Après Donald Trump, Marine Le Pen à l’Élysée ?

Le week end dernier, l’attention médiatique était concentrée sur le meeting de Marine Le Pen à Lyon. Pourtant, le meeting de Jean Luc Mélenchon qui se tenait au même moment dans la même ville a réuni bien plus de monde : il y avait 12.000 participants. La Gauche Révolutionnaire (CIO-France) était présente avec un stand politique et son journal ‘L’Egalité’, dont 70 exemplaires ont été vendus.

En novembre dernier, Le Figaro publiait un article titré ‘‘Après Trump, Marine Le Pen à l’Élysée ? La classe politique s’inquiète’’. Avec le Brexit et la victoire de Trump, la classe dominante en Europe et à travers le monde a pris deux claques. L’inquiétude de la classe politique relève toutefois d’une hypocrisie crasse. Le scrutin approchant, les dirigeants des Républicains et du PS se succèdent dans les médias français pour avertir du danger d’une possible victoire de Marine Le Pen. Mais comment expliquer ce succès sans parler de l’échec de leurs politiques ?

Par Nico M. (Bruxelles), article tiré de l’édition de février de Lutte Socialiste

Les partis traditionnels discrédités

Les dirigeants des partis traditionnels se demandent s’ils seront capables d’empêcher une victoire de Le Pen. Certains dans les médias semblent soudainement frappés de lucidité. Il se trouve que la population serait en colère contre les élites. Encore une fois quelle hypocrisie ! Du côté du PS, on appelle à l’unité derrière le candidat de l’appareil vainqueur des primaires de la ‘‘belle alliance’’. Tout ce qui existe à côté est pointé du doigt comme responsable d’une future victoire de Le Pen. Voilà qui permet de rapidement oublier la très antisociale ‘‘loi travail’’ du gouvernement Hollande-Valls-Macron et le monumental mouvement de masse des travailleurs et de la jeunesse qui avait riposté au printemps dernier.

A l’instar de nombreux autres pays, les anciennes formations qui se sont partagé le pouvoir ces dernières décennies connaissent un profond discrédit. C’est tout particulièrement le cas du PS, qui va tout tenter pour éviter de subir le sort du PASOK (le parti social-démocrate grec laminé au scrutin de 2015). Le bilan du gouvernement sortant est synonyme d’échec garanti (et mérité) en avril prochain. En facilitant les licenciements, en allongeant la semaine de travail et en détruisant le Code du travail (la loi El Khomri ou loi travail), en élargissant les possibilités de travail le dimanche (Loi Macron), etc. ; le gouvernement sortant a mené une politique au service des riches et des patrons tout en durcissant la répression des mouvements de contestation. Valls braille qu’il défend ‘‘une République forte et une France juste’’. Il déclare aujourd’hui vouloir supprimer l’article 49.3 de la Constitution, qui permet de faire adopter une loi sans passer par le Parlement, à la manière des Pouvoirs spéciaux en Belgique, alors qu’il a utilisé ce mécanisme… 6 fois comme premier ministre ! Mais tout cela arrive trop tard. Le PS a montré son vrai visage.

Chez Les Républicains (LR), le programme du candidat Fillon laisse peu de marge à l’interprétation: 100 milliards d’euros d’économie dans les dépenses publiques en 5 ans, la fin des 35 heures de travail par semaine, le recul de l’âge de la pension à 65 ans, le démantèlement de la SECU,… Sa première priorité est ‘‘la libération de l’économie’’, référence ouverte à Thatcher : il se prépare à une guerre contre les jeunes, les travailleurs et les syndicalistes.

Pour d’autres forces, le bilan du PS et l’agressivité austéritaire des Républicains sont une aubaine. En effet, qui a ainsi déclaré :‘‘Je m’engage à ne pas réduire la prise en charge des soins de l’Assurance maladie et je m’oppose fermement à la privatisation des dépenses de soins’’ ? Marine Le Pen, le 9 janvier dernier.

Le FN surfe sur ce discrédit et sur ‘‘l’effet Trump’’

La plupart des sondages placent Marine Le Pen au second tour. Dans le sillage de Trump, elle se profile comme une candidate anti-système. Le paradoxe est analogue à celui qu’ont connu les Etats-Unis avec Trump : un milliardaire qui se définit comme candidat ‘‘anti establishment’’. Sur RTL, elle déclarait : ‘‘Donald Trump met en place pour les États-Unis le patriotisme économique que j’appelle de mes vœux pour la France’’. Ce protectionnisme est-il censé ramener de meilleures perspectives d’avenir ?
A côté du fait que cela cache mal son programme raciste et sexiste, le projet du FN est totalement tourné vers les intérêts du patronat. Le Pen l’a dit, elle veut rendre ‘‘les entrepreneurs heureux’’.

