Chine. L’effondrement de la politique du zéro COVID de Xi Jinping

La sortie soudaine et chaotique des contrôles stricts sur les pandémies laisse les villes aux prises avec la poussée explosive du COVID.

Par Vincent Kolo, chinaworker.info

En réponse à une vague de protestations anti-gouvernementales fin novembre (voir les liens ci-dessus), la dictature chinoise (PCC) a brusquement tourné le dos à son régime profondément impopulaire « Zero COVID ». Mais pour les masses chinoises, il s’agit de passer « de la poêle à frire au feu ». Malgré l’absence de données fiables et la sous-estimation délibérée du nombre de décès, il semble que les grandes villes comme Pékin, Shanghai et Guangzhou connaissent actuellement une poussée explosive du variant Omicron, et que d’autres régions du pays s’attendent à connaître le même sort dans les semaines à venir.

Selon les données officielles, le nombre de nouvelles infections dans l’ensemble du pays s’élève à environ 2.000 par jour, un chiffre ridiculement bas. Selon des estimations officieuses, la moitié des 22 millions d’habitants de Pékin ont déjà été infectés par Omicron. Même Hu Xijin, ancien rédacteur en chef du Global Times (quotidien chinois épousant la ligne éditoriale du Quotidien du Peuple, le journal officiel du Parti communiste chinois, NDT), a posté une réprimande sur les réseaux sociaux chinois : « Soit vous communiquez des chiffres réels, soit vous arrêtez de les publier. »

La Chine pourrait désormais connaître la vague de COVID la plus rapide de l’histoire de la pandémie. Les experts chinois prévoient que 840 millions de personnes pourraient être infectées au cours des prochains mois. La rapidité et l’ampleur terrifiantes de cette épidémie sont dues, d’une part, aux variants hautement transmissibles d’Omicron qui se propagent maintenant à l’intérieur du pays et, d’autre part, à une population en grande partie « immunologiquement naïve » qui n’a pas été exposée au virus pendant trois ans en raison d’une politique « Zéro COVID » rigoureuse basée sur le confinement, les restrictions de voyage et les tests de masse, tous soudainement supprimés dans de nombreuses régions du pays.

Omicron est relativement bénin pour la plupart des gens, mais hautement infectieux. Le variant BF.7 qui sévit actuellement en Chine a un « nombre R » reproductible de 16, contre 10 ou 11 lors de l’épidémie d’Omicron de l’hiver dernier aux États-Unis. Ce chiffre indique le nombre moyen de personnes infectées par chaque cas positif. Le 11 décembre, le principal épidémiologiste chinois, Zhong Nanshan, a déclaré aux médias d’État que ce nombre était encore plus élevé en Chine, une personne en infectant 22 autres. Alors qu’aux États-Unis, l’hiver dernier, les cas doublaient tous les deux ou trois jours, « maintenant, en Chine, le temps de doublement est de quelques heures », a déclaré l’épidémiologiste Ben Cowling de l’université de Hong Kong (15 décembre). Compte tenu du faible taux de vaccination des personnes âgées en Chine, avec seulement 40 % des plus de 80 ans entièrement vaccinés, on prévoit entre un demi-million et deux millions de décès dus au COVID au cours des prochaines vagues.

Crise politique

À la fin du mois de novembre, des manifestations ont éclaté dans une vingtaine de villes et plus de 80 universités pour protester contre les confinements incessants et les tests stricts de la politique « Zéro COVID ». Ces manifestations ont été d’une ampleur historique et ont brisé le moule des protestations des trois dernières décennies en ce qu’elles étaient d’envergure nationale et parce qu’elles ont soulevé des revendications explicitement politiques de droits démocratiques et même de « démission » de Xi Jinping.

