Règlement anti-mendicité à Namur : rétrospective de deux mois de lutte

Suite à la décision du 29 juin du Collège communal de Namur de voter un règlement interdisant la mendicité (pourtant dépénalisée en 1993), dans le centre de Namur et dans certaines rues de Saint-Servais, Bouge et Salzinnes, de nombreuses manifestations citoyennes se sont appropriées la place publique pour scander leur mécontentement. Les collectifs citoyens ont mis sous pression la majorité communale par divers moyens d’action tout au long du mois de juillet et d’août, jusqu’à interpeller le Collège communal lors du Conseil communal de rentrée du 7 septembre 2017. Cet article revient sur deux mois de luttes intensives contre l’hypocrisie d’une majorité en mal de légitimité politique.

Par Alexis(Namur)

La création du rapport de force et les véritables moyens de lutte se trouvent dans la rue en militant et en conscientisant les citoyens !

Rappelons-le, de nombreuses actions ont eu lieu à Namur depuis le vote surprise du Conseil communal le 29 juin dernier. Une action sit-in sur la place d’Armes avait attiré les regards et poussé le bourgmestre empêché de l’époque, Maxime Prévot, à organiser une rencontre avec les troublions (voir notre rapport d’action « Namur : la majorité communale sous pression populaire après l’interdiction de la mendicité LIEN DANS ARTICLE https://fr.socialisme.be/31933/namur-interdiction-mendicite »). De nombreuses autres actions ont maintenu la pression sur la majorité : le 11 juillet, près de 100 personnes s’étaient rassemblées devant le parlement wallon afin de scander leur désaccord avec le règlement. Le 12 juillet, une action mendicité pour récolter des fonds afin d’imprimer des tracts et produire des tee-shirts permit une nouvelle initiative le 15 juillet au marché de Namur, couplée d’une pétition. Au festival Esperanzah, celle-ci recueilli pas moins de mille signatures. Parallèlement, un squat fut ouvert le dimanche 13 août en réponse à la fermeture annuelle de l’abris de nuit (voir plus bas).

Entre-temps, nos camarades aidèrent à la rédaction d’une lettre appelant à la convocation d’un Conseil communal d’urgence, retournant l’arsenal législatif de l’état bourgeois contre lui-même. Cette lettre se diffusa largement dans les médias (l’Avenir édition du 05/08/2017 et La Libre édition du 08/08/2017) et accentua un peu plus la pression sur le Collège de la ville de Namur. Aussi, ils tinrent informer le service indépendant de lutte contre la discrimination, UNIA, afin qu’un avis juridique favorable soit rendu sur la question. Résultat : le règlement ne fut pour ainsi dire pas appliqué durant toute sa période de mise en vigueur (du 30 juin au 30 septembre) mais n’a pas pour autant été abrogé.

Les partis traditionnels tentent de récupérer les arguments de la rue à leur profit durant la rentrée politique du Conseil communal du 7 septembre

Le règlement n’ayant pas été abrogé, une membre du collectif des Mendiants d’Humanité fit une interpellation citoyenne en son nom propre, demandant l’abrogation pure et simple, en reprenant les arguments issus de la lettre diffusée dans la presse, et remit une pétition de 3000 signatures dans les mains de Maxime Prévot.

En réponse, le bourgmestre s’est présenté comme un défenseur de « ceux qui n’osent pas parler » au risque de se faire lyncher par les « biens pensants ». A nouveau, Maxime Prévot s’érige en chantre et protecteur des commerçants, assurant que seulement 22 plaintes avaient été déposées pour juillet. Il affirma que le règlement avait pour utilité d’envoyer un signal aux mendiants afin de limiter leur afflux. Ainsi, l’interdiction pure et simple de la mendicité, sans négociations, provient d’une volonté de garder les indigents au-dehors de la ville et de permettre la bonne marche des commerces.

Maxime Prévot s’est ensuite présenté comme bouclier des plus pauvres en rappelant que la Ville de Namur était munie d’un important dispositif de lutte contre la pauvreté : abris de nuit, CPAS, relais santé et kyrielle d’organisations subsidiées par les pouvoirs publiques. Or, monsieur Prévot occulte totalement la participation de son parti à l’appauvrissement et l’exclusion de la majeure partie de la population par une politique d’austérité soutenue annoncée par le nouveau gouvernement régional MR-CDH (chasse aux chômeurs, « rationalisation des institutions publiques » ,…). Pire, en s’enorgueillissant du « dispositif de lutte contre la pauvreté », le CDH confond gestion de la crise capitaliste par la charité et la véritable résolution de la crise. Sortie qui n’est possible que par une sortie du capitalisme. Cette résolution n’est possible que par la réappropriation de l’instrument de travail par les travailleurs, au profit des besoins réels de la majorité, par une politique massive de construction de logements publics et non par une distribution de soupes chaudes entre midi et minuit.