Le poison du racisme est utilisé pour nous diviser et détourner l’attention de son réel agenda tourné vers la satisfaction des intérêts des plus riches. Là où le FN est au pouvoir, ses membres ont appliqué une politique de coupes budgétaires et de suppression de subsides. La Ligue des Droits de l’Homme a par exemple été privée de local à Mantes-la-ville et à Henin Beaumont. D’autre part, s’attaquer aux couches immigrées précarisées est un avantage pour les patrons qui peuvent ainsi leur imposer des conditions de travail indécentes, ce qui permettra de faire pression sur les conditions de travail et de salaire de l’ensemble des travailleurs.

Face à la croissance du FN, il nous faut riposter avec la construction d’un mouvement de luttes sociales massif. C’est l’absence d’une alternative de gauche crédible et conséquente de masse qui ouvre la possibilité au FN d’instrumentaliser le mécontentement. Face à l’austérité, au racisme, au sexisme, les jeunes et les travailleurs doivent s’armer d’un programme politique anti-austérité pour aller chercher les moyens de combler les pénuries sociales là où ils se trouvent : dans les poches des riches.

La ‘‘France Insoumise’’, une campagne pour une alternative à gauche des candidats capitalistes

Le mouvement autour de la candidature de Mélenchon rassemble plus de 170.000 adhérents, ses meetings sont suivis par des milliers de personnes dans les différentes villes visitées mais encore d’avantage grâce aux retransmissions en direct sur les réseaux sociaux. L’Avenir en Commun, son livre-programme, a été réédité plusieurs fois et se glisse parmi les meilleures ventes de ces dernières semaines.

Une campagne inclusive

Sur le modèle de la campagne de 2012, Mélenchon développe une stratégie visant à activement impliquer ses partisans au travers d’une campagne militante. Des kits sont vendus pour inviter les adhérents à militer autour d’eux, dans leur quartier, leur famille. Son programme provient d’un travail collectif de discussion sur les divers thèmes et sur les revendications qui a impliqué des milliers de personnes, dont des représentants d’associations et de syndicats. Dans l’introduction de L’Avenir en Commun, Mélenchon souligne que ‘‘depuis des décennies, ceux-ci ont maintenu éveillées les consciences et mené l’action de terrain que la caste des puissants a toujours méprisé’’. Une manifestation le 18 mars à Paris (une date qui n’est pas innocente puisqu’elle marque les débuts de la Commune de Paris en 1871) est également prévue en tant qu’étape dans la construction de sa campagne et des comités de soutien s’organisent localement à travers le pays.
Ces quelques éléments illustrent qu’une campagne d’ampleur est en route. Un succès plus large qu’en 2012 se dessine déjà et Mélenchon est aujourd’hui, dans les sondages, en route pour battre le candidat du PS.

Un programme pour répondre aux attaques antisociales

‘‘A nos yeux, l’urgence écologique, le désastre social et le délabrement de la démocratie sont les trois visages d’une même réalité. Nous étouffons sous le règne de la finance.’’ Ce type de thématique est un point de départ qui peut rencontrer un soutien massif parmi les jeunes et les travailleurs. La participation de Mélenchon à un rassemblement de solidarité au procès des syndicalistes de Goodyear illustre le caractère de classe de sa candidature. A travers le programme des Insoumis, les conséquences du système capitaliste sont critiquées comme les privilèges des nantis ou les inégalités croissantes. Mais, à ce stade, une alternative radicale qui se fixe pour objectif d’en finir avec ce système pourri n’est pas encore présente.

Cette campagne dénonce la finance qui ‘‘étouffe’’ la classe des travailleurs mais elle ne défend pas des revendications capables de fondamentalement remettre en cause la dictature de la finance. En effet, il est question d’un contrôle plus grand exercé sur le secteur de la finance et de la création d’un ‘‘pôle public’’ (au milieu d’un secteur financier qui resterait privé) alors qu’il faudrait exiger la nationalisation sous contrôle démocratique de l’ensemble du secteur pour obtenir un réel effet sur l’économie. Il est difficile de contrôler ou de moraliser ce que nous ne possédons pas. Ce serait alors un magnifique levier pour instaurer une réelle redistribution des richesses, s’engager dans un plan massif d’investissements publics pour répondre aux pénuries et accomplir le reste du programme progressiste de la campagne.

Mais toutes ces questions disposent d’un espace pour être débattues. Un embryon pour un nouveau parti de masse des travailleurs peut émerger d’une telle candidature. Augmenter les salaires, le SMIC, abroger la loi El Khomri, etc. Ces points de programme ne pourront être obtenus qu’avec une lutte généralisée des jeunes et des travailleurs. Dans ce processus et dans cette campagne doivent être défendus les idées anticapitalistes et le programme nécessaire pour renverser le capitalisme : celui d’une alternative socialiste. C’est ce que font nos camarades de la Gauche Révolutionnaire (organisation-sœur du PSL en France) en soutenant la candidature de Mélenchon tout en y défendant fraternellement leur approche spécifique.

 

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