USA. L’horreur de l’ouragan Harvey aggravée par le capitalisme

Photo : Flickr.com/myfwcmedia

L’ouragan Harvey est une tragédie historique affectant des millions de personnes. Socialist Alternative (qui regroupe les partisans du Comité pour une Internationale Ouvrière aux Etats-Unis) souhaite exprimer sa plus profonde solidarité envers tous ceux qui ont perdu des êtres chers ou leur maison et qui seront confrontés à de nombreuses difficultés lors des semaines à venir.

Par Brian Harrison, Ramy Khalil et Patrick Ayers, Socialist Alternative (CIO-USA)

Houston, la quatrième plus grande ville des États-Unis, dont la population dépasse les six millions de personnes, a été dévastée par les averses inédites. Selon Democracy Now, Harvey est la plus grande tempête de l’histoire des États-Unis. Au moment où nous écrivons cet article, le décès d’au moins 47 personnes a été confirmé, et beaucoup d’autres craignaient de périr noyées dans leur voiture ou leur maison submergée par les eaux. Au moins 100.000 foyers ont été détruits, selon le conseiller de la Sécurité intérieure Tom Bossert. Des dizaines de milliers de personnes ont cherché des abris temporaires et beaucoup d’autres cherchent encore un refuge.

Un demi-million de voitures sont considérées comme totalement perdues. Les écoles ont repoussé la date de début des cours de plusieurs semaines et certaines écoles n’ouvriront même pas du tout. Dans la région, seuls 20% des gens disposent d’une assurance contre les inondations et même ce programme est gravement sous-financé et devra être renouvelé par le Congrès en septembre.

L’ouragan Harvey et ses inondations constituent une catastrophe naturelle considérablement empirée par le capitalisme. Deux réservoirs âgés de 80 ans, chroniquement sous-entretenus par les gouvernements, débordent complètement, inondant de nombreuses maisons qui auraient autrement été épargnées par la pluie. Les investissements n’ont pas non plus suivi dans les usines chimiques avec pour conséquences la fuite de produits chimiques dangereux dans l’eau qui provoquent explosions et incendies. Dans la ville de Crosby, les inondations ont provoqué l’explosion d’une usine de peroxyde et le PDG a jusqu’ici refusé de fournir la moindre d’information. Les résidents de quartiers proches de raffineries de pétrole et d’usine chimiques ont signalé des odeurs étranges. Un toxicologue du Fonds de défense de l’environnement ‘‘s’attend à ce qu’un million de kilos de produits chimiques toxiques soient déversés autour de Houston, à la suite de la tempête et des inondations. Beaucoup d’entre eux sont cancérigènes’’ (National Public Radio, 30 août 2017).

La réponse inadéquate du gouvernement

Lorsque les eaux ont piégé les gens dans leurs maisons, il est devenu évident que les efforts de sauvetage des organismes gouvernementaux et à but non lucratif étaient terriblement insuffisants. Toute la garde nationale du Texas n’a été appelée que plusieurs jours après le début de la catastrophe. Les autorités ont même échoué à fournir suffisamment de lits pour les évacués, en s’appuyant plutôt sur la générosité des Houstoniens ordinaires moins touchés par la tempête.

Des milliers de travailleurs sont spontanément allé aider leurs voisins à sortir de la crue des eaux. L’effusion massive de solidarité a vraiment été impressionnante. Le New York Times a ainsi signalé que ‘‘les bateaux à moteur, les jet-skis et les bateaux de pêche se sont précipités à l’aide des personnes piégées dans leurs maisons. Il s’agissait de soudeurs, de couvreurs, de mécaniciens et de pêcheurs avec shorts et ponchos. La classe ouvrière, en grande partie, a été sauvée par la classe ouvrière.’’

Au fur et à mesure que l’ampleur de la crise se révèle au grand jour, l’envie d’entrer en action risque bien de croître. La première préoccupation sera de s’assurer que les personnes de la côte du Golfe – toutes les personnes, en particulier les plus vulnérables – obtiennent l’aide dont elles ont besoin pour survivre et reconstruire leur vie. C’est la classe ouvrière, les personnes de couleur et les personnes âgées – qui n’ont souvent pas les moyens immédiats d’évacuer ou de reconstruire leur vie – qui souffrent le plus.

Tous les survivants méritent une dignité et un soutien adéquat pour réussir les prochains jours et mois. Le souvenir de Katrina, du Superdome, de l’occupation raciste de la Nouvelle-Orléans et des camps de la FEMA (Agence fédérale de gestion des urgences) est encore dans la conscience de notre pays. Nous ne pouvons pas autoriser un autre effort injuste de reconstruction comme après Katrina.

Plus de 100 milliards de dollars ont été consacrés à Katrina dans des secours en cas de catastrophe fédérale, et ce n’était pas suffisant. Les gens vivaient toujours dans les remorques de FEMA dix ans plus tard. Après des procès, plus de 40 milliards de dollars ont été versés à 55.000 personnes de Louisiane, du Texas, de l’Alabama et du Mississippi parce que ces remorques s’avéraient toxiques !

Nous ne devrions pas croire que Trump, les républicains, les démocrates ou les entreprises américaines répondront aux besoins des travailleurs, des personnes de couleur et de tous ceux qui sont affectés par cette tragédie. Sans aucun doute, le Congrès adoptera certaines mesures d’urgence. Mais les travailleurs devront exercer une pression massive sur le gouvernement pour exiger que toutes les personnes touchées reçoivent toute l’aide nécessaire.

Nous devons exiger chaque dollar nécessaire pour aider les travailleurs à revenir à la vie normale le plus rapidement possible. Nous devons également exiger un programme de travaux publics massifs payé par les taxes sur les riches pour reconstruire les barrages, les réservoirs, les routes, les ponts et d’autres parties importantes de l’infrastructure de la région détruites dans la tempête – et pour s’assurer que tout est construit pour résister aux futures intenses tempêtes.