Le PCC a investi des sommes colossales dans la création de l’État policier le plus grand et le plus sophistiqué technologiquement au monde. Il l’a fait précisément pour rendre impossible une telle flambée de protestation. Bien sûr, ce projet était voué à l’échec, comme nous l’avions prédit. Bien que les manifestations aient rassemblé un nombre relativement modeste de personnes, le simple fait qu’elles aient eu lieu a plongé le régime de Xi dans un état de crise.

Le moment et la manière dont la dictature a abandonné ses contrôles « zéro COVID » défient toute logique, à moins que l’on ne comprenne qu’il s’agit d’une réaction de panique face à ces protestations et à la crainte de leur extension faute de réaction. Non seulement c’est l’hiver, avec le Nouvel An chinois (la plus grande migration humaine annuelle au monde) dans un mois à peine, mais la Chine connaissait déjà sa plus grande vague d’infections lorsque le gouvernement a fait volte-face.

Dans aucun des autres pays qui ont suivi une stratégie « Zéro COVID », celle-ci ne s’est terminée de manière aussi désordonnée, abrupte et inopportune. En Chine, les éléments clés d’une stratégie alternative de lutte contre la pandémie, tels qu’une campagne de relance de la vaccination et le renforcement du système de santé publique, en particulier de la capacité des unités de soins intensifs, sont seulement maintenant improvisés à la hâte, au lieu d’avoir été préparés à l’avance.

Plutôt qu’une transition, c’est comme si l’ancien régime de lutte contre la pandémie s’était effondré. Le gouvernement n’a pas de « plan B » autre que celui d’improviser au jour le jour. La propagande d’État de ces trois dernières années, qui liait étroitement la doctrine « Zéro COVID » à Xi personnellement (il est le « commandant en chef » de la « guerre populaire » contre le virus), soulignait qu’il s’agissait de la meilleure stratégie pandémique au monde et de la preuve du « système supérieur » de la Chine par rapport aux « démocraties » chaotiques de style occidental. Les politiques pandémiques désastreuses des gouvernements occidentaux, enracinées dans des décennies de destruction néolibérale de l’aide sociale, ont flatté l’approche contraire mais tout aussi antisociale de Xi.

Aujourd’hui, la stratégie pandémique du régime chinois est « optimisée » selon son nouveau mot à la mode. Le « zéro COVID » n’est pas officiellement mort, mais il n’est plus mentionné dans les déclarations officielles. Ce n’est pas la première fois dans l’histoire qu’une campagne politique se poursuit en nom longtemps après avoir été interrompue dans la pratique pour éviter d’humilier le dirigeant. La révolution culturelle de Mao ne s’est officiellement terminée qu’à sa mort en 1976, alors qu’en réalité elle s’était déjà terminée en 1969.

Pourquoi cela ? Pourquoi maintenant ?

Xi s’est maintenant tu, bien qu’il ait clairement sanctionné ce changement de politique. La responsabilité du démantèlement du « Zéro COVID » a été dévolue aux gouvernements locaux, en partie pour protéger l’empereur des retombées. La crainte de la dictature d’une colère généralisée est évidemment la principale raison de ce soudain virage à 180 degrés. Mais il y a aussi un élément de vengeance : punir les masses pour avoir osé défier Xi.

La dictature a compris que le virus peut être un allié pour pacifier la population et endiguer de nouvelles protestations. Cela a joué un rôle important dans la bataille menée par le PCC pour rétablir son contrôle sur Hong Kong en 2020, à un moment où la lutte anti-autoritaire de masse était déjà entrée dans une phase de déclin. C’était des mois avant que la loi sur la sécurité nationale ne soit imposée à la ville. Dans de nombreux pays occidentaux, la phase initiale de la pandémie, avec une recrudescence des cas et une société plongée dans le chaos, s’est également accompagnée d’un arrêt ou d’un net ralentissement de la lutte de masse.

