Vers une Europe génétiquement modifiée ?

Les nouvelles mesures européennes autorisent depuis peu la culture des OGM dans l’Union Européenne, laissant ‘‘libre choix’’ aux Etats-membres d’autoriser ou non ce type de culture. Tous les Etats membres, à l’exception de la Belgique et du Luxembourg (qui se sont abstenus), ont donné leur accord à ce compromis. En plus des dangers pour la santé et des avis scientifiques opposés à l’application actuelle de la technique des OGM, cette décision de l’UE a un enjeu économique et social conséquent.

Par Olivier V (Liège)

A l’heure actuelle, 53% du marché mondial des semences sont contrôlés par 3 multinationales, dont Monsanto qui fait déjà beaucoup parler d’elle, qui font à elles trois un bénéfice net cumulé de 18 milliards de dollars par an. Ces grandes compagnies de l’industrie agro-alimentaire ont déjà racheté la majorité des plus petites entreprises du secteur et recherchent un monopole mondial, une implantation dans tous les pays cautionnant leur commerce d’OGM.

Concrètement, cette porte ouverte à la culture des OGM en Europe, cumulée, et aux possibilités d’attaquer les Etats les uns après les autres devant l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), et à la logique de ‘‘tous pouvoirs aux entreprises’’ qu’est le Traité Transatlantique (qui vise à créer une zone de libre-échange entre les USA et l’Union Européenne), nous promet un avenir à l’image du film ‘‘L’aile ou la cuisse’’ : du Tricatel dans chaque ménage, une alimentation de base encore plus dictée par une poignée de grands actionnaires pour qui notre santé doit céder la place à leur soif de profits. C’est la dictature des 1% servie dans nos assiettes.

Concrètement, ces multinationales agro-alimentaires découragent les cultures traditionnelles par tous les moyens. La stérilisation de leurs graines empêche toute nouvelle récolte sans avoir à nouveau à s’approvisionner en graines auprès de la multinationale. Un lobbying intense vise à pousser des lois interdisant l’échange de variétés entre paysans, la récolte et l’utilisation de graines sauvages mais aussi… la culture privée dans son jardin ! Leur rêve, ce sont des monocultures à grande échelle, comme ce qu’a connu l’Afrique dans les années ’90, quand la majeure partie des cultures vivrières fut remplacée par des monocultures (de coton, d’arachide, etc.) destinées à l’exportation. Elles veulent aussi la mort des groupes d’achats communs et celle des potagers collectifs, la suppression de l’entraide et de la collectivité.

Que faire ? Le Groupe ETC (Action Group on Erosion, Technology and Concentration), par exemple, dénonce à juste titre le pouvoir qu’ont ces entreprises sur l’alimentation dans le monde: “C’est un grand mensonge que d’affirmer qu’en intensifiant la production industrielle avec les technologies du nord (semences OGM, pesticides et génétique animale, promus par les corporations) la population mondiale aura des aliments pour survivre.” Il met en avant des revendications comme l’interdiction qu’une entreprise contrôle plus de 10% du marché agro-alimentaire et d’interdire à toute entreprise la vente de semences dont la productivité dépend des produits agro-chimiques de cette même entreprise.

C’est, hélas, d’une part insuffisant, mais aussi très naïf dans la mesure où cela laisse l’initiative aux mains de gouvernements qui ne cessent de balayer toute réglementation. Comment imaginer que ces mêmes gouvernements qui attaquent les salaires et les conditions de travail, qui privatisent et libéralisent le secteur public et qui assouplissent chaque législation pour qu’elles soient plus favorables aux entreprises, appliquent de telles mesures ? Le secteur agro-alimentaire, tout comme les secteurs clés de l’économie (énergie, finance, santé,…), doivent être retirés des mains du privé et placé sous contrôle et gestion démocratiques de la collectivité.

A cette fin, seule la construction d’un rapport de force sur le terrain – qui lie la question de notre alimentation au reste des thématiques sociales et environnementales en défendant la nécessité de renverser le système capitaliste – peut livrer une solution autre qu’un cache-misère.

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