Élections générales au Québec : Charest a dégagé, mais la lutte doit continuer !

Mardi dernier, le 4 septembre, les électeurs québécois ont élu le Parti québécois (PQ) pour diriger un gouvernement minoritaire avec Pauline Marois comme première femme Premier Ministre de l’histoire du Québec. Dans la foulée des grèves étudiantes de masse, une victoire du PQ était largement attendue notamment parce que celui-ci promettait d’éliminer la très détestée Loi 78 et de geler les hausses de frais de scolarité prévues par le gouvernement Charest, du Parti Libéral du Québec (PLQ).

Par Joshua H. Koritz, (Socialist Alternative, USA) et Stéphane Delcros.

En Belgique aussi, nous avons besoin d’un tel relais politique pour les luttes des travailleurs et de la jeunesse. C’est pour exprimer la nécessité urgente de ce relais que nous participons à différentes listes électorales qui regroupent des formations politiques de gauche et des militants syndicaux et associatifs comme Gauches Communes à Bruxelles, Front de Gauche à Charleroi et La Louvière, Verts et à gauche (VEGA) à Liège et Rood! en Flandre (comme à Gand et Anvers). Visitez notre page réservée aux élections communales. 

Retrouvez nos précédents articles sur le mouvement étudiant et la situation politique au Québec :

  • Interview d’un étudiant québécois en lutte (dimanche 26 août 2012)
  • Québec : la conscience des masses, en hausse, bientôt appelée aux urnes (dimanche 8 juillet 2012)
  • Québec : Interview d’un organisateur de la grève étudiante (mardi 3 juillet 2012)
  • Bruxelles : Solidarité avec le mouvement de masse au Québec (mercredi 27 juin 2012)
  • Grève étudiante au Québec (mercredi 30 mai 2012)
  • Manifestation de solidarité avec le mouvement des étudiants québécois ! (lundi 28 mai 2012)
  • Luttes étudiantes au Québec contre l’augmentation des frais de scolarité (mercredi 28 mars 2012)

Et visitez le site d’Alternative Socialiste, le part-frère du PSL au Québec : http://alternativesocialiste.org/

Les sondages préélectoraux prédisaient une course très serrée entre le PQ, le PLQ, et la Coalition Avenir Québec (CAQ), mais le PLQ a tout de même créé la surprise de ces élections en remportant 31,2% des voix et seulement 4 sièges de moins que le PQ et ses 31,9% des voix. La courte défaite des libéraux, au pouvoir depuis 2003, comprend néanmoins la perte du siège à Sherbrooke de Jean Charest lui-même, poussant celui-ci à assumer publiquement la défaite de son parti.

Le PLQ a finalement payé son bilan fait d’austérité généralisée, de refus de céder d’un pouce dans sa lutte contre les étudiants pour la hausse des frais de scolarité, et de répression brutale sous couvert de la Loi 78. Mais l’incapacité de ses 2 principaux opposants à se montrer comme de réelles alternatives explique notamment son score élevé. Principal parti du mouvement souverainiste au Québec, le PQ, au pouvoir de 1976 à 1985 et de 1994 à 2003, avait ouvert les bras au mouvement étudiant, mais avait en même temps exprimé son soutien à l’austérité et à la hausse des frais de scolarité. La CAQ, elle, ne se cachait pas pour appuyer la politique libérale consistant à utiliser la police pour faire barrage au mouvement étudiant, et les forcer si nécessaire à retourner en classe.

La CAQ, avec ses 27,1% des voix, remporte seulement 19 sièges, ce qui constitue un échec pour son chef, François Legault, qui voulait incarner la lutte contre la corruption en vigueur parmi les ministres libéraux, via des attributions de contrats à des sociétés contrôlées par la mafia en échange de contributions au financement des campagnes de certains membres du parti. Même si la corruption était le grand sujet discuté durant la (courte) campagne, Legault n’a pas réussi à réellement faire la différence, payant ainsi son absence de cohérence et sa volonté avouée de vouloir pousser encore un peu plus loin la politique d’austérité.

Québec Solidaire, seul parti représentant réellement le mouvement étudiant

Même si le mouvement étudiant en soi n’était pas le sujet de débat lors de la campagne électorale, il est clair que les développements de la première partie de 2012 allaient peser sur ce scrutin. Québec solidaire (QS), le petit parti de gauche créé en 2006, était le seul parti qui portait les revendications du mouvement étudiant dans ces élections, y compris celles de premier plan pour non seulement arrêter les hausses des frais de scolarité, mais aussi pour revendiquer un enseignement supérieur gratuit.

