Le 1er mai redeviendra-t-il un jour de lutte pour la journée des 8 heures?

temps_enfants_02Les mesures du vice-Premier ministre Kris Peeters donnent cette année un goût très amer au 1er mai. Le 1er mai est devenu la journée de lutte pour les huit heures en 1890 : huit heures de travail, huit heures de repos et huit heures de sommeil. Ce fut une revendication centrale du mouvement ouvrier des dizaines d’années durant. Cela devait rendre le travail soutenable. Kris Peeters et le gouvernement Michel considèrent les choses autrement. Ils ouvrent la porte à la journée de 9 heures et à la semaine de 45 heures, sans sursalaire.

Par Eric Byl, édito de l’édition de mai de Lutte Socialiste

Le premier “statut d’ouvriers” date de 1349, après la grande épidémie de peste. Pour s’assurer d’avoir suffisamment de personnes au travail, des salaires décents et des limites à la journée de travail ont été fixés légalement. Cela a ensuite pris des siècles aux exploiteurs pour faire machine arrière et ramener la journée de travail à 12 heures. Avec l’arrivée des machines à partir de 1770, le temps de travail a dû suivre “cette évolution” pour passer à 14 voire 16 heures par jour, y compris pour les enfants. À l’époque déjà, des problèmes étaient “pointés”. Voici comment on défendait le travail des enfants en 1848: “travailler sous le regard de leurs parents leur permet de ne pas prendre de mauvaises habitudes de paresse et de ne pas devenir des voyous.”

L’introduction de la journée de 10 heures en Angleterre, le 1er mai 1848, était une première grande victoire. Mais ce sont les ouvriers de bâtiment de Sydney et Melbourne en Australie qui, le 21 avril 1856, ont les premiers imposés la journée des 8 heures avec une marche sur le parlement. Cette avancée fut possible grâce à la découverte d’or, une économie en plein essor et un afflux d’ouvriers qualifiés venant de Grande-Bretagne et bénéficiant de l’expérience de lutte du mouvement chartiste. Aux États-Unis, le 1er mai 1886, quelque 340.000 ouvriers sont partis en grève pour la journée des 8 heures. Elle a été introduite à certains endroits, mais, à d’autres, les dirigeants du mouvement ont été poursuivis. Ainsi, à Chicago, 8 ouvriers ont été condamnés dont 4 pendus. Malgré cela, quelques années plus tard, la fédération syndicale américaine a décidé de reprendre l’action pour la journée des 8 heures.

Cette revendication fut centrale lors du Congrès de Paris de l’Internationale Ouvrière, en 1889. Lorsque le délégué des ouvriers américains a souligné la décision de faire grève le 1er mai 1890, le Congrès a repris cette date. Mais ce n’est que quand les capitalistes ont commencé à craindre pour leur survie – entre la Révolution russe d’octobre 1917 et les républiques des conseils de Bavière, de Hongrie et de Slovaquie en 1919 – que 15 pays ont instauré la journée des huit heures. En Belgique, la loi des huit heures a été votée en juin 1921. Il a encore fallu attendre jusque 1928 avant qu’elles ne soient appliquées largement. En 1964, la semaine des 45 heures a été introduite, celle des 40 heures en 1970 et celle des 38 heures en 2003.

Kris Peeters remet tout cela en question. Par l’extension légale continuelle des heures supplémentaires, il était déjà possible de contourner la journée des 8 heures et la semaine de 38 heures, mais uniquement après concertation sociale et moyennant une compensation salariale ou un repos compensatoire. En comptabilisant le temps de travail sur base annuelle, le patron ne doit désormais plus tenir compte des négociations collectives. Il peut, quand ça lui chante, “demander” individuellement à un travailleur de prester jusqu’à 9 heures par jour et 45 heures par semaine, sans sursalaire du moment que le temps de travail ne dépasse pas, sur base annuelle, la moyenne de 38 heures par semaine. S’il y a moins de commandes et que le travail devient un peu plus supportable, il peut aussi nous renvoyer chez nous, même si cela ne nous convient pas. Et même si c’était sur base volontaire, avec les milliers de chômeurs qui cherchent un job, il faut déjà oser dire non.

Pensez-vous que le gouvernement s’en tiendra là ? Selon Kris Peeters, ce n’est qu’un exercice et le vrai travail (de sape) doit encore commencer. Tant que le capitalisme existera, aucun acquis social ne sera définitif. Il est temps de nous réapproprier les traditions de nos prédécesseurs et de faire à nouveau du 1er mai une journée internationale de lutte.

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