Archives de la lutte des classes. Les luttes dans les foyers SONACOTRA à Paris

En 1956, en pleine guerre d’Algérie, les autorités françaises ont créé la SONACOTRAL (Société Nationale de Construction de logements pour les Travailleurs Algériens) pour tenter de régler le problème de l’habitat insalubre des travailleurs originaires d’Algérie (environ 150.000 tra¬vailleurs) qui vivaient dans des bidonvilles autour de Paris.

Par Guy Van Sinoy

Loger, mais aussi surveiller…

L’objectif n’était pas seulement de loger ces travailleurs, mais aussi de les surveiller de près, car une lutte sanglante (près de 4.000 morts) opposait les militants du MNA(1) à ceux du FLN(2). L’enjeu de cette lutte fratricide portait surtout sur la récolte des cotisations destinées à l’achat d’armes pour les maquis en Algérie. En 1962, à l’indépendance de l’Algérie, la SONACOTRAL change de nom et devient la SONACOTRA qui s’est occupée de loger non seulement des travailleurs algériens, mais aussi de nombreux travailleurs venus de l’ex-empire colonial français(3).

Mai 68 a boosté la combativité et la conscience politique dans les foyers

La grève générale spontanée de Mai 1968, qui a paralysé la France pendant plusieurs semaines, a constitué un puissant accélérateur de la prise de conscience politique dans la jeunesse mais aussi chez les travailleurs immigrés qui vivaient dans les foyers. En 1974, 4.000 sans-papiers se réunirent dans la salle de la Mutualité pour dénoncer les mesures répressives du ministre de l’intérieur Raymond Marcellin. De 1975 à 1980, de nombreuses grèves des loyers sont menées par les résidents SONACOTRA contre les hausses de loyer (30% de hausse !).

Élever la conscience politique des travailleurs africains

La grève générale spontanée de Mai 1968, qui a paralysé la France pendant plusieurs semaines, a constitué un puissant accélérateur de la prise de conscience politique dans la jeunesse mais aussi chez les travailleurs immigrés qui vivaient dans les foyers. En 1974, 4.000 sans-papiers se réunirent dans la salle de la Mutualité pour dénoncer les mesures répressives du ministre de l’intérieur Raymond Marcellin. De 1975 à 1980, de nombreuses grèves des loyers sont menées par les résidents SONACOTRA contre les hausses de loyer (30% de hausse !).

Plusieurs organisations révolutionnaires nées au lendemain de l’année 1968 se sont tournées vers un travail d’agitation politique dans les foyers SONACOTRA. Les maoïstes de La Cause du Peuple, par exemple, pensaient que la combativité et la conscience politique étaient plus élevées chez les travailleurs les plus exploités, c’est-à-dire les immigrés. Fausse piste, car, d’une manière générale, le niveau de conscience n’est pas directement lié au taux d’exploitation.

Comment échapper au contrôle policier ?

La police française travaillait (et travaille encore) main dans la main avec la police de ses anciennes colonies en Afrique subsaharienne. Il était donc vital d’échapper aux contrôles policiers à Paris. Pour diffuser les tracts, plusieurs techniques étaient utilisées. Choisir, par exemple, des cinémas habituellement fréquentés par les travailleurs africains, se lever un peu avant la fin du film et profiter de la semi-obscurité pour balancer dans la salle, depuis le balcon, des poignées de tracts. A la sortie du cinéma, il était impossible de distinguer les militants diffuseurs de tracts des autres spectateurs qui sortaient avec un tract à la main.

Dans les métros, la diffusion se déroulait de la façon suivante. Trois militants montaient dans une voiture de la rame de métro : l’un à l’avant, l’autre à l’arrière et le troisième au milieu. Pendant que le troisième surveillait ce qui se passait dans la voiture, les deux premiers distribuaient les tracts aux voyageurs africains. À chaque station, le trio changeait de voiture et, au bout de quelques stations, tous les voyageurs africains de la rame de métro avaient reçu le tract. Toutes ces péripéties sont relatées dans le livre « Mamadou m’a dit, les luttes des foyers, Révolution Afrique, Africa Fête. » (4)

L’expérience de cette lutte a eu un impact sur les mouvements ultérieurs tels que ceux des personnes sans-papiers, en particulier concernant leur auto-organisation. La lutte de 1975 à 1980 a abouti à des concessions limitées. La société de logement subsiste toujours, sans plus être réservée aux travailleurs d’origine africaine.

1) MNA : Mouvement national algérien, fondé par le dirigeant historique indépendantiste Messali Hadj.
2) FLN : Front de Libération nationale, qui a déclenché le lutte armée en 1954.
3) Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Gabon, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Togo,
4) Ed. Syllepse, Paris 2008.

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