La note de De Wever: Une attaque contre tous les travailleurs et les allocataires sociaux du pays

Les jeux politiques et les guerres de communication occupent les politiciens traditionnels depuis déjà des mois, et la note de ‘‘clarificateur’’ soumise par Bart De Wever a constitué un nouveau point culminant. Cette note n’a pas rapproché les différentes positions et a été écartée comme une tentative de constituer un front flamand, ce à quoi a contribué la critique dramatique des partis francophones qui a poussé l’union entre Ecolo et Groen à la fracture. Plus fondamentalement, cette note est surtout une provocation pour tous les travailleurs et allocataires sociaux du pays.

Par Geert Cool

La danse aux chiffres : De Wever nous avait presque piégés

Jusqu’à présent, le gouvernement fédéral perçoit les impôts sur les personnes physiques (IPP) selon un tarif progressif où les contributions augmentent en fonction du revenu, c’est sur base de cela que les communautés et les régions reçoivent des dotations. La note de De Wever veut changer cela et faire passer 45% de la perception de l’impôt aux régions. Selon la note, ceux qui payent aujourd’hui 40% d’IPP sur leur revenu annuel paieraient désormais 22% au gouvernement fédéral et 18% directement à la région, ceux qui payent 30% paieraient alors 16,5% au fédéral et 13,5% à la région. Selon Bart De Wever, la Flandre gagnerait ainsi 5 millions d’euros, Bruxelles 80 millions et la Wallonie perdrait 90 millions. Mais De Wever a ‘oublié’ que les revenus, et donc aussi le taux d’impôt, est plus élevé en Flandre. En réalité, la Wallonie perdrait des centaines de millions d’euros.

A propos de la crise communautaire, quelques articles

La Question Nationale en Belgique: Une réponse des travailleurs est nécessaire

En novembre 2005, le PSL (qui s’appelait encore alors le Mouvement pour une Alternative Socialiste) avait consacré une Conférence Nationale à la question communautaire. Depuis lors, plusieurs évènements ont confirmé l’analyse qui y avait été faite et qui est à la base de cette brochure. A travers différents chapitres abordant le marxisme et la question nationale, l’histoire de la Belgique et le développement de la question nationale, etc., nous arrivons à un programme consacré à cette question et basé sur la nécessité de l’unité des travailleurs contre la politique de "diviser pour mieux régner" de la classe dirigeante.

  • Préface
  • Le marxisme et la question nationale
  • Un mot sur l’historiographie belge
  • Développement de la question nationale en Belgique
  • La question nationale à Bruxelles
  • La Communauté germanophone
  • Les réformes d’Etats
  • Quel est le programme défendu par PSL/LSP ?

DE LA SÉCURITÉ SOCIALE À LA CHARITÉ RÉGIONALE

La note contient une énumération de compétences à régionaliser mais une partie de l’agenda néolibéral est également dévoilé. De Wever plaide pour ‘‘une politique plus économe et plus responsabilisante’’. Par cela, il n’entend pas s’attaquer aux cadeaux fiscaux tels que la Déduction des intérêts notionnels. Il pense à notre sécurité sociale. La note veut “une sécurité sociale pour les pauvres, et pas des pauvres”. En bref, un système de charité largement régionalisé à la place d’une sécurité sociale basée sur des contributions de nos salaires. Avec la charité flamande aux mains de la N-VA, les partisans de l’organisation patronale flamande VOKA, les frites seront sans carbonnade pour ceux qui dépendent d’une allocation…

La sécurité sociale comprend différents aspects : soins de santé, pensions, allocations de chômage, allocations familiales, accidents de travail, maladies professionnelles et, enfin, congé annuel. Aujourd’hui, ces éléments sont financés par des contributions prélevées sur nos salaires. Même si une partie s’appelle contribution patronale et l’autre contribution de travailleur, tout cela provient de nos salaires. La N-VA veut briser ce lien, entre autres concernant les allocations familiales et les soins de santé. Attention, l’idée est toujours que ce soit à nous de payer, mais de manière plus indirecte afin de moins nous inciter à revendiquer notre mot à dire.

Plusieurs éléments de la sécurité sociale sont déjà scindés, mais Bart De Wever veut aller plus loin et subdiviser la sécurité sociale afin d’en régionaliser de gros morceaux au niveau des soins de santé, de la politique du marché de l’emploi, des allocations familiales et même du payement d’une partie des contributions à la sécurité sociale. De Wever veut transférer les moyens et les compétences concernant les allocations familiales aux communautés et, à Bruxelles, à la Commission Communautaire Commune (COCOM). Cela signifie qu’il pourrait y avoir des différences entre les allocations familiales flamandes et wallonnes, et que les ministres flamands et wallons doivent co-décider du montant des allocations familiales à Bruxelles. On flaire de suite l’habile tentative destinée à éviter de renforcer la région bruxelloise.

CONSTRUIRE UN SECTEUR À BAS SALAIRES AU NIVEAU RÉGIONAL

En Allemagne, 20% des travailleurs travaillent pour moins de 10 euros l’heure. L’idée derrière l’organisation en Belgique d’une mise en concurrence des différentes régions est de rattraper notre retard sur ce plan. C’est pourquoi De Wever propose, entre autres, de régionaliser les diminutions de contribution à la sécurité sociale, les diminutions de charges salariales ainsi que l’activation des chômeurs et des bénéficiaires du revenu d’intégration (l’ancien minimex).

