Grande-Bretagne: No2EU : Un pas en avant vers une voix politique ouvrière

No2EU-Yes to Democracy a été lancé il y a sept semaines à l’initiative du syndicat des travailleurs du rail – le RMT – cette alliance électorale construite à la-va-vite est parvenue à recueillir 153.236 voix lors des élections européennes de juin : 1% des votes. Le vote de gauche combiné au niveau de tout le Royaume-Uni a été de 340.805 voix, soit 2,25%

Hannah Sell, vice-secrétaire générale du Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

No2EU-Yes to Democracy a rassemblé le Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles), le Parti Communiste de Grande-Bretagne, l’Alliance pour un Socialisme Vert, certaines sections de Respect, et d’autres encore. Parmi ses candidats, on trouvait les dirigeants des luttes les plus militantes du Royaume-Uni de cette année, y compris les délégués des usines d’Enfield et de Basildon Visteon, des membres du comité de grève du chantier de Lindsey, et Rob Williams, délégué martyr de l’usine de pièces détachées automobiles de Linamar.

Parmi beaucoup de travailleurs qui ont entendu parler de No2EU, c’était l’enthousiasme. Mais à cause de son très jeune âge, et en particulier du boycott médiatique qu’elle a subi, la liste No2EU n’a été capable d’avoir qu’un impact limité sur la conscience de la masse des travailleurs. No2EU a obtenu plus de couverture dans les médias capitalistes depuis le jour de l’élection qu’au cours de toute la campagne !

Il est bien entendu qu’aucune nouvelle formation de gauche ne pourra instantanément gagner la confiance des travailleurs, même après avoir obtenu de la visibilité ou une certaine «reconnaissance»: les travailleurs préféreront toujours, à juste titre, tester cette formation dans l’action sur une certaine période. Le RMT est un des syndicats les plus militants de toute la Grande-Bretagne. De nombreux candidats No2EU, parmi lesquels les membres du Socialist Party ne sont pas les moindres, bénéficient d’un long curriculum de luttes dans les intérêts de la classe salariée dont ils peuvent être fiers. Toutefois, la campagne en soi était très nouvelle. Dans ce contexte, sa capacité à convaincre plus de 150.000 personne de voter pour elle indique les possibilités qui existent pour la création d’une alternative de gauche combative. Dans les régions où les candidats bénéficiaient d’un passé électoral conséquent, No2EU a reçu de meilleurs résultats, avec par exemple un score de 4,5% à Coventry.

Étant donné le peu de temps disponible afin d’établir le profil de No2EU, le nom de la campagne était un certain désavantage par rapport à certaines personnes. Ce nom était très attractif vis-à-vis d’une couche de travailleurs mécontents de la manière dont la législation européenne est utilisée par les patrons et le gouvernement pour saper leurs salaires et leurs conditions de travail – comme ceux du chantier de Lindsey qui ont récolté 400£ pour contribuer au financement de No2EU. Cependant, il y avait d’autres travailleurs – consciemment à la recherche d’une alternative de gauche ou socialiste – qui, s’ils avaient entendu parler de No2EU, n’auraient pas réalisé ce que cela représentait. Il ne fait aucun doute que certains parmi eux ont voté pour le Socialist Labour Party d’Arthur Scargill, qui a récolté un petit peu plus de voix que No2EU.

Bien que modeste, le vote combiné pour la gauche a été le meilleur qui ait jamais été réalisé sur une base nationale pour une élection européenne ; ce fait représente un pas en avant en direction de la construction d’une représentation politique indépendante pour la classe salariée de Grande-Bretagne.

De nombreux travailleurs à la recherche d’une alternative à la gauche du New Labour sont déçus du fait qu’il y ait plus d’une liste de gauche qui se présente, ce qui est compréhensible. Parfois, de tels conflits seront inévitables ; malheureusement, le SLP n’a pas daigné rejoindre une campagne commune pour les élections européennes. Toutefois, le désir de créer une voix électorale pour la classe salariée qui soit la plus forte possible est entièrement correct. No2EU a été un bloc électoral qui visait justement à cela : rassembler différentes organisations autour d’un programme commun afin de maximiser son impact électoral. En conséquence, le programme de No2EU était bien entendu limité, sans toutefois être nationaliste, comme certains l’ont laissé entendre. Au contraire, il appelait à la «solidarité internationale des travailleurs».

En même temps, les diverses organisations participantes avaient une liberté totale de produire leur propre matériel. Par exemple, le Socialist Party a produit des tracts qui mettaient en avant notre programme socialiste et qui expliquait que nos candidats, s’ils étaient élus, ne recevraient qu’un salaire de travailleur.

Une approche similaire est nécessaire lors de l’élection générale. Nous voulons nous assurer que – dans autant de postes que possible – des militants socialistes et ouvriers soient disponibles en tant qu’alternative aux partis de l’establishment. Le Socialist party appelle tous les syndicalistes et les socialistes, y compris le SLP, qui veulent relever un tel défi à œuvrer pour créer un bloc électoral sur une échelle plus grande encore que No2EU a été capable de l’accomplir.

Contre le BNP

Une des principales motivations de No2EU était le désir de fournir une alternative de gauche au BNP, parti d’extrême-droite. Il est clair que, dans certaines communautés ouvrières, d’importantes couches de la population sont si dégoûtées de tous les partis traditionnels au service du grand patronat, qu’elles se sont tournées vers le BNP, qui cherche à se faire passer pour un parti de la «classe salariée blanche». A Barnsely, par exemple, qui est traditionnellement une région fortement Labour, le vote Labour s’est effondré de 45 à 25%, et le vote BNP a monté de 8 à 17%. En réalité, comme l’a montré leur opposition aux grèves dans le secteur public ou à la grève historique des mineurs, le BNP est antisyndical et antigrève, il ne remet aucunement en question la domination de la Grande-Bretagne par une minuscule bien classe capitaliste immensément riche.

