Avec son programme de contre-réformes, intitulé Agenda 2010, quand le chancelier Gerhardt Schröder (SPD) débuta sa deuxième législature, il entra dans l’histoire comme le plus grand pillard d’acquis sociaux depuis la 2e Guerre Mondiale. Durant les six années du gouvernement rouge-vert, tout est passé à la trappe: les malades, les travailleurs, les chômeurs,… tout, sauf les entrepreneurs. La mobilisation de masse fut la réponse faite au gouvernement. Aujourd’hui, l’Allemagne a atteint de nouveaux records: il y a maintenant 5 millions de chômeurs. A première vue, le gouvernement semble avoir réalisé ses objectifs, avec le soutien bénévole de l’opposition de droite. Mais les années de résistance ont laissé leurs traces et, avec l’apparition du WASG (Wahlalternative – Arbeit und soziale Gerechtigkeit; Alternative électorale – Emploi et Justice Sociale), le mouvement social a trouvé son expression politique, qui dit vouloir rompre avec la politique antisociale.
Jan Croe
C’est dans les luttes et manifestations contre l’Agenda 2010 en novembre 2003 (100 000 manifestants) et en avril 2004 (500 000 manifestants) que le WASG a vu le jour. Des dirigeants syndicaux de ver.di (syndicat des fonctionnaires) et de IG-Metall ont conclu que les possibilités pour que le gouvernement rouge-vert change de cap et adopte une politique sociale étaient devenues tout simplement irréalistes. Tandis que la direction de la DGB (la coupole syndicale allemande) tente toujours à l’heure actuelle de maintenir les liens avec la social-démocratie, le SPD, les syndicalistes à l’origine du WASG revendiquent la fin de ces bavardages.
L’attraction envers le mouvement fut importante. Trois mois déjà après sa mise-sur-pied, la création d’une septantaine de groupes régionaux était planifiée dans toute l’Allemagne. Quand la nouvelle formation s’est présentée pour la première fois aux élections, en Rhénanie du Nord, elle a obtenu un résultat honorable: 2,2 pc. Dans ces mêmes élections, le SPD de Schröder a subit une défaite historique après 39 ans au gouvernement: la dernière coalition rouge-verte dans un gouvernement local fut renvoyée dans l’opposition. Cette situation devenait intenable pour Schröder et les social-démocrates qui se sont vu contraints de prévoir des élections fédérales anticipées en septembre.
A ce sujet, au sein du WASG, des discussions et des luttes sont en cours sur l’attitude à adopter. Le résultat de ces discussions sera essentiel pour le futur développement de cette nouvelle formation.
Le Keynesianisme comme alternative?
Quand le programme du WASG fut adopté lors d’une journée de rencontre nationale au début du mois de mai de cette année-ci, le coeur de millions de gens s’est mis à battre plus fort. Le programme public visait à la création de centaines de milliers d’emplois, à l’extension des services publics, à des augmentations de salaire, à plus de charges pour les entrepreneurs; à l’introduction d’un salaire minimum, ou encore la réduction du temps de travail, le droit à la grève politique et générale,… Avec ce programme le WASG formulait les revendications correctes et nécessaires face à l’offensive du capital.
Selon le programme du WASG le problème principal du développement économique est la faiblesse du marché intérieur. En mettant en avant que la démocratisation de l’économie stimulerait le pouvoir d’achat des masses, le WASG, en avançant ces idées, crée l’illusion que la crise structurelle du capitalisme peut être surmontée au sein du capitalisme même. Tant que les secteurs clefs de l’économie ne sont pas dans la propriété collective et sous le contrôle démocratique de la population, les conditions de salaire et de travail ne seront jamais certaines.
Si la question de la propriété privée des moyens de production reste sans réponse, le WASG ne sera pas capable dans le futur de présenter au mouvement des solutions adéquates aux problèmes tels que les menaces de délocalisation. Cette faiblesse programmatique trouve son représentant au sein du WASG avec le Keynesien (c-à-d partisant d’une intervention de l’état bourgeois dans l’économie pour résoudre tous les problèmes) notoire Oskar Lafontaine.
Lafontaine
Depuis l’ère de Schröder, Oskar Lafontaine est connu comme une personne éminente à gauche, et très certainement depuis sa démission du SPD quand ce parti s’est clairement orienté vers l’application de l’Agenda 2010. Il est vu comme un sérieux adversaire au chancelier en place. En plus, le SPD a parcouru divers virages à droite, dus, entre autre au changement de la composition sociale des membres. Mais Lafontaine est aussi l’auteur de la disparition de milliers d’emplois dans l’industrie de l’acier en tant que premier ministre et en tant que ministre des finances à travers le programme „Payer des allocations de chômage uniquement aux nécessiteux“.
Il a bien mis en scène son retrait de la social-démocratie. Grâce à cela, il a fait en sorte que toute l’attention soit orientée vers lui et la nouvelle formation. Cela a donné au WASG une dynamique énorme, ce qui s’est exprimé tant dans les résultats électoraux que dans la croissance des adhésions. Selon la direction nationale du WASG, le nombre de membres a crû de 4000 à 6000 ces trois derniers mois, et cette tendance continue. Mais l’adhésion de Lafontaine à la nouvelle formation renforce surtout l’ailé modérée autour de Klaus Ernst et le reste de la direction du WASG.
