Grèves spontanées à la SNCB suite aux agressions de cheminots

En février, une série de grèves spontanées a éclaté dans plusieurs dépôts d’accompagnateurs de train de la SNCB. En cause : une véritable série noire d’agressions envers le personnel. Le premier arrêt de travail fut celui des accompagnateurs des dépôts de Liège-Guillemins et de Welkenraedt le 5 février: plusieurs collègues qui travaillent sur les quais et dans les trains avaient été menacés avec un couteau. Tour à tour les collègues de Courtrai (08/02), de Mol (12/02), de Bruxelles-Midi (15/02), et enfin de Turnhout (27/02) ont arrêté le travail, systématiquement à la suite de nouvelles agressions.

Par un cheminot

Si le phénomène des agressions envers le personnel n’est pas nouveau, sa fréquence a fortement augmenté : +60% depuis 2019. C’est aussi la gravité qui augmente, avec des menaces armées ou des violences gratuites. La direction est restée indifférente. La SNCB a mis au point il y a quelques années un « masterplan anti-agression » au contenu particulièrement insipide. Elle vient de relancer une campagne d’affichage dans les trains et dans les gares : une mesure peu efficace, mais qui lui permet de prétendre qu’elle agit, à moindre coût.

Les grèves spontanées sont interdites aux chemins de fer. Il y a une exception si l’employeur reconnaît plus tard le caractère « émotionnel » de l’arrêt de travail. Celui-ci dépend de plusieurs facteurs (cas de force majeure, limitation géographique, limitation dans le temps,…). Les grévistes sont donc passibles de sanctions si ce caractère émotionnel n’est pas reconnu après coup. La menace de mesures disciplinaires joue un rôle important de frein, mais tout frein est relatif. Face à la gravité et l’urgence de la situation, les premiers collègues à se déclarer en grève ont décidé que la nécessité de s’organiser était plus forte. Ils ont ensuite été imités par d’autres lorsque de nouvelles agressions ont eu lieu, ce qui a remis la méthode de la grève spontanée – très peu utilisée depuis 2016 – à l’avant-plan. Le sentiment qu’il était temps de dire « stop » tous ensemble s’est propagé.

Bien que les revendications dépendent d’un lieu de travail à l’autre, partout revient la nécessité d’obtenir plus de personnel. Les gares et les trains doivent être des lieux sécurisés, en premier lieu par ce qu’on appelle le « contrôle social ». La carence de personnel désastreuse que nous subissons depuis des années n’a pas seulement créé un retard important dans l’octroi des congés, elle a aussi favorisé les circonstances qui ont mené à une augmentation de l’insécurité. Les agents réclament une augmentation du cadre du personnel Securail, ainsi que la présence de deux accompagnateurs (au lieu d’un seul) dans les trains reconnus comme étant « difficiles ». La problématique du contrôle social se pose aussi dans les petites gares vidées de leur personnel.

Les agents doivent aussi être convenablement formés et équipés pour éviter l’escalade d’un conflit, et pouvoir le gérer dans la mesure du possible. Il en va encore de la responsabilité de la SNCB de mettre en place des règles commerciales qui permettent d’éviter certaines situations conflictuelles, alors que des décisions récentes à propos de la vente de tickets dans le train vont dans le sens contraire. Enfin, les collègues qui ont subi une agression doivent être soigneusement accompagnés et soutenus. Sur tous ces aspects, les manquements de la direction suscitent la colère.

Si ces grèves spontanées ont bien été reconnues comme arrêt de travail émotionnel, c’est parce que le mouvement a été suffisamment déterminé pour imposer un rapport de force. Des hauts managers ont dû, pour une fois, se rendre sur place et négocier avec des délégué-e-s de terrains, voire les collègues eux-mêmes. Les grèves spontanées permettent d’outrepasser les lourdes règles habituelles de la « concertation sociale », volontairement conçues pour freiner la dynamique de lutte.

Elles ont permis d’arracher quelques concessions et une série de promesses, encore assez vagues quant à leur concrétisation. Elles ont imposé ce thème dans l’agenda de la direction et des dirigeants syndicaux. Mais pour obtenir de vraies victoires et faire chuter drastiquement le nombre d’agressions, nous avons besoin d’un plan à long terme pour faire aboutir l’ensemble des revendications et s’assurer que la sécurité du personnel et des voyageurs est une priorité dans chaque décision.

Mi-février, le chef de corps de la zone de police de Bruxelles alertait la presse sur l’augmentation du nombre d’interventions policières pour des problèmes psychiatriques. Les inégalités, le manque de perspectives, les frustrations individuelles alimentées par le capitalisme provoquent des ravages. Cela n’excuse en rien les agresseurs, mais nous ne serons jamais complètement débarrassés des agressions violentes dans ce type de société. Pour mettre définitivement fin à ce fléau, c’est toute la société qu’il va falloir changer.

Partager :
Imprimer :

Soutenez-nous : placez
votre message dans
notre édition de mai !

Première page de Lutte Socialiste

Votre message dans notre édition de mai