Racisme et médias sociaux. Comment réagir?

Photo: Flickr/rachel-johnson

Le 10 janvier dernier, le groupe Roularta (Knack, Le Vif/L’Express, Trends et Trends/Tendances, Sport/Foot magasine, etc.), décidait de fermer les commentaires sur ses sites en raison du caractère ‘‘trop souvent virulent et irrespectueux des échanges’’ et des nombreux messages de haine. Au même moment, en Flandre, les réseaux sociaux étaient encore inondés de propos racistes à la suite du décès de Kerim Akyil, un jeune Belgo-turc tué dans l’attentat de la discothèque Reina à Istanbul. Tout cela est-il un exact reflet de ce qui vit dans la société ? Comment riposter ?

Par Nicolas Croes

‘‘Les voix les plus hostiles (…) sont celles qui font le plus de bruit’’

Tout d’abord jouer sur le racisme pour ensuite pour faire vendre et ensuite se plaindre de lecteurs peu subtils… Bienvenue au Vif/L’Express!

Première chose à dire : les apparences sont souvent trompeuses. Le ‘‘miroir’’ de la société constitué par les réseaux sociaux et les commentaires des sites est extrêmement déformant. Dans son communiqué, le groupe Roularta expliquait : ‘‘les plus virulents [commentateurs] n’hésitant pas à polluer ces forums à l’aide de faux profils qu’il nous est difficile de détecter. Si dans la majorité des cas elle est souvent le fait des mêmes commentateurs, la multiplication des attaques anonymes donne l’impression que l’opinion publique se radicalise (…). Comme le premier commentaire posté à la suite d’un article donne souvent le ton de ce qui va suivre, les extrémistes des forums initient régulièrement un effet boule de neige nauséabond (…).’’ Roularta concluait ainsi : ‘‘par ce biais, une petite portion de la population donne à penser que ses valeurs sont représentatives de l’opinion publique, accentuant, par-là, le risque de décomplexer certains discours radicaux.’’ C’est bien vrai. Mais ça ne manque tout de même pas de sel au vu de l’acharnement du Vif/L’Express contre les musulmans par exemple…

Les militants d’extrême droite sont devenus spécialistes de cette méthode, ce qu’un bref regard sur les profils Facebook de commentateurs parmi les plus enragés confirme aisément. En 2013, le quotidien régional Midi Libre avait publié l’interview d’un ancien membre actif du groupuscule Unité Radicale qui expliquait que leur activisme sur le net reposait essentiellement sur de faux pseudos, jusqu’à utiliser de faux profils ‘‘musulmans’’ afin d’insulter les gens ou de prôner l’arrivée d’une République islamiste à Paris. ‘‘Je sais qu’au Bloc identitaire et au FN ils ont des méthodes analogues, l’essentiel de celles que nous utilisions venait d’ailleurs de leurs fascicules de formation des militants’’, déclarait-il notamment.

Une récente enquête d’Amnesty International réalisée dans 27 pays au sujet de l’accueil des réfugiés permet encore de nuancer les choses. Concernant la France, il en ressortait que 82% des sondés se disaient favorables à l’accueil des demandeurs d’asile et que 63% estimaient même que ‘‘le gouvernement devrait davantage les aider’’. Ces données sont à l’opposé de l’image généralement renvoyée par le pays où sévit la famille Le Pen. Pour Jean-François Dubost, responsable du programme protection des populations pour Amnesty France, cela s’explique ‘‘simplement parce que les voix les plus hostiles à l’accueil des réfugiés sont celles qui font le plus de bruit. La majorité accueillante, elle, est devenue silencieuse.’’ (Le Parisien, 19 mai 2017).

A nous de faire du bruit !

Il serait toutefois faux de conclure que toute cette haine ne représente aucun danger. Faute d’alternative reposant sur la solidarité et l’entraide, les graves inégalités et l’incertitude d’avenir inhérentes à ce système représentent du pain béni pour les populistes de droite et l’extrême droite. Ces derniers profitent de l’absence d’un puissant mouvement social destiné à combattre non des boucs émissaires (musulmans, réfugiés, chômeurs,…) mais les véritables responsables des maux de cette société : actionnaires, top-managers et leurs marionnettes politiciennes.

Contre le racisme, nous n’avons rien de fondamental à attendre des politiciens établis : ils sont précisément responsables des politiques qui aggravent les problèmes sociaux et ouvrent un espace au racisme. Leur objectif ne sert que le monde des affaires. Comme le fait très justement remarquer le rapport 2017 d’Oxfam sur les inégalités (‘‘Une économie au service des 99 %’’, publié en amont du Sommet économique mondial de Davos) : ‘‘des entreprises de tous secteurs (finance, industrie extractive, confection, pharmaceutique et autre) utilisent leur pouvoir démesuré et leur influence pour s’assurer que les réglementations et politiques nationales et internationales sont formulées de manière à soutenir durablement leur rentabilité.’’ Quant au reste… et bien tant pis.

Pour changer les choses, nous ne pouvons nous en remettre qu’à nous-même et à notre action collective, en étant organisés. Sans cela, c’est la menace de la frustration, du désespoir et du repli sur soi, ce qui s’exprime parfois par des messages où la colère se trompe de cible sur les médias sociaux, parfois par un ‘‘vote de protestation’’ en faveur de l’extrême droite aux élections.

Chacun peut réagir sur Facebook ou sur les rubriques de commentaires sur les sites d’information. le journal Lutte Socialiste ou les sites et pages Facebook socialisme.be (PSL) et gauche.be (Etudiants de Gauche Actifs) fourmillent d’ailleurs d’arguments très utiles pour cela. Il vous est aussi possible de nous contacter directement à cette fin. Mais la meilleure manière de faire entendre une autre voix et de rompre la confiance des racistes, sexistes, homophobes et autres réactionnaires reste de défendre un message de solidarité et d’unité dans la lutte contre l’austérité et la misère, par l’action concrète et collective, dans la rue, en démontrant quel est notre nombre.

Le Vlaams Belang, le FN et d’autres forces politiques tout aussi nauséabondes peuvent bien faire les fiers en profitant des largesses médiatiques et de l’absence, jusqu’ici, d’alternatives politiques anticapitalistes conséquentes. Mais la réalité est qu’ils restent incapables de convaincre leurs partisans de manifester en masse. Cela illustre sur quelle fine couche de glace ils se trouvent. A nous de la briser.

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