmes, hommes et minorités de genre soient rémunérés de la même manière. Enfin, la protection relative qu’offre le statut permet aux agents de traiter les usagers de manière égalitaire et avec l’intérêt collectif comme priorité, et non la logique de profit.

Formés dans les multinationales du secteur privé et issus de « cabinets de conseils » comme McKinsey, les haut-managers gèrent notre service public avec cynisme et autoritarisme. Ils sont aidés par un bataillon de consultants dont le nombre et le coût a explosé ces dernières années.

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Formés dans les multinationales du secteur privé et issus de « cabinets de conseils » comme McKinsey, les haut-managers gèrent notre service public avec cynisme et autoritarisme. Ils sont aidés par un bataillon de consultants dont le nombre et le coût a explosé ces dernières années. La logique de coupe budgétaire s’applique à tout le monde sauf à eux-mêmes. Le montant de la facture totale de la consultance, bien que tenu secret, avoisinerait les 100 millions d’euros par an. Entre 2018 et 2020, un consultant de la filiale informatique de la SNCB a été payé 2 200 € par jour !

Comment cheminots et usagers peuvent gagner

La première grève de 48 heures des 8 et 9 novembre a été largement suivie. Malgré ce succès, il ne fait aucun doute que la direction ne lâchera pas facilement. Mais la détermination se trouve des deux côtés. Avec sa gestion agressive et le manque de marge sérieuse laissée à la négociation, la direction du rail a mis en danger la position propre des dirigeants syndicaux. Les travailleurs des différentes corporations ont massivement suivi le mot d’ordre de grève, parce que les revendications les concernaient directement ou par solidarité.

Mais nous manquons d’un plan et d’une stratégie claire à long terme. L’appel à « un dialogue social de qualité » est trop vague : nous ne voulons pas négocier la dégradation de nos droits ! Nous avons besoin d’une liste de revendications précises à obtenir, débattues démocratiquement pour chaque fonction, par exemple au moyen d’assemblées générales sur chaque lieu de travail.

L’hypocrisie n’a plus de limites : les patrons de la SNCB et d’Infrabel ont dénoncé la grève de novembre en se positionnant comme les défenseurs du service public. Ceux-là mêmes qui externalisent des services, reproduisent la logique du secteur privé et transforment ces sociétés sur base d’une logique purement commerciale. C’est en gérant les services publics comme des sociétés privées que l’élite politique et économique brouille les pistes et sape la confiance dans ces services publics. Alors que les revendications des cheminots, de leurs syndicats et des usagers sont souvent communes.

C’est pourquoi nous pensons que les syndicats devraient lancer une campagne avec des revendications offensives pour de bonnes conditions de travail et de transport, en expliquant comment ces objectifs sont intimement liés. Des rencontres avec les navetteurs, distribution de tracts en gare et campagne de communication sur les réseaux sociaux pour populariser ces revendications seraient un pas en avant.

Libre Parcours a appelé à la formation d’un bloc des délégations syndicales des transports publics (SNCB, STIB, De Lijn, TEC) à la marche pour le climat du 3 décembre. Des investissements massifs dans ce secteur sont plus que jamais nécessaires pour éviter la catastrophe climatique. Car même les investissements limités prévus par les contrats de gestion de la SNCB et d’Infrabel ne sont pas encore assurés. Nous proposons aussi aux activistes climatiques de venir soutenir et échanger avec les travailleurs du rail sur les piquets de grève.

En impliquant le plus largement possible les travailleurs et les usagers dans un plan d’action pour nos intérêts communs et ceux des générations futures, nous pouvons balayer la politique antisociale du patronat et de ses sbires.

Ponctualité : ce qu’on ne vous dit pas

L’une des raisons de la grève est la décision de la direction de la SNCB de diminuer par deux le temps de préparation du service des accompagnateurs de train. Ces précieuses minutes – considérées par la direction comme improductives – permettent d’organiser sa journée, de préparer ses outils et de prendre connaissance de toutes les informations nécessaires pour la suite. Mais c’est aussi un délai utile pour organiser le remplacement imprévu d’un collègue bloqué sur la route ou absent.

Plus que jamais, la direction de la SNCB veut supprimer tout ce qu’elle considère comme des « temps morts » afin d’augmenter le niveau de productivité et de tendre vers une organisation du service en « flux tendu ». Le moindre pépin se transforme alors en suppression ou retard de train faute de personnel. Il en va de même dans la gestion du « matériel roulant » : les voitures doivent rouler autant que possible et rester moins longtemps garées en maintenance ou en réserve. Résultat : à la moindre panne, il n’est pas possible de les remplacer, et le train est supprimé.

C’est ainsi que la course à la productivité met à mal la ponctualité. Celle-ci est déjà à un niveau jugé « catastrophique » par les associations de navetteurs : seulement 85,49 % des trains sont arrivés avec moins de 6 minutes de retard en octobre 2023 (82,6 % en tenant des comptes des trains supprimés).

Cette gestion en flux tendu qui handicape tant la fiabilité du service n’est absolument pas remise en cause dans le contrat de service public 2023 – 2032 mis en avant par la direction du rail et le ministre de la Mobilité. C’est sans doute pour cette raison qu’en termes de ponctualité, l’objectif affiché est particulièrement modeste : 91% de trains avec un retard en-dessous de 6 minutes en 2032. Un objectif « ambitieux » en comparaison à ce qui se fait actuellement, mais aussi plus faible que les intentions du contrat de gestion précédent… qui visait les 92% pour 2012 (objectif non atteint).

Pour obtenir un service de qualité il est indispensable de sortir de cette logique de course à la productivité et de réduction des coûts. Mais lorsque la patronne de la SNCB, Sophie Dutordoir, doit la justifier, elle fait référence aux « (potentiels) concurrents de la SNCB ». L’abandon du modèle de libéralisation du transport ferroviaire est nécessaire, aussi pour mettre nos trains à l’heure.

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