Comment lutter contre Aube Dorée, le FN & Co ?

En Belgique existe l’illusion que le danger de l’extrême-droite est passé. Il est vrai que le Vlaams Belang, dans les sondages, n’atteint plus que les 10% et qu’il peine à faire la une des médias autrement qu’avec les procès intentés par la marque de chaussures Louboutin contre Anke Van dermeersch (sénatrice du VB) qui a utilisé ces chaussures dans une campagne anti-islam… accusée d’être un plagiat par une artiste canadienne. Du côté francophone, l’extrême-droite est complètement invisible. Mais un bref regard porté au-delà de nos frontières suffit pour s’inquiéter.

De l’espace pour l’extrême-droite

L’instabilité politique est en forte hausse dans presque tous les pays européens, ce dont sont capables de profiter diverses forces populistes et d’extrême-droite. Dans une atmosphère d’aversion générale contre les politiciens établis, la tentation est grande de voter pour ceux qui critiquent le plus fortement l’establishment.

Même des formations considérées comme proches de la mort ont réussi à se requinquer électoralement. En France, Marine Le Pen est même en première place pour les élections européennes avec 24% dans les sondages, et elle dépasse les résultats obtenus par son père à son pic lors des élections présidentielles de 2002. Même le Parti du Progrès norvégien, durement frappé par la tuerie de masse commise en 2011 par son ex-membre et ancien responsable jeune d’une de ses sections Anders Behring Breivik, a fait son grand retour sur la scène avec 16,3% aux élections de septembre dernier, avec une participation gouvernementale à la clé.

La progression et/ou le retour des forces d’extrême-droite sont, en comparaison des années ’90, moins liés à des tentatives d’activement mobiliser un soutien avec des manifestations et des actions choc. Il s’agit essentiellement de campagnes électorales, dont l’effet peut également bien vite s’estomper. Mais ces succès renforcent la confiance de groupuscules plus extrêmes. De plus, le contexte de crise économique constitue un sol fertile pour le racisme et l’augmentation de la violence.

Le danger de la violence fasciste

Cela s’est particulièrement exprimé en Grèce, où les néonazis d’Aube Dorée ont célébré leur entrée au Parlement en déployant une violence de rue organisée contre les immigrés et les militants de gauche. Il était prévisible qu’il y aurait des morts à un moment donné, ce qui n’a pas manqué avec l’assassinat du rappeur de gauche Pavlos Fyssas, qui a déclenché des protestations massives contre la violence fasciste. L’Etat grec semble maintenant vouloir faire quelque chose contre la bête immonde fasciste, auparavant tolérée et même soutenue par certaines sections de l’establishment (entre autres parmi la police). Mais malgré le fait qu’il y a du sang sur les mains d’Aube Dorée, ce parti reste le troisième dans les sondages.

Ailleurs en Europe, les néonazis essaient également de s’organiser pour recourir à la violence. Dans cette société où une couche croissante de jeunes sont totalement aliénés, on ne peut pas exclure que des formations comme Aube Dorée rencontrent un certain succès dans d’autres pays. Cela ne signifie toutefois encore pas que le fascisme est à nouveau à nos portes. Mais chaque pas posé en avant par ces forces réactionnaires constitue naturellement un danger, car il s’agit d’une arme servant à rompre l’unité des opprimés, à diviser la classe des travailleurs et donc à affaiblir sa lutte.

Un potentiel pour la gauche

Dans la perspective des élections européennes de 2014, l’attention sera très certainement grande pour les diverses formations d’extrême-droite, de droite populiste ou néofascistes qui renforceront leurs positions au Parlement européen. Mais rien ne permet d’affirmer que cette progression sera stable, il s’agit plus d’une expression de l’effondrement de la confiance envers les partis traditionnels et de la recherche d’une alternative. L’ampleur de l’espace laissé à ces forces réactionnaires s’explique par la période historique qui est derrière nous, par l’héritage de l’offensive néolibérale des années ‘90 qui suivit la chute du Mur de Berlin et par l’impact que cela a eu sur le mouvement des travailleurs. Cet espace peut toutefois être limité en construisant notre propre représentation politique. Dans une ère de crise systémique profonde, faite d’attaques sévères contre nos conditions de vie, la marge pour obtenir des réformes progressistes est limitée. Les forces de gauche sont bien plus rapidement confrontées au choix d’accepter le système capitaliste ou de le combattre dans la perspective d’une alternative socialiste.

