Ecole d’été du CIO – Europe: Développement de la crise économique, sociale et politique

Cette crise est la plus sévère depuis des décennies et la nouvelle génération qui participe maintenant aux luttes arrive au moment des mobilisations de masse en Tunisie, en Égypte, en Espagne, en Grèce,… Cette nouvelle génération peut aujourd’hui écrire l’histoire. Aucun pays d’Europe n’est pas affecté par ces évènements.

Résumé de l’introduction à la discussion de Peter Taaffe

La période que nous connaissons est faite de changements abrupts. Dans tâches qui, avant, se concevaient sur quelques années se produisent maintenant en quelques semaines, voire en quelques jours.

Aujourd’hui, la Grande-Bretagne n’est pas le pays le plus avancé sur le terrain de la lutte des classes, mais ce qui se produit avec Rupert Murdoch intéresse les masses, et la situation est certainement plus profonde qu’au moment du Watergate aux USA à la fin des années ’60. Ce scandale touche le plus grand géant des médias au monde, et éclabousse le monde politique, il met à nu la conspiration capitaliste qui uni les médias, les politiciens et les grands patrons. Cela a bien entendu toujours existé mais, là, ce fait est démontré au grand jour, aux yeux de tous les britanniques et ailleurs. Cela peut entraîner la chute de l’empire Murdoch, mais aussi celui du gouvernement Cameron. Murdoch n’a même pas de considération pour son propre système. Il a dit au Parlement britannique que son modèle est celui de Singapour, un pays où la répression envers le mouvement ouvrier est très grande, et le salaire d’un parlementaire de un million de livres par an. C’est une véritable provocation. Murdoch a aussi été impliqué dans la surveillance de nos camarades à l’époque de la lutte contre la Poll Tax en Grande Bretagne, ainsi que dans la campagne contre le militant de gauche radicale écossais Tommy Sheridan.

Le point le plus important de cette discussion, c’est la crise économique. Les bourgeois craignent énormément la généralisation de la situation de la Grèce, de l’Espagne,… à tous les pays d’Europe. Ces évènements valident une fois de plus la théorie de la Révolution Permanente du révolutionnaire russe Léon Trotsky. Nous avons vu les événements passer très vite d’un pays à l’autre. Nous aborderons le Moyen Orient et l’Afrique du Nord dans une autre discussion, mais il est clair que cela a influencé et enthousiasmé les luttes à travers le globe. Et alors que certains affirmaient que la lutte de classe n’existait pas en Israël, nous assistons maintenant à des luttes et à des occupations de place en Israël également. (Depuis lors, quelque 150.000 employés municipaux israéliens ont été en grève, en solidarité avec la contestation contre l’explosion des prix des logements. Le pays vient de connaître les plus grosses mobilisations de son histoire, NDT).

Il n’y a pas de voie de sortie aisée pour la crise des capitalistes, et des mouvements tel que celui des Indignés ne vont pas stopper maintenant. La politique de la bourgeoisie n’a jusqu’à présent pas marché du tout. Les injections de liquidités ont pu stabiliser la situation, sans créer les conditions pour un nouveau développement sain. Obama avait comparé cela au débat avec le new deal de Roosvelt, mais ses injections n’ont eu pour but que de sauver les institutions financières et bancaires, alors que le New Deal était composé d’un minimum d’investissements dans l’économie réelle (infrastructure,…). Là, les plans de sauvetage ont entraîné des plans de licenciements un peu partout, ce qui a amplifié les problèmes.

Cette crise n’est pas cyclique, elle est systémique. C’est le système lui-même qui est en crise. Bien sûr, il n’y a pas de crise finale du capitalisme tant que la classe ouvrière ne prendra pas le pouvoir. Le capitalisme trouvera toujours un moyen de sortie sans cela, y compris vers un scénario ‘‘à la Mad Max’’, comme on peut le voir actuellement au Mexique avec la ‘‘guerre de la drogue’’.

Ce qu’on voit aujourd’hui en Grèce avec la destruction des conditions de vie sans que la situation ne s’améliore doit servir de modèle pour la classe ouvrière des autres pays: le capitalisme n’a rien d’autre à nous offrir.

Plusieurs données permettent de voir que nous sommes dans une situation pire que dans les années ’30. Certains économistes disent d’ailleurs que le modèle à prendre en compte aujourd’hui n’est pas la crise des années ’30, mais la grande dépression de la fin du XVIIIe siècle. Certains salaires ont été descendus jusqu’à 600 voir 500 euros par mois.

Aujourd’hui, la Grèce illustre le mieux la crise et le potentiel pour la classe ouvrière. On dit qu’il y a une rémission depuis 2009 au niveau économique, le problème, c’est que personne ne l’a remarqué, et certainement pas la classe ouvrière ! Partout en Europe, cette dernière subit des attaques. La production industrielle a à peine augmenté de 0,4% en Grande Bretagne, de 0,2% en France, et elle décroit en Grèce ou en Espagne. L’Allemagne constitue une exception, elle a encore une bonne base industrielle, et en termes de machines et d’outils, la Chine est une bonne destination pour les exportations, mais la Chine peut s’enfoncer dans la crise. Il n’existe aucune source de stabilité. Le capitalisme mondial va très certainement expérimenter une nouvelle chute de l’économie. Après avoir un peu remonté, la chute sera dure, et c’est déjà ce qu’expérimentent plusieurs pays européens.

