De Lahore à Bruxelles : des points communs manifestes (ainsi que des différences)

pakLe dimanche 27 mars a eu lieu un attentat effroyable dans la ville Pakistanaise de Lahore, avec au total plus de 70 morts. Cette attaque est l’œuvre d’une organisation qui depuis peu est à nouveau reliée aux Talibans (elle était précédemment liée à l’Etat Islamique et encore avant aux Talibans). L’attaque a pris place dans la plaine de jeux d’un parc fréquenté par de nombreuses familles en ce dimanche de Pâques. On peut relever quelques similarités frappantes entre cet attentat et ceux de Bruxelles.

  • 1. Une solidarité massive

Une énorme solidarité a émergé au sein de la population suite aux attentats de Bruxelles. Les secouristes ont donné le meilleur d’eux-mêmes et même plus, les chauffeurs se sont mis à offrir gratuitement leurs services, partout les gens exprimaient leur désir d’aider et de se rendre utile. On a pu voir grandir un profond sentiment d’entraide.

La même chose s’est produite au Pakistan, avec des gens qui faisaient la queue pour donner leur sang aux victimes. Là aussi les chauffeurs de taxis offraient gratuitement leurs services à qui voulait donner du sang. Le fait que, selon les auteurs, l’attaque visait uniquement la minorité chrétienne du pays n’est pas acceptée par une large couche de la population, pour qui la plaine de jeux était avant tout un endroit de rencontre populaire. Les victimes étaient des gens normaux issus de différents milieux et la solidarité qui en a découlé est remarquable. C’est parfois à la suite des pires évènements que remonte ce qu’il y a de meilleur en chacun de nous. C’est ce qu’on a pu observer à Bruxelles ainsi qu’à Lahore.

  • 2. Des erreurs commises par les dirigeants

Les autorités belges savaient-elles où se trouvait Abdeslam ? Ce terroriste avait-il réellement pu revenir de Turquie sans avoir été l’objet d’un suivi ? Ici le gouvernement n’est pas parvenu à se présenter comme une grande force « d’unité nationale ». Peut-être parce que les bévues commises étaient trop importantes. On n’a cessé de se renvoyer la responsabilité : oui, c’est quand même toujours la faute de quelqu’un d’autre.

Au Pakistan, on avait ignoré les avertissements de sécurité au sujet des attentats-suicide. Les alentours du parc étaient à peine protégés. Là aussi la responsabilité à ce sujet fut rejetée sur d’autres. L’armée a profité de cette occasion pour se mettre en avant comme un « facteur puissant » capable d’attraper plus de 200 personnes supposées être des militants talibans suite aux attentats. Mais ce qui n’est pas dit c’est que les Talibans au Pakistan (ou en Afghanistan) n’auraient jamais eu une position si puissante s’ils n’avaient pas reçu l’appui indirect des chefs de l’armée. Le gouvernement du Premier ministre Nawaz Sharif était déjà surnommé de manière méprisante « l’administration de la ville d’Islamabad », signifiant qu’il n’avait de contrôle réel qu’autour de la capitale. Ce sentiment s’est encore renforcé depuis les attentats.

  • 3. Les hooligans ont reçus le champ libre

Autre similitude remarquable:au moment où les gens ordinaires sont choqués, des hooligans disposent du champ libre pour effectuer des actions parmi les plus improbables. A Bruxelles, un hommage a été perturbé à la Bourse tandis que des milliers de fondamentalistes ont mené  une action à Islamabad qui rappelle celle des hooligans (vandalisme inclus) sans que le gouvernement ne s’y oppose. Tous les responsables se sont ensuite rejeté la faute les uns sur les autres. Cela porte encore plus atteinte à l’autorité du gouvernement, « le gouvernement de la ville d’Islamabad » n’a même pas Islamabad sous contrôle.

  • 4. La discussion en cours: que pouvoir faire ?

Avec toutes les discussions autour de la responsabilité militaire et politique, le nœud du problème n’a pas non plus été abordé au Pakistan : Comment est-ce possible que des jeunes puissent se radicaliser à ce point et aller jusqu’à se faire exploser ? D’où viennent ces groupes tels que les Talibans ou l’Etat Islamique et comment parviennent-ils à toucher une couche déterminée de personnes qui finiront par commettre des crimes effroyables ? Un dicton en Pashto dit (traduction libre) : « Lorsque le four est chaud, n’importe qui peut y faire cuire son pain ». Autrement dit : il faut se pencher sur les conditions matérielles et sociales dans lesquelles le terrorisme se développe et parvient à toucher une certaine couche de la population. Mais on a l’habitude de se taire à ce sujet.

Différences

Il y a bien sûr de grosses différences entre Bruxelles et Lahore. La population pakistanaise a malheureusement l’habitude des attentats. Il y avait eu un certain retour en arrière ces derniers mois mais des attentats encore plus graves ont eu lieu dans une école de Peshawar et plus tôt sur la communauté chrétienne de Lahore. Il y avait aussi eu l’occupation de l’aéroport de Karachi.

La violence sectaire sévit au Pakistan, avec des groupes réactionnaires qui reçoivent depuis de nombreuses années le soutien de certaines parties de l’establishment. L’interprétation de cette violence est différente de ce que nous connaissons ici. Ainsi, la raison de la protestation des fondamentalistes à Islamabad était la condamnation de l’assassin du gouverneur de Pendjab, dont la mort s’inscrivait dans le cadre d’une loi sur le blasphème et était donc justifiée aux yeux de l’auteur du crime.

Les conditions sociales au Pakistan y sont bien plus déplorables, il y existe une grande pauvreté. Le mouvement des travailleurs n’a pas pu s’y imposer comme une force nationale au moyen d’une grande mobilisation, celui-ci ne s’est jamais réellement remis de la dictature des années 80’ ni de la politique néolibérale qui a suivi à partir des années 90’.

En conclusion, le point commun le plus saisissant entre ces deux pays est l’immense solidarité qui a émergé au sein de la population pendant que les pyromanes que sont les dirigeants continuent à jeter de l’huile sur le feu et n’ont toujours pas de réponses à donner face à ce four brûlant dans lequel des réactionnaires de toutes sortes peuvent y faire cuire leur pain.

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