Cela signifierait que le financement et l’attribution des droits actuels accordés par la sécurité sociale seraient différents par région. Les diminutions de contributions à la sécurité sociale dépendraient du lieu de travail, ce qui aurait pour conséquence de mettre en concurrence la Flandre, la Wallonie et Bruxelles.

Selon le programme de la N-VA, l’activation des chômeurs et des bénéficiaires d’un revenu d’intégration est nécessaire afin de durement s’en prendre à ceux ‘‘qui se prélassent dans le hamac de la sécurité sociale’’. Mais la note de De Wever ne parlait pas de limitation dans le temps des allocations de chômage, ce qui a de suite été présenté comme une ‘‘concession’’. Il reste toutefois possible d’appliquer une telle mesure dans le cadre de la ‘‘responsabilisation’’ sur le plan régional.

Autre ‘‘concession’’: il n’est pas proposé de régionaliser l’impôt sur les entreprises, mais les régions pourraient introduire des déductions d’impôt pour les entreprises. Dans une prochaine phase une ‘‘harmonisation’’ des compétences pourrait proposer de régionaliser le tout.

RÉGIONALISER LE TOUT? ET BRUXELLES?

La liste des compétences que De Wever veut régionaliser au niveau de la justice, de la jeunesse, de la politique économique, de l’aménagement du territoire,… est très longue. La note de De Wever parle à ce sujet plusieurs fois ‘‘d’Etats fédérés’’, un nouveau terme dans notre pays. Ces propositions conduisent à des situations compliquées. Un néerlandophone qui vit à Bruxelles devrait ainsi suivre ses cours de conduite à la Communauté Flamande, recevoir un permis de conduire fédéral et aller au contrôle technique dépendant de la Région Bruxelloise.

Bruxelles et sa périphérie constituent un problème insoluble pour les nationalistes flamands. Ils font régulièrement de grandes déclarations à propos du caractère flamand de la périphérie même si, dans certaines communes, 80% des gens votent pour des partis francophones. Trouver un bourgmestre acceptable pour les nationalistes flamands dans ces conditions relève du tour de force… La note repousse le problème des bourgmestres non-nommés vers le Conseil d’Etat afin d’éviter qu’un ministre flamand de la N-VA ne doive nommer un bourgmestre francophone.

La N-VA propose de scissionner BHV tout de suite avec la possibilité pour les habitants des six communes à facilités de voter pour les listes présentées dans la Région de Bruxelles. Les facilités accordées aux francophones sont interprétées de façon minimale, ils devraient formellement demander, à chaque contact, de communiquer en français. A Bruxelles, par contre, la N-VA veut fortement promouvoir le bilinguisme. La note n’aborde pas la question des besoins financiers de la capitale.


Derrière la bagarre communautaire, une unité néolibérale

Le PS s’en est pris à la note de De Wever avec son ton dramatique habituel (même si Paul Magnette, du PS, a déclaré que cette note comprenait 90% du texte du préformateur Elio Di Rupo…) Il n’a pas fallu longtemps avant que la ‘‘provocation inacceptable’’ ne devienne une proposition soumise à une vingtaine d’amendements.

Tant le SP.a que Groen et le CD&V suivent complètement la logique de la N-VA. Mais, du côté francophone, les partis traditionnels eux aussi se gardent bien de parler des assainissements à venir, qui se comptent en milliards. Tous les partis s’accordent pour emballer une politique d’austérité dans les plis d’une réforme d’Etat. Conséquence ? Tous les travailleurs et allocataires sociaux du pays sont touchés. ‘‘Nous allons tous transpirer’’, a ainsi reconnu Franck Vandenbroucke (SP.a).

En soi, la crise politique et le manque de confiance envers les différents partis n’est pas un élément neuf. Nous nous trouvons en pleine crise politique depuis 2007. Mais à la différence de 2007, notre pays ne fait aujourd’hui plus figure d’exception: les instruments politiques traditionnels de la bourgeoisie ont une autorité minée et ils se voient contestés par des forces petites-bourgeoises et populistes, ce qui renforce l’instabilité. L’actuelle crise de régime peut conduire à une plus grande polarisation et radicalisation, certainement sans réponse de la part du mouvement ouvrier. Cette crise peut encore durer un temps mais, finalement, la bourgeoisie aura besoin d’un gouvernement qui applique une politique d’austérité similaire à celle des pays voisins.

Un accord reste possible. Malgré les réactions théâtrales du PS et les répliques tout aussi dramatiques de De Wever, ils comprennent bien que sur le plan néolibéral, tous les partenaires veulent aller assez loin. Faute d’accord, de nouvelles élections seraient à l’ordre du jour, mais cela ne constituerait pas non plus une solution à la crise de régime.

La grande différence avec la crise de régime en France réside dans le rôle actif du mouvement ouvrier français. Chez nous, les directions syndicales s’en tiennent à un silence discret, comme si cette discussion était séparée du mouvement ouvrier alors que notre sécurité sociale acquise de haute lutte est mise sous pression. Il est urgent d’avoir une réponse syndicale face à l’unité néolibérale qui se cache derrière la bagarre communautaire, ce à quoi se combine la nécessité d’un instrument politique.

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