Sur base de ses prises de positions notamment dans le mouvement étudiant, QS s’est construit plus rapidement ces derniers mois, doublant ainsi son nombre de voix, passé de 122.618 (3,78%) en 2008 à 263.233 (6,03%) cette année. La parti a également doublé sa présence au Parlement du Québec, avec l’élection de Françoise David au côté d’Amir Khadir, déjà élu en 2008. A côté de ses deux sièges obtenus lors de ces élections, Québec Solidaire a en plus fait d’assez bons résultats dans plusieurs circonscriptions, terminant parfois en deuxième position, comme à Sainte-Marie-Saint-Jacques et Hochelaga-Maisonneuve. Et, surtout, QS a doublé le nombre de ses effectifs dans la dernière période, le parti comptant maintenant environ 13.000 membres.

Un contexte de lutte des classes

Ces élections se sont déroulées dans le sillage du mouvement de grève étudiante qui a pris fin juste avant les élections, quand les associations étudiantes ont voté une par une le retour en classe. La grève avait commencé le 13 février et avait duré jusqu’en août. Plusieurs manifestations de masses, jusqu’à 400.000 manifestants, se sont opposées à la hausse des frais de scolarité, la marchandisation et la privatisation de l’enseignement qui sont à l’ordre du jour de la classe dirigeante.

La Loi 78 avait assuré la polarisation de la population québécoise, comme le voulait Charest. Cela lui avait assuré un soutien, jusque là en perte de vitesse, de la part des couches plus conservatrices, mais en même temps de nombreuses personnes avaient alors rejoint les rangs de la lutte contre le gouvernement et ses plans d’austérité.

Certains éléments du mouvement ouvrier organisé s’étaient alors engagés aux côtés des étudiants, mais les centrales syndicales elles-mêmes ont malheureusement toujours évité de rallier complètement le mouvement, se contenant de soutiens logistiques à celui-ci. Proches du PQ, les directions syndicales voulaient éviter un mouvement d’ampleur qui aurait mené bien plus loin qu’une contestation étudiante, mettant ainsi également en danger leur allié politique.

Le mouvement étudiant a logiquement perdu de son élan au cours de l’été, tout en continuant les manifs nocturnes des casseroles, extrêmement populaires. Au moment du déclenchement des élections, les étudiants et les couches les plus conscientes parmi les travailleurs étaient pour la plupart très fatigués.

L’aile droite du mouvement étudiant, représentée par les directions de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) et de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), avaient soutenu au sein du mouvement la nécessité de faire une trêve, et avaient assuré leur soutien à leur allié traditionnel, le PQ.

La CLASSE, la plus grande et la plus radicale des associations étudiantes, a été partagée entre une tendance abstentionniste, qui avançait que les solutions pour le mouvement ne peuvent être trouvées dans les élections et que celles-ci devaient donc être ignorées, et les partisans de Québec Solidaire, qui n’ont pas mis une grande pression sur le débat. En conséquence, la CLASSE a ignoré les élections et a appelé à la continuation de la lutte alors que le mouvement s’effondrait.

Le soir des élections, tandis que plus d’un millier de jeunes étaient entassés dans un théâtre pour le meeting de Québec Solidaire, à deux pâtés de maisons se rassemblaient à peine 200 personnes pour une manifestation anti-électorale qui n’a pas rencontré un grand succès.

Après les élections

Ensemble, le PLQ et la CAQ ont plus de sièges que le PQ, et pourrait théoriquement former un gouvernement de coalition ; si les mouvements sont faits dans ce sens, ce serait susceptible de causer un nouveau round pour de nouvelles élections vers le printemps.

Pour la classe dirigeante, ces élections ont permit d’enfoncer le clou dans le cercueil de cette phase de la lutte contre la hausse des frais de scolarité. Les stratégies différentes et l’absence de débat ouvert au sein du mouvement ont causé des divisions sur lesquelles le PLQ a pu jouer dans les négociations au printemps et en été. Les étudiants sont maintenant de retour en classe et, en raison de la loi 78, doivent compresser leur semestre de printemps dans le seul mois de septembre.

Le PQ a d’ores et déjà publiquement annoncé son intention d’abolir la loi 78 et la hausse des frais de scolarité, s’assurant la sympathie de la majorité du mouvement. Malgré tout, le gouvernement Marois va sûrement continuer les politiques d’austérité de ses prédécesseurs. La lutte est loin d’être terminée. Les grèves étudiantes des derniers mois étaient très certainement un aperçu des mouvements plus larges de la classe des travailleurs et des jeunes qui vont secouer la société québécoise au cours des mois et années à venir.

Québec solidaire a maintenant grandi et attire de nombreux étudiants et des jeunes qui ont saisi la campagne électorale comme une façon de continuer la lutte du printemps et de l’été. Cette énergie doit maintenant être utilisée pour pousser QS dans des campagnes de rues contre toutes les mesures d’austérité.

Alternative Socialiste, le parti-frère du PSL au Québec, va continuer à travailler à la construction de Québec Solidaire, en avançant ses revendications et solutions socialistes et en insistant sur la nécessité urgente d’unifier et canaliser la colère des travailleurs et des jeunes pour barrer la route aux intérêts capitalistes et à leurs alliés politiques.

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