Plutôt que de descendre dans les rues pour profiter de sa nouvelle mobilité, la population des plus grandes villes chinoises a largement évité de s’aventurer à l’extérieur par peur de l’infection ou parce qu’elle est infectée. La semaine dernière, Pékin a été décrit sur internet comme une « ville fantôme virtuelle ». Le nombre de passagers du métro à Pékin et dans plusieurs autres grandes villes est inférieur à ce qu’il était avant la levée des restrictions du programme « Zéro COVID », lorsque la preuve d’un test PCR négatif était requise pour utiliser les transports publics.

Les hôpitaux de la capitale seraient débordés, avec des scènes qui rappellent celles de Hong Kong au début de l’année, avec des patients obligés d’attendre dehors dans les parkings des hôpitaux. Un nombre alarmant de membres du personnel médical est infecté, et des rapports indiquent que des médecins et des infirmières de Pékin ont reçu l’ordre de travailler malgré des tests positifs au COVID. Les médicaments courants contre la fièvre, tels que le paracétamol et l’ibuprofène, ainsi que les kits d’autodiagnostic, ont été épuisés dans de nombreuses villes, ce qui prouve une fois de plus que le changement de politique du régime n’était pas du tout planifié et qu’il s’agissait d’un réflexe. Les banques de sang seraient également à court de sang.

Les crématoriums de Pékin fonctionnent 24 heures sur 24, ce qui accroît les spéculations selon lesquelles le gouvernement supprimerait les données relatives aux décès dus au COVID. À Wuhan, lors de l’épidémie initiale au début de l’année 2020, il était largement admis que le nombre officiel de décès était sous-estimé. Officiellement, deux personnes sont mortes du COVID à Pékin depuis le 3 décembre. Un hashtag sur les deux décès est devenu viral sur les réseaux sociaux, beaucoup exprimant leur incrédulité.

Non seulement le nombre officiel de décès en Chine ne correspond pas à l’expérience d’autres pays après la levée des restrictions, mais il est également remis en question par les récits de témoins oculaires. « Des journalistes de l’agence Reuters ont vu des corbillards alignés à l’extérieur d’un crématorium COVID-19 à Pékin et des ouvriers en combinaison de protection transportant les morts à l’intérieur de l’installation », a rapporté Reuters le 19 décembre. Les recherches Internet des habitants de Pékin sur les « maisons funéraires » ont atteint leur niveau le plus élevé depuis le début de la pandémie.

La lutte de pouvoir interne du PCC

Le régime de Xi a été soumis à une pression croissante pour sortir de la politique du « Zéro COVID » afin de faire face à l’aggravation du marasme économique et d’endiguer la tendance au découplage accéléré de l’économie chinoise vis-à-vis des entreprises occidentales. De nombreux gouvernements locaux ont été mis au bord de la faillite par les coûts énormes de maintien de l’infrastructure « Zéro COVID », en particulier la demande de tests de masse à grande échelle. Soochow Securities a estimé qu’une année de tests de masse pourrait coûter aux collectivités locales chinoises un total de 1,7 trillion de yuans (257 milliards de dollars), soit environ 1,5 % du PIB.

Cette pression économique a exacerbé la lutte pour le pouvoir au sein du PCC et les conflits entre le centre et les régions. Pour Xi, un avantage important de la politique « Zéro COVID » était son rôle dans la lutte de pouvoir interne au PCC en tant qu’outil pour éliminer les critiques et récompenser ceux qui font preuve d’une loyauté servile.

Le chômage record des jeunes (près de 20 % officiellement), la baisse des salaires réels et l’implosion du marché immobilier sont autant de facteurs importants à l’origine des manifestations de novembre. Les médias et les organes de propagande de la dictature n’ont bien sûr pas fait état de ces manifestations. Officiellement, elles n’ont pas eu lieu. Il serait extrêmement dangereux pour ce régime de reconnaître que la pression de masse lui a forcé la main.

