Suzanne Wrack : ‘‘Le sentiment qui prévaut est que ça suffit. Les footballeuses entrent en résistance’’

Une journaliste sportive renommée s’exprimera lors de la conférence nationale de la Campagne ROSA et d’EGA

Début février, Suzanne Wrack a été récompensée par l’Association internationale de la presse sportive pour son enquête, en tant que journaliste sportive, sur des abus au sein de la Fédération Afghane de Football. Un an et demi après que Suzanne ait annoncé les abus de l’équipe féminine afghane dans le journal britannique The Guardian, la FIFA a réagi en annonçant l’ouverture d’une enquête. Le 28 mars, Suzanne prendra la parole à la conférence nationale de la Campagne ROSA et d’EGA. Nous lui avons parlé du football féminin, de l’égalité des salaires et du scandale de la fédération afghane de football.

Propos recueillis par Keishia Taylor

La Coupe du monde féminine de l’année dernière a enfin attiré plus d’attention. Il n’y avait pas que le football lui-même, mais aussi la campagne pour l’égalité des salaires et Megan Rapinoe qui a brillé sur le terrain et en dehors. Comment vivez-vous ces évolutions ?

‘‘Ce qui a été si formidable lors de la dernière Coupe du monde, c’est que la grande discussion sur l’égalité des salaires a coïncidé avec l’essor du football féminin lui-même et l’augmentation des investissements qui en a découlé. L’équipe américaine a rompu avec l’idée que, pour l’égalité salariale, il faut générer autant d’argent que l’équipe masculine : après tout, c’est le cas de l’équipe américaine depuis 2015! La question est beaucoup plus idéologique que cela : il s’agit des bénéfices du sommet de la FIFA et d’une pression à la baisse très durable sur les salaires et les conditions de travail des femmes, car cela affecte l’argent qui reste pour elles et les équipes masculines.

‘‘Megan Rapinoe a dit qu’après le tournoi, elle ne se rendrait pas à la Maison Blanche. Cela l’a mise sous les feux de la rampe et lorsqu’il a été annoncé que la somme qui lui serait donnée serait doublée, elle a répondu qu’ils pourraient encore le faire, que cela ne changerait rien. Elle joue clairement un rôle de pionnière et, bien entendu, elle inspire beaucoup de respect avec son jeu. Les gens suivent souvent de près ce que fait leur équipe, y compris leur équipe nationale. Le fait qu’il y ait une pionnière qui s’oppose au sexisme, au racisme,… et qui défend des améliorations positives, c’est donc très important et très puissant.

‘‘Le sentiment qui prévaut est que ça suffit. Comme dans le mouvement féministe mondial, des femmes se soulèvent et résistent’’.

Pensez-vous que les joueurs sont inspirés par d’autres mouvements ?

‘‘Rien n’existe en soi et tout a un contexte. Je pense que les attitudes qui existent dans la société se reflètent dans et à travers le football. Je dirais que Rapinoe regarde certainement d’autres mouvements et s’en inspire. Elle a par exemple mis un genou à terre en référence à Colin Kaepernick (joueur de football américain qui n’a pas hésité à mettre sa carrière en danger pour dénoncer le racisme, NdlR), ce genre de choses. Vis-à-vis d’un phénomène comme #Metoo, je pense qu’il y a une solidarité innée. Rien qu’en jouant au football, les joueuses brisent les stéréotypes et les rôles traditionnels des hommes et des femmes. Ce n’est pas nécessairement un acte politique conscient, mais cela joue tout de même un rôle important.’’

Vous avez introduit #Metoo dans le monde du football afghan. Pouvez-vous nous en parler ?

‘‘J’avais interviewé des Afghanes un an auparavant. En entendant de terribles rumeurs, j’ai contacté les joueuses et le manager de l’équipe, qui m’a mis en contact avec certaines des victimes. En tant que journaliste, c’était formidable de publier une histoire en ayant un effet matériel sur les joueuses, surtout parce que le système juridique ne les aidait pas. Les joueuses étaient très désireuses d’élargir la discussion pour aider d’autres victimes d’abus à se manifester.

‘‘Le football fait partie de la société, il n’en est pas détaché, dans le vide. #Metoo arrive partout, alors l’idée que cela ne serait pas le cas dans le sport est ridicule ! Ces cas ont toujours existé, mais il y a maintenant plus de confiance pour parler de ces questions et une prise de conscience croissante concernant les droits des femmes, ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas.’’

>> Infos pratiques et programme de l’après-midi de discussion online du 28 mars

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