Un budget qui ne s’attaque ni au chômage, ni à la pauvreté

Van Rompuy a été très habile. Les médias présentent le budget comme étant un “équilibre” entre assainissements, impôts supplémentaires et divers revenus provenant des banques, du secteur énergétique et de la lutte contre la fraude fiscale et sociale. Vraiment ?

Par Anja Deschoemacker

Assainissements light?

Les patrons parlent « d’opportunités ratées » et de « manque de mesures structurelles » dans la politique du marché de l’emploi et la sécurité sociale. La Belgique se fait aussi taper sur les doigts par la Commission européenne pour un déficit budgétaire « excessif » – ce qui fait de notre pays un des 20 (sur 27 !) pays qui se font taper sur les doigts. Avec un déficit budgétaire de 6% en 2009, la Belgique reste loin sous les 9,9% aux Etats-Unis pour l’année fiscale 2008-2009 (clôturée en septembre).

Le gouvernement Van Rompuy suit le projet de développement proposé par le Haut Conseil des Finances : parvenir à un équilibre budgétaire pour 2015 en postposant les mesures plus dures pour 2011-2015, afin de ne pas mettre en danger la relance économique. C’est plus que ce qui est demandé par l’OCDE, qui prône un équilibre budgétaire pour 2017.

Aucun équilibre

Dire que le budget garantit que tout le monde paiera sa part pour la crise est un pur mensonge. Sérieusement, qui croit encore aux contes de fées ? Les nouveaux impôts seront largement portés par la grande majorité de la population, les banques et le secteur de l’énergie s’arrangeront pour récupérer leurs contributions en les facturant en retour aux consommateurs, les assainissements dans la fonction publique entraîneront des pertes d’emplois (sans doute pas par licenciements, mais en ne remplaçant pas des fonctionnaires qui partent en pension),…

On pourrait parler «d’équilibre» si un Etat qui sait donner 25 milliards pour la crise bancaire pouvait également le faire pour les besoins sociaux qui continuent à grandir après déjà 30 ans de sous-financement.

En réalité, le gouvernement donne aux soins de santé moins que la marge de croissance prévue de 4,5%. Ce secteur de la sécurité sociale va payer les déficits des autres secteurs, provoqués par la baisse continuelle des contributions «patronales» (5 à 6 milliards par an aujourd’hui). En plus, l’Etat – principalement par le biais des caisses de la sécurité sociale – a fortement subventionné les derniers accords salariaux. En fait, les travailleurs paient leurs propres augmentations salariales !

Ce n’est que partie remise

Les syndicats, qui avaient attendu pire, sont prudemment positifs. Le gouvernement n’est pas pressé de s’en prendre directement aux travailleurs et allocataires. D’abord, il ne faut pas risquer de casser la fragile reprise. Ensuite les travailleurs ont déjà montré leur colère ces dernières années dans les mouvements pour plus de pouvoir d’achat et pour le maintien des emplois. Et enfin, le gouvernement fédéral même est d’une nature particulièrement instable.

Les mesures plus dures et plus structurelles à prendre dans ce qui nous reste encore de l’Etat-providence ne sont néanmoins pas abandonnées. Elles sont simplement postposées à la période 2012-2015/2017. D’ici là, les défenseurs «prudents» des intérêts du patronat espèrent que l’économie roulera de nouveau, mais aussi que le mouvement ouvrier sera «moins nerveux» et, surtout, que leur gouvernement sera renforcé. Ils espèrent aussi que les élections à tous les niveaux auront lieu en même temps, afin de pouvoir bénéficier de suffisamment de temps pour mener à bien cette attaque structurelle.

Ce budget montre que le gouvernement est conscient de la puissance potentielle de la classe des travailleurs. La dernière chose dont le capitalisme belge, déjà si troublé, a besoin aujourd’hui, c’est d’un mouvement généralisé. Sur ce point, Van Rompuy fait bien son boulot en évitant toute provocation, même si tous les patrons n’en sont pas actuellement convaincus.

Les échos prudemment positifs de la part des directions nationales de la FGTB et de la CSC semblent montrer qu’il a provisoirement réussi. Toutes deux disent rester «vigilantes». Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y aurait pas de luttes: sur le marché de l’emploi, nous allons devoir affronter une hécatombe d’emplois ; dans les services sociaux et de soins de santé, des luttes seront nécessaires pour revendiquer plus de moyens afin d’enrayer la misère supplémentaire causée par la crise.

Dans ces luttes, il sera nécessaire de renforcer la gauche dans les syndicats et de s’assurer qu’il n’y a pas seulement une “vigilance”, mais une réelle préparation à ce qui va nous tomber dessus au cours des prochaines années, y compris sur le terrain politique. Le PS, le CD&V et le CDH sont dans tous les gouvernements – fédéral, communautaire et régionaux – et sont coresponsables du plan pluriannuel pour le budget qui prévoit un plan d’assainissement d’au moins 135 milliards d’euros dans la période de 2012-2015. Il est clair qu’on ne peut pas compter sur eux pour être de réels représentants des travailleurs. Exiger de briser les liens avec ces partis reste donc une revendication importante vis-à-vis des directions syndicales. Le PSL continuera à populariser la revendication d’un nouveau parti des travailleurs.

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