[Interview] « Il n’y a jamais eu une telle grève chez Lidl »

Le magasin de Deurne Nord. Photo : socialisme.be

Ce samedi, c’était le quatrième jour de grève à Lidl. Les négociations de la veille ont abouti à une proposition de la direction rejetée par le SETCa / BBTK. Les deux autres syndicats veulent défendre la proposition. Hier, plus de 100 magasins avaient encore portes closes. Parmi le personnel, la colère gronde depuis un certain temps maintenant. Nous en avons discuté hier avec un délégué sydcial de Lidl à Anvers.

Interview réalisée par Luc (Anvers)

Avant-hier, les négociations ont échoué. Quelle est la situation aujourd’hui ?

« En ce moment, nous faisons le tour de tous les magasins pour informer nos collègues. Avec plus de 100 magasins fermés aujourd’hui, il est clair que nous allons continuer. Les négociations sont bloquées sur notre demande de 42 heures supplémentaires par semaine à allouer immédiatement à chaque magasin, ce qui est une mesure urgente. La direction ne veut l’autoriser que pour une période temporaire de six mois et, dans l’intervalle, entamer des négociations sur une nouvelle convention collective de travail (CCT). Sans nouvelle CCT après 6 mois, les 42 heures supplémentaires seront perdues et nous nous nous retrouverons à nouveau avec rien. Nous voulons que ces 42 heures par magasin/semaine soient permanentes. Ensuite, la pression pour conclure une convention collective de travail saine incombera à la direction et non aux syndicats. Dans le pire des cas, nous aurons toujours ces 42 heures. »

Le porte-parole de Lidl s’est déclaré “amer” suite au rejet de l’accord. Il estime que l’accord était bon et qu’il comprenait même plus que ce que les syndicats demandaient.

« Ils ont fait beaucoup de promesses mais, avec des promesses, nous n’en sommes nulle part. Lidl a déjà promis tant de choses pour faire face à la pression du travail, mais rien n’arrive jamais. L’année dernière, par exemple, l’entreprise a envoyé un courriel à tous les employés pour leur dire que, après les consultations avec les syndicats, il était devenu évident que la charge de travail posait problème et que cela allait être réglé. Rien n’a été fait. Dans les faits, ils nous promettent des choses depuis deux ans. J’ai tout un dossier remplis de points d’action et de plans de la direction pour faire face à la charge de travail. Mais rien n’a encore été réalisé.”

Comment la grève a-t-elle commencé ? Elle semble s’être développée en grande partie spontanément ?

« Il y a quelques semaines, une grève a éclaté dans un magasin d’Oostkamp après le licenciement d’un directeur des ventes. La problématique de la charge de travail a également été posée. La CSC a lané un préavis de grève pour l’ensemble du groupe Lidl. Des consultations ont eu lieu mercredi dernier mais, une fois de plus, la direction n’a pas été plus loin que les promesses de s’en prendre à la charge de travail. Pour couronner le tout, la direction voulait aussi parler de prolongation des heures d’ouverture et d’ouverture le dimanche.

« A ce moment, un certain nombre de magasins se sont mis en grève presque immédiatement. Quelques magasins étaient bien préparés et se sont mis en grève immédiatement après la consultation. Le personnel de nombreux autres sites s’est joint spontanément au mouvement. C’est aussi la force de la grève. On a pu voir où les syndicats sont plus présents, mais dans beaucoup d’endroits, la grève a commencé spontanément de bas en haut, sans que la délégation syndicale ait beaucoup de contrôle sur elle.

« Dans la région d’Anvers, où je travaille, c’est parfois plus difficile en raison de la rotation et de la composition du personnel. Parfois, je dois commencer par expliquer ce qu’est un syndicat. Mais je reçois aussi des appels de collègues qui me demandent s’ils peuvent fermer leur filiale. En considérant que les directeurs de filliale et la direction répandent beaucoup de mensonges et que des menaces de sanctions existe, on se rend compte que cette vague de grèves est vraiment forte.

« Cette grève est déjà historique. Jamais auparavant Lidl n’avait fait grève à une telle échelle. Dans de nombreux magasins, les collègues ont spontanément pris l’initiative de se joindre au mouvement de grève. Les pressions sont toutefois nombreuses de la part de la direction et des directeurs de filliale. Localement, il y a des menaces de licenciement, de délocalisation, etc. Hier, dans certaines filiales, il a été dit qu’il ne fallait pas faire grève puisque des négociations étaient en cours. Cela a été officiellement contredit, mais il est clair qu’il y a une stratégie derrière ces allégations. Pour de nombreux collègues, ce n’est pas facile de s’opposer à leur direction, mais ils le font.”

Quelles sont les prochaines étapes ?

« En ce moment, c’est plutôt chaotique. Aujourd’hui, nous informons le plus grand nombre possible de collègues sur l’état des lieux. Une certaine confusion existe et parfois des doutes, parce que les dirigeants syndicaux ne sont pas du même avis. Certains pensent qu’il vaudrait mieux accepter la proposition de la direction parce que c’est quelque chose de concret à avoir et que sinon nous courons le risque de nous retrouver les mains vides. En même temps, la prise de conscience que ce n’est pas une véritable solution se développe.

« Le défi est maintenant, avant tout, de faire du lundi une grande journée d’action où le plus grand nombre possible de magasins resteront fermés. Tous les magasins ne seront peut-être pas en grève, mais les actions vont s’étendre.”

La concurrence dans le secteur de la distribution est féroce. Fin de l’année dernière, il y a eu l’annonce d’une restructuration chez Carrefour, et cela été le cas chez Delhaize. Comment situes-tu ce problème dans son contexte ?

« Oui, Lidl veut concurrencer Delhaize, Carrefour,…. Lidl est passé d’un hard discounter à des magasins avec une gamme plus large : avec des marques, sa propre boulangerie, un plus vaste rayon frais,… Tout exige de prendre plus de temps, mais nous devons tout faire avec le même nombre de collègues, voire même moins. Nous devons travailler plus et plus intensément pour recevoir moins d’argent.

« En ce moment, Aldi connaît une forte progression. Il y a de bonnes chances que Lidl soit rattrapé ou dépassé dans la compétition. De cette telle manière, nous sommes aux prises avec une spirale infernale où la pression ne cesse d’augmenter sur nos épaules afin de protéger les profits. Il est important d’y faire face.

J’imagine que des mesures gouvernementales comme la Loi Peeters ne sont pas particulièrement utiles non plus.

« Nous travaillons déjà de manière extrêmement flexible. Une grande partie des mesures introduites par Peters étaient déjà en vigueur depuis un certain temps. Un problème particulier pour nous est l’extension des emplois flexibles au commerce et la facilitation du travail de nuit pour le commerce électronique. Le commerce électronique est actuellement très limité chez Lidl, mais il peut avoir un impact énorme sur nos conditions de travail. Sans parler des pensions. Presque personne chez Lidl n’a un contrat à temps plein. Les conséquences pour nos pensions seront désastreuses si les projets du gouvernement sont effectivement mis en œuvre.

Comment penses-tu que des avancées peuvent être arrachées ?

« Tout d’abord, il est important que nous gagnions cette bataille et ainsi, à court terme, de gagner ces 42 heures de manière permanente. Cela ne sera possible que si nous sommes en mesure d’étendre les actions ce lundi. En fait, j’avais espéré que d’autres enseignes rejoignent la lutte, mais ce n’est malheureusement pas le cas. Mais si nous voulons contrecarrer la concurrence actuelle dans le secteur de la distribution, ce sera la voie à suivre et nous devons étendre la lutte à l’ensemble du secteur.”

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