« Notre travail, c’est déjà une lutte au quotidien, on était prête à résister! »

 Débat sur la lutte des travailleuses grecques du secteur du nettoyage organisé par Syriza-Belgique

Par Marisa et Maud (Bruxelles)

Ce 5 avril 2014, au lendemain de l’euro-manifestation, Syriza-Belgique organisait à Bruxelles un débat autour de l’action entreprises par les travailleuses grecques du secteur du nettoyage mises en disponibilité par le Ministère des Finances, une lutte menée avec détermination depuis huit longs mois pour récupérer leur emploi. Ces travailleuses sont organisées en un comité d’actions spontané, elles sont peu voire pas du tout soutenues par le syndicat et assurent une présence quotidienne devant la caisse d’impôts d’Athènes pour y réclamer l’emploi dont l’État grec les a privées pour servir les diktats de la Troïka.

En effet, l’Europe impose à la Grèce de licencier un certain pourcentage de travailleurs du secteur public à titre d’ « assainissement ». Ce cas précis illustre bien toutes les contradictions du système capitaliste. En vue de satisfaire les exigences d’austérité au niveau des services publics, les travailleuses en place sont mises en disponibilité et seront officiellement licenciées au mois de mai pour être remplacées par des travailleuses du secteur privé, certes moins bien payées qu’elles mais, au final, l’opération coûtera plus cher à la communauté à cause de l’interférence d’une entreprise de sous-traitance et aussi, dans une moindre mesure, du fait que les travailleuses licenciées n’ont, à présent, plus les moyens de payer leurs impôts.

Les travailleuses en poste au service de nettoyage du Ministère des Finances semblaient la cible toute trouvée. Ce service était, en effet, composé exclusivement de femmes, toutes âgées de plus de 50 ans et dont on pouvait imaginer qu’elles n’opposeraient aucune résistance à leur licenciement. Grave erreur ! Malgré la violente répression dont la police a fait preuve face à leurs actions, blessant certaines d’entre elles, elles sont plus que jamais déterminées à poursuivre la lutte. Elles souhaitent servir d’exemple à leurs concitoyens qui sont tous dans une situation qu’on pourrait qualifier de guerre économique ou de mort à petit feu. Le taux de chômage en Grèce atteint les 27%, pour les femmes, c’est du 62.8%. Le nombre de suicides a d’ailleurs explosé : on en dénombre 7.000 depuis le début de la crise, l’équivalent de la disparition d’une petite ville.

Le combat exemplaire de ce groupe de femmes de ménage est maintenant connu dans tout le pays et elles ont réussi à fédérer autour d’elles des travailleurs d’autres secteurs – qu’ils soient déjà licenciés ou encore en service – comme, par exemple, le personnel de garderie au sein des écoles, des professeurs mais aussi des syndicalistes du métal qui ont mené une grève de huit mois et elles reçoivent beaucoup de soutien d’une manière générale. La lutte des travailleurs de la télévision publique qui continuent à émettre sur internet leur sert de motivation aussi.

C’est à la fin du mois d’août 2013, à l’annonce de leur licenciement, que le comité d’actions s’est spontanément constitué, lors d’une assemblée après un appel aux volontaires.

C’est donc les travailleuses elles-mêmes, avec le soutien de la campagne « Solidarity for All » (www.solidarity4all.gr) qui, depuis septembre 2013, organisent des actions de protestation quotidiennes devant le Ministère des Finances à Athènes pour revendiquer leur droit au travail, à la sécurité sociale et à leurs pensions. Tout ce dont elles ont été privées au nom de l’austérité.
Au cours du débat avec la salle, l’énorme exode de la jeunesse que connaît le pays actuellement a été mis, à plusieurs reprises, en parallèle avec l’immigration massive de la population grecque dans les années 1950. Plusieurs personnes ont pu témoigner de la misère et de la forme d’esclavage dans lesquelles se trouvaient les travailleurs grecs immigrés à cette époque. Il a aussi été souligné que la fuite des jeunes Grecs à l’étranger fait l’affaire de l’establishment puisqu’étant hors du pays, ils sont privés de leur droit du vote alors qu’ils pourraient constituer une menace à la réélection des politiciens en place. Plusieurs participants espéraient que les jeunes tirent les leçons enseignées par l’Histoire et témoignaient d’une forme de désillusion de la jeunesse à ce stade face au manque de perspectives et à l’énorme répression des mobilisations. Cependant, elles rappelaient aussi que la jeunesse a mené plusieurs combats importants auparavant contre les privatisations dans l’enseignement et pourraient très vite se remobiliser.

Il a été aussi mis en avant comment la profondeur de la crise et l’austérité sauvage ont polarisé la société grecque. Un des résultats a été la montée d’Aube Dorée, responsable d’attaques brutales contre immigrants et activistes de gauche et encore troisième force politique du pays. Les travailleuses à la tribune regrettaient le sort de Mamadou Ba, présent dans l’assemblée, et lui ont réaffirmé leur solidarité. Il s’agit de ce jeune militant antifasciste immigré guinéen contraint de quitter la Grèce après avoir subi une terrible attaque d’Aube Dorée. Cela montre la nécessité urgente d’élargir le mouvement antifasciste jusqu’à présent mené par des organisations comme Xekinima (section grecque du CIO), quelques composantes de Syriza et Antarsya, organisations antiracistes et d’autres activistes non-organisés.

Il a été rappelé à plusieurs reprises que la Grèce sert de laboratoire à l’Europe et que des recettes identiques sont utilisées dans d’autres pays pour casser les mouvements de contestation et se constituer une réserve de main-d’œuvre très bon marché. Qu’il est important d’en prendre conscience et de résister ensemble par-delà les frontières contre une Europe dont les travailleurs ne veulent pas et dont ils sont les victimes.

L’une des travailleuses en lutte a conclu la rencontre en rappelant qu’il sera important de se souvenir de quelle Europe nous souhaitons au moment de voter le 25 mai prochain, qu’un gouvernement qui applique l’austérité n’est pas acceptable et qu’il faut que la Grèce, berceau de la démocratie, fasse tout pour la faire revenir cette démocratie qui aujourd’hui, n’est plus là !

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