À maintes reprises, lorsque des catastrophes frappent le monde entier, ce sont des gens qui ont ouvert leurs portefeuilles et leurs maisons tandis que les plus riches ne bougent pas. Pire encore, l’histoire montre également que nombreux sont ceux parmi les plus nantis qui exploitent les crises pour leur propre profit. Les rapports indiquent que les promoteurs immobiliers et les investisseurs regardent déjà la destruction de l’ouragan Harvey comme une immense opportunité, alléchés par les millions de dollars qui seront nécessaires à la reconstruction.

Le gouvernement américain dominé par les entreprises a des antécédents de faiblesses bureaucratiques grotesques face aux situations d’urgence. Pour ces raisons, il est nécessaire que les personnes touchées par cette tempête disposent de leur mot à dire dans la manière dont l’aide est allouée. Il nous faut créer des comités démocratiques dotés d’un véritable pouvoir décisionnel et de ressources suffisantes pour garantir que l’aide se dirige vers là où on en a besoin. L’histoire montre que la mobilisation active des travailleurs et des opprimés ainsi que les manifestations de masse sont les moyens les plus importants de garantir que la quantité totale d’aide nécessaire soit concrètement fournie.

Comment cela aurait-il pu être évité ?

Une discussion a également commencé sur la façon dont de telles catastrophes peuvent être évitées à l’avenir. De toute évidence, insuffisamment de moyen ont été prévus pour faire face à un tel ouragan, en dépit des nombreux avertissements des climatologues. L’absence de sérieuse réglementation concernant la pollution et les émissions de gaz à effet de serre – sous la pression des entreprises du secteur des énergies fossiles et de celui des automobiles – se trouve derrière la panne de notre climat. Bien que le changement climatique n’ait pas provoqué nécessairement cet ouragan spécifique, il a créé des océans plus chauds et une planète plus chaude entraine plus de vapeur d’eau dans l’air et des pluies plus intenses. Le changement climatique cause directement des ouragans plus puissants et destucteurs.

L’administration Trump et les républicains au Congrès se sont complètement opposés à la résolution du problème climatique. Trump a retiré les États-Unis de l’accord sur le climat de Paris et a effacé toute mention du changement climatique de nombreux sites Web du gouvernement. Quelques jours avant l’explosion de l’ouragan, Trump a abrogé les règlements sur les projets de construction conçus pour aider les villes à faire face aux inondations causées par les changements climatiques.

Les grandes entreprises pétrolières bloquent toute discussion ou action significative sur le climat. Les produits pétroliers représentent la plus grande part des exportations de Houston. Mais les retombées environnementales des dommages causés aux installations chimiques et aux raffineries dans la région pourraient être catastrophiques.

Nous pouvons bien entendu nous attendre à ce que les dirigeants d’entreprises résistent à toute tentative de leur faire payer la crise qu’ils ont créée, que ce soit par des taxes, des amendes ou des législations plus restrictives. Trop c’est trop. Nous devons mettre fin à leurs pratiques égoïstes.

Sérieusement changer la situation actuelle signifie d’exproprier et de nationaliser le secteur énergétique sous contrôle et gestion démocratiques afin que les moyens du secteur puissent être orientés vers la protection de l’environnement et la transition rapide de l’économie vers les énergies renouvelables, avec de justes compensations pour les travailleurs du secteur des énergies fossiles et leur reconversion avec de bons emplois.

Un autre facteur clé a été la façon dont les politiciens établis à Houston des partis républicain et démocrate ont déréglementé le développement économique ces dernières décennies. Leur politique immobilière a coulé sous le béton d’énormes pans de terres, ne laissant la pluie aller nulle part ailleurs que dans les maisons. Le Dr Phil Bedient, professeur d’ingénierie civile et environnementale à l’Université de Rice, a expliqué que de nombreux développements ont été construits sans suffisamment de terrains ouverts ou de zones de détention pour absorber les eaux de crue. ‘‘Nous savons comment nous y prendre depuis des années, il ne manque que les moyens de le faire’’ (NY Times).

En 2015, le Houston Chronicle a examiné un échantillon de permis délivrés aux promoteurs immobiliers et a constaté que plus de la moitié de ces derniers n’avaient pas suivi les directives américaines concernant la destruction des zones humides (NY Times).

Le Dr Robert Bullard a expliqué à Democracy Now: « Eh bien, en réalité, Houston était une catastrophe en attente d’arriver, étant donné que vous avez face à vous un capitalisme sans limite qui passe outre les réglementations visant à contrôler les industries, même celles responsables de l’émission de gaz à effet de serre et d’autres pollutions industrielles. Cet impact a été négligé depuis de nombreuses années. C’est un désastre, mais c’est un désastre très prévisible.’’

En fin de compte, nous devons faire face à la réalité que le capitalisme impose en tant que système reposant sur des entreprises privées mises en concurrence. Ce système limite sévèrement notre capacité à faire face à aux modifications climatiques et à l’urbanisme.

L’alternative au chaos causé par le capitalisme et à la cupidité des milliardaires est la planification socialiste démocratique de l’économie afin de remplacer l’anarchie axée sur la course aux profits. Nous devons construire un rapport de force, par le biais d’un puissant mouvement socialiste des travailleurs autour de la revendication centrale de faire passer les 500 plus grandes entreprises du pays sous propriété collective, sous contrôle et gestion démocratique des travailleurs. Cela poserait enfin les bases pour l’instauration d’une société rationnelle et démocratiquement planifiée reposant sur la satisfaction des besoins des gens et le respect de la planète.

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