Lors du 20e congrès du PCC, six semaines seulement avant cette explosion de la lutte, Xi Jinping a de nouveau réitéré la nécessité de maintenir la politique du « zéro COVID ». Au cours du congrès, il a été annoncé que la capacité de dépistage de la Chine avait atteint le niveau incroyable d’un milliard de tests PCR par jour. On peut se demander aujourd’hui à quoi a servi cet investissement massif, car les tests de masse sont sommairement abandonnés.

Lors du congrès, Xi a purgé le Comité permanent du Politburo des éléments d’opposition et a promu des acolytes comme Li Qiang et Cai Qi, tous deux fortement associés à l’application du programme Zéro COVID dans leurs villes. En tant que chef du PCC de Shanghai, Li Qiang a présidé au confinement brutal de deux mois de la plus grande ville de Chine au début de l’année, suscitant un mécontentement massif de la population. Ce n’est pas une coïncidence si, lors des manifestations de novembre, certains des slogans antigouvernementaux les plus radicaux sont apparus à Shanghai, notamment les chants « A bas le PCC » et « Xi Jinping démission ».

L’homologue de Li à Pékin, Cai Qi, également promu au Comité permanent lors du 20e Congrès, a annoncé en juin que le programme Zero COVID serait « maintenu pour les cinq prochaines années ». Cette déclaration est devenue virale, mais pas dans le sens où Cai l’entendait, et en quelques heures la référence aux « cinq ans » a été supprimée des rapports de presse.

Le COVID zéro a maintenant disparu des déclarations officielles. Les derniers commentaires publics de Xi sur cette politique ont eu lieu lors de la réunion du Politburo du 10 novembre, lorsqu’il a demandé aux membres du Politburo de s’en tenir « résolument » au « Zéro COVID ». Elle n’a pas été mentionnée une seule fois dans le nouveau plan en 10 points annoncé le 7 décembre par la Commission nationale de la santé (CNS) et le mécanisme conjoint de prévention et de contrôle du Conseil des affaires d’État (le cabinet chinois). Il s’agit d’une « volte-face étonnante », comme l’a noté le Financial Times. Mais il est également important de noter qu’il n’y a pas eu d’annonce officielle de la fin de cette politique. Dans le jargon typique du PCC, la politique a été « optimisée ».

Le régime de Xi a substitué une politique désastreuse à une autre. Les déclarations officielles présentent le soudain changement de cap chaotique du régime comme un raffinement fondé sur de prétendus « succès ». Les médias d’État soulignent aujourd’hui la réduction de la gravité de l’Omicron – ce qui n’est guère une nouvelle – alors qu’auparavant ils rapportaient le contraire. Ils saluent le taux de vaccination de 90 %, mais celui-ci a été atteint il y a plus d’un an, et exclut des dizaines de millions de personnes parmi les plus vulnérables.

Tous les facteurs actuellement cités pour justifier le changement soudain de politique étaient présents depuis longtemps, mais le régime de Xi a persisté malgré tout. Il l’a fait en partie pour des raisons politiques, notamment la recherche d’une forme extrême de contrôle social, et comme une arme dans le programme de lutte pour le pouvoir de Xi avant le 20e Congrès (pour cimenter son projet de règne à vie).

Ce qui se passe maintenant est un échec politique massif. Chinaworker.info a constamment critiqué la politique « Zéro COVID » de Xi pour son absence de base scientifique, sa brutalité et sa lourdeur bureaucratique. Les mesures de confinement n’ont pas été utilisées pour gagner du temps afin de remédier aux taux de vaccination trop faibles du pays. Selon le FMI, 375 millions de personnes âgées de plus de 15 ans en Chine n’ont pas encore reçu trois doses, dont plus de 90 millions de personnes âgées de plus de 60 ans. Plutôt que de résoudre la crise du système de santé public, les ressources ont été détournées vers la machinerie gargantuesque des tests, de la quarantaine et de l’application des mesures de confinement. Les vaccins les plus efficaces – étrangers – sont interdits en Chine (sauf pour les étrangers !), dans le cadre de la propagande nationaliste anti-occidentale de Xi.

