La lutte pour le climat passe par les investissements dans des transports publics gratuits et de qualité

Le rail était en grève le 5 octobre. Dans la perspective des discussions sur le budget fédéral, les syndicats réclament davantage de moyens pour les chemins de fer belges. Cette grève fut une étape importante pour renforcer le mouvement syndical et une occasion pour lier les revendications des cheminots aux revendications climatiques.

Par Eugenio (Bruxelles) et un cheminot namurois

« Les cheminot.e.s en grève sont les activistes climatiques du 21e siècle »

Ainsi avait déclaré Naomi Klein, fameuse autrice et activiste anticapitaliste. En s’opposant à la casse des services, ils et elles défendent des solutions respectueuses de l’environnement. Les transports constituent plus du 16% des émissions globales de gaz à effet de serre, dont une majorité est dérivée par les transports sur la route (voitures, camions…). Un transport public abordable et de qualité est donc crucial pour réduire les émissions. Cela a été démontré une fois de plus cet été, au milieu des vagues de chaleur historiques qui ont touché la plupart du globe.

En Allemagne, l’introduction pour la période estivale d’un “ticket climat” de 9€ par mois pour tous les transports en commun a engendré une augmentation importante du nombre d’utilisateurs. 1 voyageur sur 5 utilisait les transports en commun pour la première fois et on estime que 10% des voyages en train de cet été auraient autrement été fait en voiture. Ceci a permis d’éviter la production de plus de 1,8 million de tonnes de CO2, équivalant à retirer 1,5 million de voitures de la circulation ou à planter près de 30 millions d’arbres.

Dans l’État espagnol plusieurs lignes de train seront rendues gratuites de septembre jusqu’à la fin de l’année pour soulager la pression de l’augmentation du prix de la vie. Mais l’exemple le plus inspirant reste celui du Grand-Duché du Luxembourg qui a instauré la gratuité totale des transports en commun en 2020. Mais s’il est bien de baisser les prix, ceci n’est pas suffisant pour répondre aux besoins des voyageurs et du personnel. Il est nécessaire d’investir massivement dans la qualité et l’extension des services. Ainsi nous pouvons coupler les revendications du mouvement climatique à la défense des services publics, comme la SNCB.

Le rail belge en crise

Le rail en Belgique souffre aujourd’hui des conséquences de plus de deux décennies d’austérité. Le gouvernement a débloqué des investissements en début de législature, mais n’est jamais revenu sur les coupes budgétaires du gouvernement Michel. Il y a un manque endémique de personnel pour répondre à la demande croissante de passagers. En 20 ans, plus de 10.000 emplois à temps plein ont été perdus aux chemins de fer par exemple, soit une chute du personnel de 30% alors que le nombre de passagers a augmenté de 60%. Comme l’a expliqué Pierre Lejeune, président de la CGSP Cheminots, « Aujourd’hui, on n’a pas les moyens. Clairement, en 9 mois, le nombre d’agents a encore diminué de 600 personnes. Il y a une dégradation du service et des conditions de travail. Le service public ne peut plus être rendu ».

Actuellement, 3,7% des trains prévus sont supprimés, notamment pour cause de manque de personnel. Cependant le gouvernement affirme vouloir augmenter l’offre de 10% et doubler la part modale du train dans les modes de transport de voyageurs d’ici 2040 (de 8% à 15%) et la part de marchandises transportées par rail pour 2030. Pour répondre à cette ambition, la direction d’Infrabel et de la SNCB réclame un investissement de 3,4 milliards sur les 10 prochaines années. Mais elles menacent de se passer dans la même période d’environ 2.000 emplois par rapport aux effectifs actuels. De plus, la SNCB est lourdement impactée par la crise énergétique, en tant que plus gros consommateur d’électricité du pays.

Aucun moyen n’est prévu pour un protocole d’accord social, le dernier datant de 2012, et les négociations sur le prochain contrat de gestion entre la SNCB / Infrabel et le gouvernement patinent. Il est donc nécessaire que les travailleur.euse.s du secteur ripostent pour revendiquer des moyens à la hauteur des besoins. La grève du 5 octobre tombe en plein conclave budgétaire du gouvernement. Mais pour maximiser son impact, il faudra la lier avec les mouvements plus larges qui se développent dans la société avec des revendications d’urgence sociales et climatiques qui touchent les intérêts de toute la classe travailleuse, comme la nationalisation du secteur de l’énergie.

Les cheminot.e.s en première ligne dans la lutte de classe

Les cheminot.e.s jouent un rôle important dans les processus de contestation sociale. Bien que numériquement ils ne représentent pas une couche majoritaire de la classe travailleuse, leur rôle clé dans le fonctionnement de l’économie leur fournit une influence importante. En Belgique et internationalement, ils constituent un des éléments le plus dynamique du mouvement syndical et participent activement aux mouvements qui se développent dans la société.

Au Royaume-Uni, les syndicats des cheminots Aslef et RMT sont en train d’organiser la plus grande vague de grèves des chemins de fer depuis plus de 30 ans. Leurs revendications visant à arracher plus de moyens et de bons salaires ont résonné largement dans la classe travailleuse du pays. De plus, ils ont pu élargir leur combat en participant au lancement de la campagne Enough is enough (trop c’est trop) et en tissant des liens de solidarité avec le mouvement pour le climat. La lutte pour le refinancement des transports publics fait partie intégrante de la lutte contre la vie chère et contre la crise climatique.

La grève du 5 octobre fut importante pour avancer les revendications du personnel du rail, mais ça ne peut pas être un événement isolé. Il sera nécessaire d’augmenter la pression avec un plan d’action qui construit vers la grève générale du 9 novembre et au-delà. La manifestation nationale pour le climat du 23 octobre pourra servir de moment de rencontre du mouvement écologiste et syndical. Ensemble, nous pouvons construire le rapport de force nécessaire pour de réelles victoires et nous attaquer aux intérêts des profiteurs capitalistes qui font des bénéfices sur nos dos.

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