AUCUNE VOIX POUR LE PEN !

Mais Macron n’est pas la solution.

Les sondages avaient beau annoncer pareil deuxième tour depuis plusieurs mois, la réalité des faits n’en fut pas moins un choc terrifiant. Marine Le Pen est présente au second tour. Nous sommes des millions à avoir eu le sang glacé en voyant sur nos écrans sa silhouette s’afficher au côté de celle d’Emmanuel Macron.

Par Nicolas Croes

Le problème, c’est le banquier, pas l’immigré !

Depuis qu’elle est arrivée à la tête du Front National, Marine Le Pen n’a pas ménagé ses efforts pour donner une image plus ‘‘respectable’’ à son projet politique nauséabond. Mais le FN n’a pas changé de caractère. Toutes ses astuces n’ont été que de petites couches de vernis sur le même racisme, le même mépris, la même admiration des régimes forts et des dictatures. Un nouveau FN ? A d’autres ! Dans le beau costume de Jean-François Jalkh, qui a repris les rênes du parti dans l’entre-deux tours, on trouve un sombre personnage qui n’a jadis hésité ni à mettre en doute la réalité des chambres à gaz, ni à se rendre au 40e anniversaire de la mort du maréchal Pétain.

Le FN reste cet outil de haine dont l’activité et le programme sont synonymes de danger pour tous ceux et celles qui, aujourd’hui déjà, sont les victimes de la crise et de l’austérité. Le FN, un parti populaire ? Souvenons-nous de Le Pontet, cette municipalité du Vaucluse (région Provence-Alpes-Côte d’Azur) contrôlée par le FN où la gratuité de la cantine scolaire pour les enfants des familles les plus pauvres a été supprimée. Pour quelle raison ? Pour une ‘‘gestion responsable’’ des finances publiques… alors que le maire frontiste s’était fait voter une augmentation de 44% de son salaire !

Quand Marine Le Pen parle des problèmes du système de santé et de Sécurité sociale, elle ne voit comme solution qu’une offensive contre les ‘‘arrêts maladie abusifs’’ et les soins aux étrangers. Pas un mot par contre au sujet des cadeaux fiscaux aux grandes entreprises qui creusent le trou de la sécurité sociale et de l’avidité des entreprises privées du secteur des soins. Son objectif est de dévier la colère contre les travailleurs et les étrangers.

Quand Marine Le Pen se défend de vouloir protéger l’emploi, elle a en tête de pilonner les droits syndicaux en offrant gracieusement de nouveaux cadeaux aux patrons. Dès lors qu’elle s’adresse à eux, sans trop faire appel aux médias dans ce cas, elle n’hésite pas à dire que son projet politique ‘‘vise à leur accorder une priorité dans toutes les politiques publiques’’. Peut-on être plus clair ? Sa défense de la ‘‘préférence nationale’’ en matière d’emploi ne sert qu’à monter les travailleurs les uns contre les autres pour que ce projet pro-patronal puisse mieux s’imposer.

Toute la pratique du Front National – des municipalités aux votes de ses députés européens – démontre l’étendue de la calamité qu’il représente non seulement pour les personnes d’origine immigrée mais aussi pour les femmes (notamment en matière de droit à l’avortement), les travailleurs, les personnes LGBTQI, les allocataires sociaux, les syndicalistes, les activistes des droits humains,…

Les ravages que causeraient une victoire de Marine Le Pen au second tour dépasseraient très largement les frontières de l’Hexagone. Tout récemment, nous avons pu constater le regain de confiance que la victoire de Donal Trump a donné à tous les Geert Wilders et autres Théo Francken de la terre. Cette assurance malsaine – qui élargit également l’espace pour les agressions à caractère raciste, sexiste ou homophobes dans la société – sortirait encore renforcée.

Emmanuel Macron, le ‘‘moindre mal’’ & la cause du pire

Nombreux sont ceux qui ont fait le parallèle entre ces présidentielles et celles qui ont porté Trump au pouvoir, tant Emmanuel Macron semble habillé des mêmes habits qu’Hillary Clinton, celui de bien piètre concurrent face à une candidature instrumentalisant la colère largement ressentie contre l’establishment. Emmanuel Macron est régulièrement passé pour une girouette indécise, mais il dispose d’un projet politique limpide : celui d’assurer que le patronat soit transporté d’allégresse.

Macron veut d’un côté supprimer 120.000 postes dans la fonction publique. De l’autre, il entend réduire l’impôt sur les sociétés de 33% à 25% durant son quinquennat. Pour cet ancien ministre de l’économie de François Hollande, l’impôt sur la fortune (ISF) ne devrait pas être payé par les actionnaires car ‘‘ceux-ci financent les entreprises’’. Mais le contrôle des chômeurs serait par contre renforcé. Quel hasard y-a-t-il si l’on trouve parmi ses soutiens des personnalités politiques aussi peu sociales qu’Alain Madelein ou Manuel Valls ? Même Laurence Parisot (l’ancienne présidente du MEDEF, la principale organisation patronale française) s’est empressée de lui proposer ses services, un peu trop vite toutefois aux yeux de Macron.

