Opel : Provocations à la chaîne

Malgré les bons résultats successifs du siège d’Opel à Anvers, l’augmentation de la flexibilité (notamment des horaires ultra-flexibles) et une flopée de cadeaux des divers gouvernements, l’avenir d’Opel-Anvers reste incertain. La direction a provoqué les travailleurs et n’a fait que de faibles propositions. Après un référendum polarisé, les travailleurs sont retournés au turbin mais sans aucune confiance dans la direction.

Par Geert Cool, 1er suppléant sur la liste du Sénat néerlandophone

Le CAP au piquet : Une solidarité appréciée

Comme à VW, le bus de solidarité du CAP a été constamment présent au piquet de grève d’Opel, à la seule exception du 1er mai. Le bus offrait une assistance pratique aux grévistes: un endroit chaud où on peut boire une tasse de café ou mener une discussion. Nombreux sont les travailleurs d’Opel qui ont remercié les militants du CAP présents pour leur participation et leur présence.

Nous en avons discuté avec Thomas B., un jeune membre anversois du MAS/LSP présent quasiment jour et nuit au piquet de grève.

« Après le 1er mai, j’étais presque toujours au piquet. Il était important d’être là, même quand il n’y avait pas beaucoup de monde, pour montrer que les travailleurs n’étaient pas seuls dans leur lutte. J’étais notamment présent aux assemblées d’information.

« Les réactions au bus de solidarité étaient extrêmement positives. Les travailleurs étaient contents de notre soutien. En plus, le bus est bien pratique pour s’asseoir un moment et discuter. Pour ceux qui sont restés au piquet pendant des heures, il était vraiment le bienvenu.

« Au début, il n’y avait pas vraiment beaucoup de monde au piquet et l’atmosphère était à l’abattement. On avait l’impression qu’il y avait un piquet parce que c’est comme ça que les choses se font. Au fur et à mesure qu’augmentaient les provocations de la direction, l’atmosphère devenait plus combative. Tous se rendaient compte que le nombre de voitures proposé était trop bas, que c’était inacceptable.

« Le piquet n’était pas très bien organisé, ce sont vraiment les provocations de la direction qui ont rendu le piquet aussi vivant. Malheureusement, la division était forte entre les différents syndicats. La FGTB revenait régulièrement sur le fait que la CSC n’avait pas rejoint la grève contre le Pacte des Générations le 7 octobre 2005. Il était aussi frappant que le syndicat libéral comptait certains militants combatifs. Après le référendum, le délégué FGTB Rudi Kennes a distribué son matériel électoral pour le SP.a. Ça a été ressenti comme un geste très cynique.

« Pour les mois qui viennent, je pense que le moindre problème peut entrainer de nouvelles actions. Certainement dans l’équipe de nuit, où la grande majorité avait voté pour la poursuite de la grève. La bombe peut exploser rapidement… »

Provocations

La direction a joué avec le feu, mais après avoir su vendre presque tout aux directions syndicales, elle espérait sans doute pouvoir faire de même avec les travailleurs sans susciter de réactions. Aucune grève n’avait suivi l’annonce des 1.400 licenciements et la direction a ainsi pu continuer ses agressions car la faiblesse appelle l’agression (voir l’AS de Mai).

En plus des licenciements annoncés, des milliers d’emplois supplémentaires sont menacés car la survie de l’usine n’est absolument pas garantie. Seul un modèle de Chevrolet serait produit à Anvers mais pour seulement 80.000 unités par an (pour une capacité totale de production de 250.000). Cette proposition inacceptable a conduit à la grève.

La direction a tenté de mettre à la porte les travailleurs temporaires, qui bossent surtout dans l’équipe de nuit, faute d’avoir un contrat fixe qui leur permettrait d’accéder plus facilement aux équipes de jour. Cette tentative a heureusement été déjouée.

Après cela, la direction a fait travailler une partie des cadres d’Opel dans les bâtiments de la fédération patronale Agoria, dans le but évident de casser le piquet de grève.

Qu’est devenue la journée d’action nationale ?

Après le référendum, les travailleurs d’Opel ont repris le travail. Le résultat de ce vote était assez serré : 50,39% des 3.735 participants ont voté pour la reprise, après la promesse de l’arrivée d’un deuxième modèle et de la porte laissée ouverte à un troisième dès 2009 (mais qui devra certainement être retiré d’une autre filiale de GM en Europe).

Avec les deux modèles, la production monterait à 120.000 voitures par an, et jusqu’à 150.000 à 160.000 avec les trois modèles. Cela signifie donc toujours que près de la moitié de la capacité de production ne serait pas utilisée. A l’assemblée d’information sur les propositions de la direction, le mécontentement s’était invité à la table. Des réactions extrêmement hostiles se sont manifestées, particulièrement au sein de l’équipe de nuit.

Par contre, les propositions claires pour mener la lutte brillaient par leur absence. La direction syndicale a expliqué les propositions de la direction “aussi objectivement que possible” mais n’a fait aucune référence à la journée d’action annoncée le 1er mai. Par contre, elle a affirmé que si la grève se poursuivait après le 10 mai, cela serait pour au moins deux semaines, avec les conséquences financières habituelles pour les travailleurs. Cela explique la division du vote : directions de l’entreprise ou syndicales ne jouissent d’aucune confiance face au mécontentement et à la rage des travailleurs.

Le référendum aurait été bien différent si un véritable travail de mobilisation pour une journée nationale d’action avait été menée dès les premières déclarations. Le lien avec VW-Forest aurait pu être fait facilement mais aussi avec les sous-traitants – comme Johnson Control où les licenciements pleuvent également – qui ont bien besoin de mener une lutte commune avec les travailleurs d’Opel-Anvers. Une journée d’action contre l’ensemble des licenciements aurait pu construire des liens de solidarité à travers les différents secteurs et aurait pu opposer les profits records réalisés par les patrons aux nombreuses attaques contre nos emplois, nos salaires, nos conditions de travail,… De plus, juste avant les élections, une telle journée d’action aurait eu un grand impact politique. A moins que ce ne soit justement cela qui était à éviter ?

Et maintenant ?

A court terme, pour le personnel, la coupe est pleine et la goutte d’eau qui fera de nouveau déborder le vase n’est pas loin. Cela, la direction l’a bien compris. Après le référendum du jeudi 10 mai, elle a attendu le lundi pour faire reprendre la production afin d’éviter des actions spontanées. Mais elle a quand même déclaré le 16 mai que les salaires de la journée où ont eu lieu les premières assemblées d’information ne seraient pas payés. De nouveau, l’entreprise a été paralysée puisque la direction n’a, une fois de plus, pas tenu ses promesses.

La rage reste grande et la crainte de voir se profiler un scénario de fermeture reste réel. Ne produire chaque année que 120.000 voitures est insuffisant pour une usine aussi grande et aussi moderne. De plus, l’annonce que les coûts de production « doivent » baisser de 1.000 EUR par unité laisse présager de nouvelles attaques.

La disparition de la journée d’action nationale est la plus grande opportunité manquée. Aux piquets de grève, la combativité était palpable, bien que freinée par les fortes divisions entre les différents syndicats. Mais cette combativité n’est pas suffisante, elle doit aller de pair avec un bon plan d’action pour lutter pour le maintien de chaque emploi !

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