La dette mondiale est de 2,6 fois le PIB mondial, soit deux fois plus qu’après la crise de 29. Au niveau de l’emploi, on est face à un chômage de masse de longue durée. Aux USA, le nombre de chômeurs actuels est bien plus important que dans les années ’30 (en pourcentage, officiellement 10%, plus probablement 20%). Dans certains pays, comme l’Espagne, le taux de chômage chez les jeunes atteint les 40%. Même en grande Bretagne, on estime qu’il y a 800.000 travailleurs qui n’ont pas travaillé depuis au moins un an. Dans les entreprises, c’est l’occasion d’une offensive pour les patrons. Une entreprise a ainsi licencié tous ses travailleurs, pour les réengager de suite avec de moins bonnes conditions de travail. Un hôpital où nous avons des camarades, en Angleterre, connaît des contrats ‘‘O heures’’, où c’est le patron qui décide du nombre d’heurs de travail.

Les bourgeois n’ont qu’une réponse: augmenter l’austérité et planifier la pauvreté. Le phénomène de l’appauvrissement constant de la classe ouvrière de Marx se vérifie. Marx n’a jamais dit que c’était linéaire, il reconnaissait que c’était possible pour la classe ouvrière de voir ses conditions de vie s’améliorer avec une croissance économique, mais que la tendance générale était à l’appauvrissement.

La tendance générale est à l’inflation, avec une tendance à la hausse des prix de l’alimentation et du pétrole, ce qui alimente la colère des masses. La situation de paquets de stimulants, de plans de relance, vont accélérer cela, et l’on risque de se retrouver dans une situation de stagflation, où la stagnation économique se conjugue à une grande inflation.

La Grèce est actuellement le maillon le plus faible du capitalisme européen, mais c’est l’avant-garde du mouvement ouvrier en Europe. Il y a eu 11 grèves générales depuis le début de la crise, et la jeunesse s’implique massivement. Au Portugal, il y a eu une manifestation de plus de 200.000 personnes sous le slogan ‘‘ce pays n’est pas un pays pour les jeunes’’, ça aurait été mieux s’ils avaient parlé du système, bien sûr, mais c’est un pas en avant. Le mouvement des indignés est clairement inspiré par les révolutions en Afrique du Nord et au Moyen Orient. La Grèce connaît pas mal d’éléments d’une situation prérévolutionnaire. L’Espagne et le Portugal aussi, mais peut-être pas à ce point. Pour l’Irlande, qui est en dépression constante, cela est moins le cas. La conscience des masses n’est pas gravée dans les esprits, elle découle de la situation générale, et des sauts de conscience sont à prévoir.

Dans ce contexte, les opportunités qui s’offrent aux révolutionnaires marxistes vont augmenter. Nos camarades, partout dans le monde, ont préservé un noyau, un parti international qui va pouvoir sérieusement démontrer ce dont il est capable dans la période à venir. L’Irlande est un exemple de ce que nous pouvons faire quand la situation s’ouvre, avec les initiatives que nous avons prises, notamment autour de l’ULA (United Left Alliance, liste de gauche que nous avons initiée, et qui a remporté cinq élus aux dernières élections, dont deux de nos camarades, NDT). Comparons cela au NPA en France, ou au Bloco au Portugal. Durant des années, nous avons été à contre courant, c’était difficile mais, maintenant, la situation s’ouvre. La Grande Bretagne n’est pas immunisée à ce processus. En février, 750.000 personnes ont défilé dans les rues de Londres, et la grève du secteur public en juin était la plus grande depuis 20 ans. Même en Chine, l’augmentation des révoltes de masse pose la question de la révolution, mais dans un sens général et pas encore directement, dans un contexte de répression gigantesque. En Grèce aussi, la répression est aussi énorme. La facture de gaz lacrymogènes doit au moins être aussi grande que la dette du pays!

Trotsky décrivait les bourgeois comme des gens aveugles, s’avançant vers le précipice. On est dans cette situation aujourd’hui, la bourgeoisie ne sait pas quoi faire. Les partis traditionnels bourgeois sont en crise profonde, ce qui affecte aussi les dirigeants syndicaux. Aujourd’hui, du point de vue social, pas encore politique, les masses sont massivement à gauche des organisations de gauche. Quand les politiciens bourgeois parlent de la crise de l’idéologie, c’est la crise de leur idéologie, mais le problème est qu’il n’y a pas encore d’alternative. En Grèce, 80% des sondés d’une étude ont dit que la société va dans le mauvais sens, mais 47% disent qu’aucun parti ne les représente.