Durant le premier tour, Marine Le Pen avait encore face à elle des candidats qui, comme Jean Luc Mélenchon, la repoussaient vers les thématiques sociales qu’elle tenait par-dessus-tout à éviter. Après le 24 avril, elle a eu beau jeu de se présenter comme la candidate anti-élite. Face aux ouvriers de l’usine menacée de fermeture Whirlpool d’Amiens, elle a déclaré, sans honte : ‘‘je suis ici à ma place, je suis au milieu des salariés qui résistent à cette mondialisation sauvage’’. Le FN a instrumentalisé ce drame pour alimenter le mythe d’une candidate ‘‘du peuple’’ face à celui d’élites déconnectées de la réalité. Un mensonge passe mieux en comprenant un élément de vérité.

Beaucoup d’électeurs se rendront aux urnes et voteront en faveur de Macron dans l’espoir de repousser le cauchemar d’une victoire frontiste. C’est compréhensible. Mais, avec son programme profondément néolibéral et antisocial, que représente-t-il si ce n’est la recette d’une future véritable croissance du populisme ? En réfléchissant à plus long terme, imagine-t-on pouvoir bloquer Le Pen en renforçant sa dynamique ? La gauche doit éviter de tomber dans ce piège, cela lui ferait porter une part de responsabilité dans l’application d’un projet politique qui lui sera plus tard reproché avec insistance.

La France Insoumise

Il y a à peine plus d’un an, le FN était seul à tirer parti du mécontentement populaire. Tout semblait lui profiter. Entre temps s’est développée la campagne énergique de la France Insoumise et de Jean Luc Mélenchon. Sans cela, le score de Marine Le Pen n’aurait pas été de 21 % mais de bien plus, comme le laissaient présager les sondages à l’époque. La France Insoumise a redonné espoir et réalisé une impressionnante percée parmi les chômeurs, les ouvriers ou la jeunesse, où Mélenchon fut, avec 30%, le premier candidat, loin devant Marine Le Pen et Emmanuel Macron. A Marseille, une ville où le Front National a prospéré ces dernières années, Mélenchon est arrivé en tête.

Cette puissance potentielle dans le camp des travailleurs et de la jeunesse de toutes origines ne doit pas être affaiblie par le débat portant sur la consigne de vote pour le second tour. Avec son appel à une consultation des 450.000 membres (!) de la France Insoumise, Mélenchon a accentué ce processus d’unité tout en pointant du doigt deux éléments cruciaux : la percée de la France Insoumise à confirmer lors des législatives et la résistance sociale nécessaire pour affronter les conséquences du second tour. Que l’on ne se trompe pas, c’est précisément cela qui est ciblé par la campagne médiatique et politique dénigrant l’image de la France Insoumise. Les hypocrites dirigeants LR, PS et même le président François Hollande ont d’ailleurs, en fin de campagne, bien plus averti du ‘‘danger’’ de Mélenchon que de celui représenté par le FN.

Action contre le FN à Bruxelles ce 24 avril.

La gauche n’a aucune leçon à recevoir de la part de ceux-là même qui n’ont jamais hésité à jouer la carte du racisme, jusque dans les rangs du PS. Où étaient-ils alors que Mélenchon ne cessait de combattre l’extrême droite, y compris à Hénin-Beaumont en 2012, sur des terres considérées comme inévitablement acquises à Marine Le Pen ? C’est la politique des Sarkozy, Valls, Hollande & Co qui a contribué à faire monter le FN. S’y associer pour freiner l’extrême droite n’a jamais eu de résultat, si ce n’est d’alimenter le sentiment d’une conspiration des élites contre ‘‘le peuple’’, au point que même des personnes d’origine immigrées sont aujourd’hui séduites par Marine Le Pen. Laisser cette dernière seule contre tous, ce serait lui faire le cadeau dont elle rêve : celui de pouvoir personnifier l’opposition au ‘‘système’’.

Et pour la suite ?

Pour notre part, en France et ailleurs, nous nous sommes toujours opposés à l’extrême droite. Nous continuerons à le faire, en défendant de s’organiser, de se réunir, de débattre, de manifester tous ensemble en construisant le rapport de force social dont nous avons besoin. Certains électeurs s’abstiendront ou voteront blanc, contre Le Pen mais aussi contre le faux choix qui imposé, il s’agit d’une approche qui serait certainement la nôtre.

La seule façon de réellement combattre le Front national, c’est de lui opposer un programme et une approche qui répondent aux déshérités broyés par l’austérité. C’est de cela qu’est issu le succès de la France Insoumise, qui a totalisé près de 20% des voix en s’attirant 7 millions d’électeurs. La formation est maintenant l’un des quatre grands blocs politiques. Il lui faut être à la hauteur de la situation en consolidant le formidable élan de la campagne.

Ces élections constituent une illustration supplémentaire de la crise durable et profonde que traverse l’autorité des instruments politiques traditionnels de la classe dominante en France et ailleurs. Des deux partis qui ont rythmé la vie politique française ces quarante dernières années, aucun n’est parvenu à se hisser au deuxième tour, le PS s’effondrant même jusqu’à atteindre les 6%. Une profonde recomposition du monde politique français est à l’œuvre, la France Insoumise doit y prendre place en se structurant en un parti de masse des travailleurs et de la jeunesse, en une gauche de combat capable d’accueillir et d’intégrer démocratiquement toutes celles et tous qui veulent lutter contre le capitalisme et ses conséquences.

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