Le défi est gigantesque, de même que le nombre de complications qui peuvent survenir. Mais le potentiel de lutte et de renaissance des meilleures traditions du mouvement des travailleurs est encore beaucoup plus grand. C’est ce qu’illustrent les nombreuses actions de grève et les manifestations massives au Sud de l’Europe et ailleurs, de même que les merveilleuses protestations spontanées des écoliers en France suite à l’expulsion d’une collégienne d’origine kosovare et d’un lycéen arménien. Les lycéens sont immédiatement descendus dans les rues par dizaines de milliers.

La meilleure riposte à offrir aux responsables de la politique asociale ainsi qu’à ceux qui en profitent avec leur message de racisme et division est une lutte de masse qui rassemble toutes les victimes du capitalisme.


Comme un chat, l’extrême-droite européenne a neuf vies…

Non, le danger de l’extrême-droite en Europe est loin d’être passé. Petit aperçu.

  • Grèce. Jusqu’il y a peu, c’était le LAOS qui était le principal parti d’extrême-droite du pays. Il entretenait notamment des liens avec le Vlaams Belang. Le LAOS a participé à un gouvernement d’austérité, ce qui l’a électoralement pulvérisé. Après cela, Aube Dorée a pris le relai, allant jusqu’aux 17% dans les sondages juste avant le meurtre de Pavlos Fyssas. Après cet assassinat politique, leur soutien a chuté jusqu’à 8 à 9%, un résultat supérieur au score obtenu aux élections de 2012. Le fait que près de 10% des Grecs désirent voter pour un parti de meurtriers illustre le désespoir à l’œuvre dans le pays, mais aussi le danger représenté par de tels groupes néonazis.
  • France. Le FN a déjà à plusieurs reprises connu des passages à vide, mais l’entreprise familiale des Le Pen est systématiquement parvenue à rebondir. En octobre, le FN a remporté une élection cantonale partielle à Brignoles, et Marine Le Pen flotte à 24% dans les sondages pour les élections européennes, pour la première fois.
  • Pays-Bas. Tout comme en France, la social-démocratie est sanctionnée pour sa politique de casse sociale. Le PvdA néerlandais (parti travailliste) court le risque de perdre deux de ses trois sièges européens. Actuellement, le parti le plus électoralement en forme est le Parti de la Liberté (PVV, droite-populiste) de Geert Wilders. Le parti de gauche SP est toutefois deuxième dans les sondages.
  • Autriche. Aux élections de septembre dernier, le FPÖ d’extrême-droite de HS Strache a fait figure de grand vainqueur avec 21,4%. Le parti a presque réussi à dépasser le parti conservateur ÖVP. De plus, le populiste de droite Stronich a obtenu près de 6% et, bien qu’à l’agonie, le BZÖ – scission du FPÖ – a quand même obtenu 3,5%.
  • Allemagne. En Allemagne, les néonazis du NPD n’ont jamais réalisé de percée. Mais cela ne veut pas dire qu’aucune possibilité ne s’offre à eux. Le parti AfD (Alternative für Deutschland), de droite-populiste, a raté de peu son entrée au Parlement en septembre dernier, le seuil électoral sera peut-être franchi aux élections européennes.
  • Grande Bretagne. Deux dirigeants de l’English Defence League (EDL), dont Tommy Robinson, ont démissionné de leurs fonctions suite à de médiocres résultats électoraux. A leurs côté, le parti de droite populiste UKIP (United Kingdom Independence Party) fait le plein de voix, caracolant actuellement à plus de 10% dans les sondages, au-delà de ce qu’obtiennent encore les Libéraux Démocrates qui partagent le pouvoir avec les conservateurs.
  • Norvège. Durant l’été de 2011, Anders Breivik a choqué le monde entier en massacrant des dizaines de jeunes. Auparavant, le tireur était politiquement actif au Fremskrittpartiet (parti du progrès, extrême-droite). Ce parti a perdu son soutien après le massacre, mais a réussi à faire son retour aux récentes élections. Il est même rentré dans la coalition gouvernementale.
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