Les séismes en Turquie, en Syrie et au Kurdistan ont causé des dizaines de milliers de victimes. Le régime turc se retranche derrière « le destin », mais la catastrophe est loin d’expliquer seule l’ampleur du drame. Nous en avons discuté avec Mizgin, membre liégeoise de la plateforme « Jin Jiyan Azadi » (Femme, Vie, Liberté), coupole qui regroupe les organisations de femmes kurdes.
« Depuis 1999 et le tremblement de terre de Yalova (Istanboul), une loi a été votée en prévision de nouveaux tremblements de terre avec une taxe spéciale visant à garantir une provision pour l’aide, les containers d’urgence pour loger les victimes,… Cet argent a disparu. L’Etat turc l’a utilisé pour faire la guerre, contre les Kurdes tout particulièrement, notamment en envahissant Afrin et la région kurde au nord de la Syrie.
« On compte plus de 100.000 morts, des villes entières ont été détruites. Mais tous les bâtiments n’ont pas été touchés de la même manière. Les bâtiments d’Etat tiennent mieux par exemple. Les entreprises immobilières ont empoché de l’argent sur le peuple en économisant sur les matériaux avec la complicité des autorités. La Turquie est pourtant connue comme un endroit sujet à des séismes réguliers, comme le Japon.
« Alors oui, il est question de plaques tectoniques, mais le reste n’est pas naturel, c’est politique. Ce sont les territoires kurdes qui ont été les plus touchés. L’aide officielle n’y est arrivée qu’après 3 jours et ce ne sont d’abord que les endroits qui comptaient plus de votes pour l’AKP (parti islamiste de droite du président Erdogan, NDLR) et le MHP (extrême droite, allié à l’AKP) qui ont été secourus. Les secours sont instrumentalisés par la propagande de l’AKP et du MHP alors que l’aide d’organisations liées au mouvement kurde ou à la gauche comme le HDP (Parti démocratique du peuple) est bloquée ou détournée.
« Des gens ont été laissés sous les décombres parce qu’ils étaient Kurdes ou Alevis (branche particulière de l’islam, non sunnite, NDLR). Aujourd’hui, Erdogan veut vider les villes détruites et y installer des partisans, comme il l’a fait à Afrin avec l’occupation militaire. Beaucoup d’enfants ont disparu, on ne sait pas ce que sont devenus de nombreux orphelins et on craint que beaucoup ont été kidnappés pour être placés dans des familles d’accueil islamistes proches du régime.
« Tout est politique, et on espère que cela aidera le peuple turc à se réveiller. Le régime peut utiliser le choc de la crise à son avantage, mais cela ne durera qu’un temps car ses promesses sont creuses. »