[Conseil lecture] “Un détail mineur”, par Adania Shibli

En octobre dernier, “Un détail mineur” a fait la une des journaux et des cercles créatifs après l’annulation d’une cérémonie de remise de prix à l’auteure palestinienne à la Foire du livre de Francfort. Les organisateurs ont invoqué les actions du Hamas comme pitoyable prétexte, une excuse répétée à l’envi pour réduire au silence et censurer de nombreux artistes et activistes palestiniens au cours des derniers mois.

Par Amy Ferguson, Socialist Party (ASI-Irlande)

L’attaque aveugle lancée par le Hamas le 7 octobre n’est évidemment pas de la responsabilité D’Adania Shibli ou de tout autre personne de Palestine qui cherche à s’exprimer et à s’opposer à la violence et événements bouleversants subis des mains de l’État israélien. Heureusement, la communauté des écrivains a réagi et plus de 1.300 d’entre elles et eux ont signé une lettre ouverte condamnant la décision de la foire du livre. Le précédent est important. La solidarité avec les victimes de la censure et de la partialité de l’impérialisme est la meilleure riposte, des cartes blanche aux manifestations, actions de grèves et autres formes d’action collective.

“Un détail mineur” se divise en deux parties. La première partie suit un général de l’armée israélienne et ses troupes en mission dans le désert du Néguev en 1948, dans le but de poser les fondations d’une nouvelle colonie israélienne, dans le cadre de ce qui est connu aujourd’hui comme la “Nakba”, la catastrophe. Les journées des soldats sont faites d’exercices militaires, de creusement de tranchées et d’observation des environs à la recherche des populations locales. Lorsqu’ils trouvent un petit groupe d’Arabes, les soldats tirent pour tuer. Mais ils font une prisonnière. Après l’avoir gardée en otage plusieurs jours durant, les soldats la violent et l’assassinent.

La seconde partie du roman suit les pas d’une Palestinienne de Cisjordanie qui prend connaissance du drame et d’un “détail mineur” : le fait qu’il se soit produit vingt-cinq ans jour pour jour avant sa naissance. La quête d’informations dans laquelle elle se lance n’est toutefois pas évidente. Pour quitter son village, désormais sous contrôle de l’Etat israélien, elle doit emprunter une carte d’identité qui l’autorise à traverser plus de zones. Sans poser de questions, deux de ses collègues l’aident à obtenir ce dont elle a besoin pour pouvoir quitter la zone qui lui a été attribuée.

Suit alors l’angoisse liée aux divers postes de contrôle tenus par des soldats qu’elle doit franchir. Elle affronte par après l’extrême réticence de la classe dirigeante israélienne et de son régime colonial et impérialiste à divulguer des informations de nature à exposer sa brutalité et à ébranler sa position.

“Un détail mineur” est un roman fantastique dont les 112 pages contiennent un message politique poignant et incisif. Il est tout à la fois désorientant, horrible mais plein d’espoir, et nous met au défi de regarder en face ce à quoi ressemble l’horrible normalisation de la violence et du contrôle quotidiens que subissent les masses palestiniennes. Une lecture recommandée pour toutes celles et ceux qui veulent en savoir plus sur la réalité de la vie des Palestiniens en Cisjordanie et au-delà.

ADANIA SHIBLI. « Un détail mineur ». Roman traduit de l’arabe (Palestine) par Stéphanie Dujols. Sindbad. Actes Sud. 126p.16€

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