Selon les données officielles, au 19 novembre, seuls 1,9 million de Chinois ont été infectés par le COVID sur une population de 1,4 milliard d’habitants. Feng Zijian, ancien directeur adjoint du Centre de contrôle et de prévention des maladies, a déclaré qu’il s’attendait à ce que 60 % de la population chinoise soit infectée lors d’une première vague d’infections – ce qui se traduit par 840 millions de nouveaux cas. À terme, jusqu’à 90 % de la population chinoise aura été infectée, selon M. Feng.

Les semaines à venir s’annoncent particulièrement incertaines. Même si de nombreuses villes ont abandonné l’ancienne politique, les confinements sont toujours d’actualité. Shanghai a annoncé la fermeture de toutes ses écoles et de tous ses jardins d’enfants à partir du 19 décembre. Les étudiants universitaires auxquels chinaworker.info a parlé dans différentes villes rapportent que de nombreuses restrictions sont toujours en place.

La politique du PCC en matière de pandémie restera probablement erratique, avec des zigzags et des crises. Sa nouvelle politique fait peser le plus lourd fardeau sur la classe ouvrière et sur le secteur précaire qui comprend 300 millions de travailleurs migrants, sur les travailleurs de la santé et sur la population rurale où les soins de santé publics sont dans un état encore plus délabré. On compte 1,48 médecin et 2,1 infirmières pour 1 000 habitants dans les zones rurales, contre 3,96 médecins et 5,4 infirmières pour 1 000 habitants dans les villes, selon le South China Morning Post (12 décembre 2022).

Il n’est pas exclu que le régime effectue de nouveaux virages à 180 degrés au cours de la prochaine période. Les zigzags politiques font après tout partie de l’ADN du PCC. Si les scénarios les plus pessimistes concernant les décès dus au COVID se réalisent, nous pourrions assister à un nouveau pivot vers des confinements à grande échelle, bien que cela se heurte à des difficultés croissantes. Xi a jusqu’à présent gardé un silence complet sur l’échec du « Zéro COVID », ce qui pourrait le mettre en position de revenir sur la politique actuelle tout en désignant d’autres dirigeants du PCC et les administrations locales comme responsables de cet échec.

D’autres pirouettes politiques sont possibles, comme la mise en œuvre d’une obligation de vaccination pour les personnes âgées – une mesure que le régime a évitée, par crainte d’une opposition importante découlant du bilan effroyable de la Chine en matière de vaccins défectueux bien avant le COVID. Il n’est pas totalement exclu que l’interdiction des vaccins étrangers à ARNm soit levée, en fonction de la gravité de la situation.

Des concessions possibles ?

Le régime de Xi a été contraint de changer de cap sous la pression de masse, mais le nouveau cap est à bien des égards pire que son prédécesseur. Il ne s’agit pas d’une véritable concession et encore moins d’une réforme, au sens d’une amélioration tangible. Il montre à l’importante minorité de la population qui est au courant des manifestations de masse (la plupart des gens ne le savent pas) que la lutte peut obliger la dictature à reculer, au moins partiellement. Les marxistes expliquent l’importance de ce fait comme une leçon cruciale pour les luttes futures. Mais nous expliquons aussi qu’il faut faire plus.

ASI et chinaworker.info ont expliqué que la dictature capitaliste en Chine possède, en règle générale, moins de flexibilité politique qu’un système démocratique bourgeois avec son parlement et ses gouvernements (capitalistes) tournants. Certains défis qui ne mettent pas automatiquement en danger un régime « démocratique » de style occidental, comme l’effondrement de l’autorité d’un gouvernement, peuvent constituer une crise existentielle pour une dictature.

