La grève des cheminots ne concernait pas des ‘‘privilèges du personnel’’, mais la lutte contre la démolition des transports publics

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Fin mai et début juin, plusieurs jours de grève ont éclaté sur le rail suite à la décision unilatérale de la direction de s’en prendre aux jours de crédit, des jours de récupération accordés puisque le personnel preste en pratique 40 heures pour une semaine de 36 heures de travail officiellement. Cela revient donc à augmenter le temps de travail pour un même salaire. Pourquoi la grève a-t-elle duré si longtemps ? Nous en avons discuté avec un conducteur.

Article tiré de l’édition d’été de Lutte Socialiste

‘‘Le mécontentement est profond. En une bonne dizaine d’années, le nombre d’usagers a augmenté de 50 %, mais l’effectif a été réduit d’un quart. Le manque de ressources et d’investissements entraîne divers problèmes au niveau de l’équipement, une flexibilité accrue pour le personnel,… mais aussi plus de retards et de frustration tant chez le personnel que chez les voyageurs.

‘‘Et avec ça, le gouvernement veut encore supprimer 20 % de la dotation publique, soit environ 663 millions d’euros. Un train sur cinq trains deviendrait un ‘‘one-man-car’’, sans accompagnateur de train. Je suis accompagnateur, vais-je perdre mon emploi ? Par expérience, je sais que mon travail est important pour la sécurité, j’ai déjà empêché plusieurs accidents. Un train avec le conducteur pour seul personnel, c’est un train dangereux. 60 % du personnel des guichets devraient aussi disparaitre. Et vous pouvez toujours essayer de demander un renseignement à un distributeur automatique… La direction accuse le personnel de se battre pour sauvegarder des privilèges, mais économiser 663 millions, cela ne sera pas sans conséquence pour le service et donc aussi pour les voyageurs !

‘‘L’attaque sur les jours de crédit fut la goutte qui a fait déborder le vase. La direction fait comme si nous avions un rythme de travail de privilégiés alors que de nombreux collègues connaissent des horaires variés et parfois tout simplement impossibles. Combien gagnent les cadres supérieurs responsables de cette situation ?

‘‘Les actions de grèves ont été présentées comme une ‘‘prise en otage’’ des voyageurs. C’est un non-sens qui vise à diviser pour régner au profit de la direction et du gouvernement. Ce n’est que lorsqu’il y a grève qu’ils parlent de la qualité du service. On ne les entend parler que du service minimum, mais ils veulent surtout en finir avec le service maximum ! Si le gouvernement et les médias à sa botte se sentaient vraiment concernés par le sort des voyageurs, ils reviendraient sur les économies, ils soutiendraient les actions du personnel et ils investiraient pour développer des transports en commun décents. C’est d’ailleurs écologiquement nécessaire.

‘‘Il est vrai que nous avons besoin de mieux informer les voyageurs concernant nos actions. Aujourd’hui, le personnel lui-même est souvent mal informé. Ce qui a été négocié et avec quel résultat, nous l’avons appris dans les journaux, ceux-là mêmes qui avaient aveuglément soutenu la campagne de propagande de la direction. Les grèves spontanées ont illustré que la colère bouillonne. Mais il nous a manqué des mots d’ordre centraux. La direction syndicale a donc été capable, comme nous l’avons vu par la suite, de stopper les actions.

‘‘En fin de compte, un compromis est arrivé avec lequel nous perdons deux jours fériés extralégaux et également un jour de crédit en cas de maladie. C’est un recul, mais grâce au mouvement spontané, c’est un peu moins mauvais que la proposition initiale. Toutefois, beaucoup plus aurait été possible avec une lutte sérieusement organisée au niveau national. Et la question des menaces de sanctions pour les grévistes reste entière et sera négociée séparément.

‘‘Le mécontentement ne diffère pas entre la Flandre, Bruxelles et la Wallonie. Pourtant, le mouvement a été dépeint comme une grève ‘‘wallonne’’, comme si tout le monde avait continué le travail à Bruxelles et en Flandre. C’est un mensonge délibérément encouragé par la direction. Les chiffres du nombre de grévistes démontrent qu’ils étaient nombreux à faire grève en Flandre. Moins que du côté francophone, car les actions n’y ont quasiment pas été organisées. Oui, même les actions spontanées requièrent un minimum d’organisation.

‘‘L’initiative a été laissée à la base. À Anvers, nous avons organisé des réunions du personnel pour discuter avec les militants et les collègues de chaque étape des actions et des négociations. Cela permet de correctement mettre en œuvre les actions.

‘‘Il y aura encore des actions. Ce gouvernement veut détruire les transports publics. Il ne voit pas de problème à accorder 4 milliards d’euros de subsides pour les voitures de société, alors que 3 milliards pour la SNCB, ça serait trop. Au lieu d’économiser sur le dos des transports publics, nous avons urgemment besoin d’un plan d’investissements publics massifs. Ce gouvernement ne le fera pas, il faut le dégager par la grève.’’

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