Quand Lafontaine a proposé sa candidature au WASG, il a mis une condition: le WASG devrait s’allier avec le PDS selon l’exemple de la coalition olivier (coalition des post-communistes, verts et autres forces à gauche, qui dans différents gouvernements locaux ont collaborés aux coupes d’austérité) en Italie.
Le WASG et le Linkspartei/PDS
Le PDS est l’ancien parti stalinien, dirigé par Gregor Gysi. Depuis la chute du mur de Berlin, les virages à droite continuels constituent l’histoire de ce parti. Repositionné à droite, et incapable de tirer les leçons de leur passé stalinien, ce parti a participé à deux gouvernements locaux en Allemagne de l’Est avec le SPD, unis dans une politique de régression sociale et de privatisation.
Le WASG est né en opposition à la politique du PDS. Malgré cela, la direction du WASG s’est déclarée d’accord avec la candidature commune entre le WASG et le PDS. Ainsi, dans les élections fédérales du 18 septembre, les membres du WASG vont se présenter sur les listes du Linkspartei (Parti de Gauche), le nouveau nom du PDS. La justification des deux directions du parti est l’idée de „mettre sur pied un nouveau projet de gauche“ dans les deux années à venir. De plus, cette alliance risque d’écraser le WASG, relativement faible face à l’appareil du PDS (60 000 membres). Cela doit être évité, car il est important que le WASG maintienne son propre profil indépendant, combatif et que le WASG mène sa propre campagne électorale distincte.
Le programme électoral du nouveau Linkspartei, élaboré par les deux directions du parti, contient différentes concessions du WASG au PDS. La proposition du PDS d’améliorer le programme Arbeitslosengeld II (le programme de réforme sur les allocations pour les chômeurs) et les statuts des Ein-Euro-Jobs (les jobs à un euro) peut encore être combattue par la direction du WASG. Le WASG rétorquait en effet qu’il fallait se battre pour la supression de Hartz IV (un autre programme de contre-réformes) et les Ein-Euro-Jobs. Mais d’autres parties du programme, dans lesquelles le PDS revendique la création des secteurs d’emplois à bas salaires demeurent incontestés par la direction nationale du WASG. En faisant cela, elle va à l’encontre des principes fondamentaux du WASG, qui refuse de manière conséquente les emplois sous-payé. D’autres points du programme aussi divergent du manifeste électoral et signifient un virage à droite prononcé.
Dangers et occasions
Selon les sondages, jusque 25 pc des électrices et électeurs envisagent de voter pour le Linkspartei. Si ces pronostics se vérifient, cela signifiera qu’il deviendra d’un coup la troisième force politique au Bundestag. Mais la question qui se présente pour nous, c’est de savoir ce que ce parti fera avec ce potentiel pour être à la hauteur des attentes des travailleurs.
La revendication portée par le WASG d’une redistribution de haut en bas est une déclaration de guerre aux grands propriétaires des banques et des grandes entreprises qui ne veulent que des profits toujours plus grands. Afin de pouvoir appliquer cela, il est nécessaire de construire un rapport de force. Si le patronat veut s’attaquer à nos conditions de salaire et de travail, nous devons pouvoir toucher à leurs profits. Cela ne peut pas être le résultat d’une résistance parlementaire, mais de la résistance socio-économique à travers l’arme de la grève dans les entreprises. C’est pourquoi le WASG doit s’orienter vers les lieux de travail et intervenir dans les luttes des travailleurs. Les revendications – qui créent des attentes – ne peuvent être remplies que si le WASG base et organise sa lutte pour les réformes sur la résistance extraparlementaire.
Les marxistes au sein du Linkspartei
Le SAV (la section soeur du MAS en Allemagne) milite pour la construction d’un nouveau parti des travailleurs. Si nos camarades mettent en avant qu’un tel parti doit adopter un programme clairement socialiste, cette revendication n’encombre pas le chemin vers une collaboration constructive et solidaire. Par conséquent, le SAV a soutenu la création et la construction du WASG dès le début. Pour que le potentiel soit pleinement exploité, la nouvelle formation devrait s’ouvrir à tous les militants et offrir des structures larges et pluralistes. Vu que la présence les différentes forces politiques au sein du WASG enrichissent les expériences et les traditions, des questions sur la théorie et la pratique doivent être ouvertement débattues.
Cela comprend donc aussi les questions sur le Keynésianisme ou le Socialisme. Evitant la discussion en profondeur, une future décision du comité national du WASG devrait prévoir l’incompatibilité d’être socialiste et membre du WASG. C’est un exemple du fonctionnement de haut en bas, preuve d’un manque de démocratie dans le WASG. L’entrée de Lafontaine et du PDS a renforcé la position de la droite au sein du WASG. Cependant, une pression de la base pour un virage à gauche ne peut être exclue. C’est pourqoui nos camarades au sein du Linkspartei défendent une orientation voulant organiser ces millions d’électeurs interessés par l’initiative. Afin d’avoir une base active pour réaliser cela, nous mettons en avant la création de sections jeunes. Ainsi, nous pensons renforcer le potentiel qui existe pour les marxistes dans de tels groupes larges.
Le succès du WASG et du Linkspartei, en tant que projet pour la construction d’une alternative aux partis du démantèlement social, de la destruction d’emplois et des privatisations n’est pas garanti. Le manque d’enthousiasme et d’initiative de la direction se voit notamment par les difficultés faites à nos camarades, mais il faut continuer la lutte pour des structures démocratiques.