Toutefois, le BNP ne sera pas vaincu simplement en suppliant les travailleurs de ne pas voter pour lui. Il est nécessaire de commencer à créer un parti de masse qui soit véritablement en faveur des travailleurs, quelle que soit leur nationalité. No2EU a été un pas en avant vers la création d’une telle alternative. A l’annonce des résultats, Bob Crow, secrétaire général du RMT et tête de liste à Londres, a dénoncé le rôle des partis «pro-capitalistes, pro-UE» dans la responsabilité des gains du BNP, et a montré l’issue en avant :

«Aux côtés de nos collègues du SLP et d’autres groupes de gauche, nous avons remporté presque un tiers de millions de voix. A partir de No2EU, nous avons remporté 150 000 sympathisants, malgré le blocage des médias. Ceci nous octroie une plate-forme solide sur laquelle bâtir. Nous avons maintenant de toute urgence besoin de discussions avec les partis et les campagnes politiques et avec nos collègues des autres syndicats tels que le CWU (Communication Workers Union), afin de développer une réponse politique face à cette crise.»

Pour le Socialist Party, la prochaine étape est de construire une réponse de la classe salariée pour les élections générales face à aux partis de l’establishment. Pourtant, selon certains, No2EU n’aurait pas du se présenter aux élections européennes, surtout au Nord-Ouest, parce que si les électeurs de No2EU avaient voté Green, le BNP n’aurait pas été élu.

La raison pour laquelle le BNP a obtenu deux parlementaires européens a été l’effondrement total du vote Labour. En conséquence, le BNP a remporté deux sièges, malgré le fait qu’ils aient obtenu moins de voix qu’en 2004, aussi bien dans le Nord-Ouest qu’au Yorkshire.

De plus, il est faux de suggérer que No2EU devrait s’être abstenu au profit des Greens. Sur le plan national, le Green Party, n’a jamais accepté aucun accord politique avec des candidats de gauche ou socialiste, malgré les tentatives faites par le Socialist Party ou d’autres d’en discuter avec eux.

Si No2EU ne s’était pas présenté, il est erroné de penser que l’ensemble de ses électeurs se seraient tournés vers les Greens. La majorité de ceux qui ont voté Green les ont certainement perçus comme une alternative de gauche. Bien que sur le plan local, les conseillers communaux Green ont soutenu des mesures néolibérales antisalariées, les Greens n’ont pas encore été testés sur le plan national, comme ils ont pu l’être en Allemagne et en Irlande où ils sont entrés dans des gouvernements néolibéraux, et ils sont donc toujours considérés par certains comme étant à «gauche».

Toutefois, dans le Nord-Ouest, malgré l’effondrement du vote New Labour de plus de 240 00 voix par rapport à 2004, les Greens n’ont été capables d’accroître leurs voix que de 10 000. Dans le Yorkshire, les Greens ont gagné 14 000 voix de plus.

Sur le plan national, le vote Green s’est accru de plus d’un demi-million, mais ce vote était concentré de manière disproportionnée dans des régions avec une grande classe moyenne urbaine. Au Yorkshire, les Greens ont remporté 104 000 voix contre 120 000 pour le BNP.

Toutefois, le schéma n’est pas le même pour les villes ouvrières en ruine du South Yorkshire, où le BNP a réalisé sa plus grande percée. A Barnsley, où le BNP a reçu 17% des voix, les Greens ont obtenu 6%.

Ceci reflète le fait que les Greens ne sont pas perçus par la plupart des salariés comme un parti qui défende leurs intérêts, et le fait qu’ils ne soient par conséquent pas capables d’empêcher la croissance du BNP.

No2EU n’était qu’un pas en avant vers la création d’un parti de masse des salariés qui puisse saper le BNP, mais c’était néanmoins un pas important en ce sens.

Pour la première fois depuis la fondation du Labour Party, un syndicat national a pris la décision de se présenter, au côté d’autres, dans des élections nationales et avec un programme de gauche.

C’était le devoir des socialistes de soutenir une telle initiative. Le RMT a maintenant établi l’idée que le mouvement ouvrier peut présenter ses propres candidats aux élections.

Le syndicat du service public, le PCS, discute en ce moment d’un départ vers une direction similaire. Tous ces pas en avant doivent être encouragés.

Lorsque les salariés commencent à trouver leur propre voix politique, il est du devoir des socialistes de ne pas rester sur le côté pour critiquer, mais de s’impliquer et d’oeuvrer pour faire en sorte que ces premiers pas puissent se développer en un mouvement de masse.


Le Comité pour une Internationale Ouvrière, CIO

Le Socialist Party est la section du CIO en Angleterre et Pays de Galles.

Le capitalisme est un système mondial et il doit être combattu à la même échelle. C’est pourquoi le Parti Socialiste de Lutte fait partie d’une organisation marxiste internationale: le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), un parti mondial actif sur tous les continents. Notre lutte en Belgique s’inscrit dans le cadre d’une lutte des travailleurs du monde entier pour un société socialiste car si la révolution socialiste éclate sur le plan national, elle se termine sur l’arène internationale. La démocratie ouvrière et la planification socialiste de la production ne peuvent se limiter à un seul pays. C’est d’ailleurs l’isolement de la Russie soviétique qui a conduit à sa dégénérescence à partir de 1924.

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