L’échevine de la cohésion sociale, Mm. Scquailquin (CDH), osa même de se vanter d’avoir proposé la mise en place des groupes de travail mendiants/autorités communales, alors que cette ouverture provint des collectifs présents lors de la réunion du 10 juillet à Namur. De plus, ces rencontres n’autorisent même pas la présence d’organisations non étatiques et n’offrent aucune transparence sur leur fonctionnement ou sur les travaux menés. Elle enfonce le clou en assurant que ces groupes permettront de travailler sur un nouveau règlement prenant en compte « les besoins de chacun ». Admettant dès lors la volonté de la majorité de réglementer la mendicité en utilisant la « légitimité » des groupes de travail.

Quelques communications honteuses ont aussi été faites depuis les bancs de l’opposition. Le conseiller communal, Fabian Martin (PS) a tendu la main à ses amis du CDH, en demandant la mise en place de comités élargis pour aborder les questions de la précarité et de la mendicité, l’ouverture durant toute l’année de l’abris de nuit et l’abrogation du règlement anti-mendicité. Il est nécessaire de signaler que la plupart des règlements contre la mendicité ont été mis en place sous des mayorats socialistes (les signatures de M. Magnette à Charleroi et de M. Demeyer à Liège en attestent). De plus, pourquoi ces groupes de travail et l’ouverture ininterrompue de l’abris de nuit n’ont pas été concoctées durant les précédentes législatures socialistes ? Mystère.

Et pourtant, le collège communal recule. L’abris de nuit sera définitivement ouvert toute l’année et le règlement est momentanément suspendu jusqu’à ce qu’ « un équilibre soit trouvé ».

L’ouverture d’un squat en autogestion, une expérience éclairante

Le 13 août, une partie du collectif de lutte contre le règlement anti-mendicité décida d’une action coup de poing durant les vacances du bourgmestre Maxime Prévot, en confisquant un bâtiment privé pour palier la fermeture annuelle de l’abris de nuit. Vu la saturation de l’abris durant sa période d’ouverture et la quantité de bâtiments vides dans les villes malgré une crise du logement, ce type d’action eu pas mal de succès.

Les risques inhérents à une action coup de poing sont, d’une part, le risque de retourner l’opinion publique contre le travail de conscientisation politique mené par les acteurs favorables à un changement. Et d’autre part, le risque d’induire une logique de sortie des politiques sociales, permettant à l’état bourgeois de se déresponsabiliser en abandonnant les soins et l’aide publique aux plus démunis au profit d’acteurs privés.

Le PSL est ouvert quant aux méthodes à utiliser. Une initiative choque, coordonnée avec d’autres actions partout dans le pays, englobant l’ensemble de la question du logement pourrait jouer un rôle important. Ce type d’action serait même révolutionnaire si à côté de cela, des conseils s’organisaient autour d’un mode de gestion démocratique et participatif, assurant la gestion des bâtiments avec un gouvernement soutenant une politique socialiste.

La commune de Namur aurait sa part à jouer si elle utilisait le rare arsenal législatif à finalité sociale existant. La loi Onkelinx de 1993 permet au Bourgmestre d’établir un inventaire des bâtiments vides sur le territoire de la commune et, par lui suite, de mettre en demeure un bâtiment inoccupé depuis au moins 6 mois afin de le réaffecter, par le biais d’une décision du président du CPAS. Bien entendu, malgré que l’abri de nuit soit comble tous les soirs, il n’y a eu aucun débat sur une possible réaffectation des bâtiments inoccupés. Et pourtant, rien qu’à Namur près de 300 kots sont vides chaque année. Une belle escroquerie pour faire monter les loyers grâce à la loi de l’offre et la demande.

Ensemble, avec les syndicats et toutes les forces de gauche, lors de nos actions de rue ou grâce au droit d’interpellation citoyen, nous pouvons argumenter en faveur de la réquisition, tout en dénonçant les monopoles immobilier qui se constituent sous nos yeux. Il est temps de constituer un rapport de force contre les magnats de l’immobilier qui privatisent les villes (A Namur Thibaut Bouvier possède à lui seul : 450 kots, 150 appartements ) et l’inaction des autorités communales.

Bien que l’expérience de l’ouverture d’un squat à Namur n’ait pas prit cette direction, elle permit de maintenir un débat social dans l’actualité namuroise, ainsi que d’accentuer la pression sur les partis traditionnels. Le « Squat Léopold » a depuis été honteusement évacué par la Ville à la demande du propriétaire privé du bâtiment Besix. En réaction, un autre squat c’est donc réouvert, avec le même objectif, dans le quartier de Bommel. La réouverture de l’abris de nuit et la suspension du règlement ont démontré que la mobilisation avait eu un impact indiscutable.

A l’heure de la mondialisation, la lutte contre la pauvreté est un phénomène global et nécessite une réponse internationale. Les actions doivent être concertées à une grande et petite échelle. C’est pour cette raison que le Parti Socialiste de Lutte est membre à part entière du Comité pour l’Internationale Ouvrière. Nous pensons qu’une coordination de toutes les luttes au travers de tous les pays permettra de renverser le capitalisme et d’organiser une économie planifiée répondant aux besoins de tous.

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