André Henry (1938-2023)

Le camarade André Henry vient de décéder à l’âge de 85 ans. Né en 1938 à Gilly, à une pé­riode où les mili­tants trotskystes de l’époque (Léon Lesoil, Jules Henin) avaient une audience de masse dans le bassin minier et une influence décisive à la Maison du Peuple de Gilly. André a donc passé sa jeunesse dans un milieu ouvrier pétri par la lutte de classes, d’autant plus que son père était lui-même militant trotskyste et que les discussions se déroulaient souvent à la maison.

Par Guy Van Sinoy

A 15 ans il entre comme gamin à la verrerie où il apprendra progressivement le métier de coupeur de verre. A 17 ans il rejoint les Jeunes Gardes Socialistes. A l’époque, en verrerie, il existait encore des syndicats corporatistes peu favo­rables à la grève de 60-61. En janvier 1961, un syndicat corporatiste (UVMB) décide l’arrêt du four à la suite d’un incident technique. Il s’ensuivra 4 mois de chômage partiel et lors de la reprise de l’usine par Glaverbel une baisse des salaires de 3% pendant 5 ans comme dédommagement à la réparation du four et une clause de paix so­ciale d’un an.

En 1964 André adhère à la 4e Internationale. La même année, avec quelques camarades ver­riers oppo­sés au syndicalisme corporatif, il lance La Nouvelle Défense, un bulletin syndical en faveur d’un syndicalisme de lutte. Stencilé et édité à 1.000 exemplaires ce bulletin dépasse lar­gement l’audience de l’usine de Gilly et se fait connaître auprès des tra­vailleurs du verre de la région. En 1967 la Nouvelle Défense revendique le remboursement des retenues sur salaire im­posées en 1961. Les syndicats corporatistes sont obligés de suivre, la CSC et la FGTB l’appuient et cela fait l’objet d’une convention collective en 1967. Mais au lieu de reverser individuelle­ment à chaque travailleur le montant retenu, La Nouvelle Défense propose que Glaverbel verse l’argent à un fonds de garantie permettant de payer un complément aux travailleurs qui partent en prépension. Ce mode de distribution est acquis en 1968. Il permet le départ en prépension à 60 ans avec une allocation assurant un revenu à 85 % du salaire net et la garantie d’une pen­sion complète à 65 ans.

A partir de cette grande victoire, les choses vont s’accélérer. En mai 1970, après deux assem­blées générales tenues à la Ruche verrière (1) avec les travailleurs verriers de Gilly, de Lodelin­sart, de Roux et de Splintex, ceux-ci décident d’adhérer à la Centrale générale FGTB et d’aban­donner les syndicats corporatistes. En juin 1970 tous les verriers de la région de Charleroi ar­rêtent le travail en solidarité avec les délégués syndicaux de Caterpillar traînés en justice après que la centrale des métallos FGTB leur ait ôté leur mandat syndical. En 1971, après des assemblées générales dans toutes les sections de l’usine, André Henry est élu délégué princi­pal de la Centrale générale. La direction de Glaverbel ne veut pas reconnaître cette élection, mais devra l’accepter après deux jours de grève.

En février 1973, à la suite d’une altercation entre André et un contremaître, la direction inter­dit à André Henry de remettre encore les pieds dans l’usine et lui retire sa carte de pointage. C’était quasiment un licenciement sur le champ ! En riposte, une assemblée générale des tra­vailleurs décide immédiatement (à 100%!) la grève avec occupation de l’usine et l’élection d’un comité de grève au sein duquel la délégation syndicale est minoritaire (20 travailleurs de base et 6 délégués). L’usine tourne alors sous le contrôle du comité de grève, et pour ne pas éteindre les fours, la production de feuilles de verre continue mais dans des dimensions hors standard impossibles à vendre. Devant la détermination des travailleurs la direction doit céder et retire toutes les mesures prises contre le délégué principal.

Il serait trop long de raconter en détail tous les épisodes de la lutte des ouvriers de Glaver­bel. Notons, par exemple, en mai 1974 une grève nationale des 12.000 travailleurs du verre – avec élection d’un comité régional de grève pour exiger la réintégration d’un délégué syndical arbitrairement licencié chez Multipane, une entreprise dépendant du groupe BSN.

En janvier 1975 BSN annonce la fermeture prochaine du four de Glaverbel Gilly. Les tra­vailleurs de Gilly montent en autocar à Bruxelles pour occuper le siège de Glaverbel à Boits­fort. Le 17 février 1975, 700 travailleurs de Glaverbel-Gilly prennent le train (2) pour Paris et occupent le siège de BSN. Ils délogent Antoine Riboud, le patron de la multinationale (qui s’était réfugié dans les toilettes) pour qu’il vienne s’expliquer devant les travailleurs. En 1979,une bataille est lancée pour la nationalisation de Glaverbel sous contrôle ouvrier. Un ac­cord est signé par BSN le gouvernement et les syndicats pour que 270 travailleurs « excéden­taires » reçoivent une formation de reconversion avec maintien du salaire à 100 %.

Bref, un court article ne peut résumer les nombreux combats menés par le camarade André Henry.

  1. La Ruche verrière : bâtiment situé à Lodelinsart qui servait de Maison du Peuple pour les assemblées des ouvriers verriers.
  2. A l’époque il fallait 6 heures de train aller-retour entre Bruxelles et Paris !
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