Mais même dans le pays le plus calme d’Europe, la Norvège, l’extrême droite peut faire des choses, comme nous l’avons vu avec les attentats d’Oslo. Il en va de même pour Marine Le Pen, qui a même apporté son soutien à la jeune immigrée victime de l’agression de DSK. Elle a aussi attaqué les syndicats, qui ne défendent plus les travailleurs selon elle. Cela veut dire que l’extrême-droite doit avoir un fort contenu social pour être capable de capitaliser sur la situation, et c’est en soi une indication intéressante, qui illustre la nécessité de construire de nouveaux partis larges pour représenter la classe des travailleurs, tout en défendant fermement les idées du socialisme.

Le rejet de la politique dans le mouvement des Indignés, c’est le rejet de la politique bourgeoise. Des groupes de gauche radicale se sont cachés pour intervenir dans le mouvement, et ont stoppé de se présenter comme des organisations politiques, une attitude opportuniste. Cette haine est profonde, mais aussi saine dans le sens où elle s’exprime contre les politiciens, y compris des anciens partis de gauche, et contre les dirigeants syndicaux. Il fallait construire là dessus. Nous sommes toujours ouvertement intervenus, sans connaître de rejet complet, mais bien des difficultés.

Pour la suite, le mouvement ne peut pas exister sans appui réel de la classe ouvrière. Le mouvement de la classe ouvrière ne va pas se développer de manière linéaire. Il y aura des défaites, des retraits, et une organisation révolutionnaire est également testée à sa manière de gérer les reculs. Il peut y avoir des éléments de désespoir dans la jeunesse aujourd’hui, certainement dans une situation de chômage de masse. ‘‘Soit on se bat, soit on s’enfuit.’’ Une partie de la jeunesse en Espagne ou en Grèce essaye d’ailleurs d’émigrer, mais dans une période de crise généralisée et globale, l’émigration ne constitue pas une véritable alternative.

Concernant le défaut de paiement de la Grèce, c’est une discussion que nous avons depuis un moment au CIO. La classe capitaliste européenne fonce contre la classe capitaliste grecque. Dans la crise de l’Argentine, le choc entre les masses et l’élite a été très rapide. Le président s’est enfui en hélicoptère, un peu comme la fuite de Saigon en ‘75. Des éléments similaires peuvent se produire. L’Argentine était un des principaux pays dirigeants de l’Amérique latine, maintenant, ce n’est plus rien. Cette crise de la dette grecque est une crise d’une monnaie qui a refusé une fiscalité unique. Certains disaient que l’euro allait conduire à une sorte d’Etats-Unis d’Europe. Il est clair que les Etats capitalistes ont besoin d’être organisés collectivement, la production actuelle s’organise au moins à l’échelle d’un continent. Mais seule la classe ouvrière est capable d’organiser l’Europe sur une base socialiste et démocratique. Les contradictions entrent les différentes bourgeoisies nationales sont trop fortes.

Il reste encore la question de l’environnement, qui est une part importante de nos actions, comme nous l’avons vu en Allemagne avec le mouvement contre le nucléaire ou ‘‘Stuttgart 21’’. Cette question est destinée à devenir plus importante. Nous avons beaucoup de chiffres sur les conditions de production de voiture en Chine par exemple, en 2018, la Chine se retrouverait à produire autant que le reste du monde en 2000.

En France, la situation est plus calme. Sarkozy peut être battu par Hollande ou Aubry, et on a suggéré un moment qu’il aurait pu être dépassé au premier tour par Marine Le Pen, c’est une expression du chaos politique, un phénomène qui ne touche pas que la France. En Belgique, il n’y a toujours pas de gouvernement réel, mais toujours le gouvernement en affaires courantes. La question nationale est à l’avant-plan de la scène politique, ce que l’on a également pu voir sous l’effet de la crise en Pays basque ou en Écosse. Même en Italie, les forces contestant l’unification italienne se développent. Nous ne sommes pas opposés à la séparation. Mais nous ne devons pas mettre ça en avant tant que ce ne soient les masses qui le fassent.

Cette période est une période clé pour le CIO. La classe ouvrière entre en action, une nouvelle génération entre en action, c’est à nous de les aider à tirer les leçons des victoires et des défaites du passés, tout en étant réalistes sur les possibilités actuelles. Avec les 30 dernières années d’ossification et de destruction des organisations du mouvement ouvrier, il faudra des années pour reconstruire la conscience suffisante pour clairement engager l’assaut contre le capitalisme.

Aujourd’hui, 3 multinationales contrôlent 90% du commerce international de grains et 500 milliardaires dominent la planète. La misère et la pauvreté ne peuvent être stoppées sans lutter contre ce système pourri. Il en va aussi de l’intérêt de notre environnement. La lutte pour le socialisme et une économie démocratiquement planifiée est une nécessité de la plus haute importance. Sans cela, le genre humain va au devant d’une grande catastrophe.

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