Par exemple, en Grande-Bretagne, l’année dernière a vu une série de gouvernements se désintégrer de manière spectaculaire, ce qui reflète une crise historique du principal parti capitaliste, les Tories. Mais cela n’a pas encore mis à l’ordre du jour l’effondrement du système capitaliste britannique.

Il existe d’autres exemples où les gouvernements capitalistes « démocratiques » manœuvrent avec un degré de liberté qui n’est pas possible dans la même mesure dans un système autoritaire rigide comme en Chine ou actuellement en Iran. C’est pourquoi la classe capitaliste, en règle générale, sauf dans des conditions spécifiques comme celles de la Chine où les relations capitalistes sont historiquement tardives et extrêmement instables, préfère la démocratie bourgeoise à la dictature bourgeoise. Mais même les capitalistes les plus « démocratiques » peuvent se réconcilier avec la dictature si la survie de leur système l’exige.

Les demandes démocratiques, par exemple la demande de syndicats indépendants, ou la liberté d’expression et la suppression des mesures de censure draconiennes, sont combattues bec et ongles par le régime du PCC parce que ces choses mettraient en danger son pouvoir, menaçant de déclencher une réaction en chaîne de perte de contrôle vers la dissolution et l’effondrement. Par conséquent, toute concession en zigzag sera suivie d’une nouvelle répression.

Le PCC n’est pas un parti, c’est l’État. La chute du PCC signifie donc l’effondrement de l’État. C’est la principale raison pour laquelle Xi a décidé qu’il n’avait pas d’autre choix que d’écraser la lutte pour la démocratie à Hong Kong, de peur qu’elle n’atteigne un point où elle déborderait sur la Chine continentale.

Cela ne signifie pas que la dictature ne peut pas faire de concessions lorsqu’elle est sous la pression d’une lutte de masse. En 2010, Pékin a contraint les constructeurs automobiles japonais à accorder des augmentations de salaire de 30 % aux ouvriers de l’automobile dans le Guangdong, afin de mettre fin à une vague de grèves qui commençait également à susciter des revendications en faveur d’un syndicat indépendant. En 2003, face à ce qui était alors la plus grande manifestation de masse jamais organisée à Hong Kong, Pékin a ordonné au gouvernement de Hong Kong d’effectuer une retraite humiliante et d’abandonner son projet de loi sur la sécurité « Article 23 ». Le gouvernement de Hong Kong est tombé – il était remplaçable. Dans le Guangdong, le PCC provincial a également organisé une retraite partielle à propos du village contestataire de Wukan en 2011. Les négociateurs du PCC ont accepté d’autoriser une élection dans le village et la libération des manifestants arrêtés.

Qu’avaient en commun ces concessions ? Premièrement, et surtout, elles ne menaçaient pas fondamentalement le pouvoir et le contrôle de la dictature. Deuxièmement, la partie concédante dans ces exemples n’était pas le gouvernement central mais une agence subordonnée ou une partie extérieure – un futur bouc émissaire. Troisièmement, toutes ces concessions pouvaient être et étaient en fait annulées par de nouvelles attaques contre-révolutionnaires.

Par conséquent, le règne historique du PCC n’est pas entièrement dépourvu de flexibilité politique. Mais celle-ci est beaucoup plus limitée que dans la plupart des régimes capitalistes « démocratiques ». Et cette flexibilité a diminué de façon spectaculaire sous le règne de Xi Jinping. Le « bâton » de la répression est devenu plus gros tandis que la « carotte » des concessions est devenue plus petite. Sous la pression d’un mouvement ou d’une crise potentiellement révolutionnaire, le régime du PCC pourrait faire des promesses et proposer des réformes, auxquelles on ne peut jamais se fier. Ce qu’ils ne feront pas, c’est dissoudre la dictature et le capitalisme. Cette tâche nécessite un mouvement ouvrier de masse avec un programme démocratique et socialiste révolutionnaire.

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Première page de Lutte Socialiste