Mali : l’intervention impérialiste n’offre aucun espoir à la classe des travailleurs

Du Libéria au Congo et à la Somalie, de la Sierra-Léone au Rwanda et au Burundi, du Soudan au Sud-Soudan et au Kenya, en Côte d’Ivoire, au Nigéria et maintenant au Mali, une grande proportion de pays post-coloniaux et néo-coloniaux d’Afrique sont victimes de faillites étatiques. Comme le Démocratic Socialist Movement (DSM) l’a toujours défendu, la raison sous-jacente de cette faillite (qui se manifeste par des guerres, des rébellions, des coups d’états et l’instabilité gouvernementale), c’est l’incapacité des Etats à satisfaire les besoins essentiels des masses.

Par Lanre Arogundade, Démocratic Socialist Movement (CIO-Nigéria)

  • Rubrique de ce site consacrée à l’Afrique

Mais le glissement vers le chaos et l’anarchie est encore plus appuyé par, de temps à autre, des questions ethniques non-résolues, dont les racines se trouvent dans la volonté de s’accaparer des ressources naturelles et dans le dessin de frontières artificielles par les anciennes puissances colonisatrices.

Il y a également l’intégration des pays africains néo-coloniaux dans le giron du capitalisme mondialisé – ce qui correspond de facto à l’agenda de re-colonisation – qui est venue avec l’imposition de politiques publiques néo-libérales et anti-pauvres à travers lesquelles la richesse se concentre en un nombre toujours plus restreint de mains pendant que l’immense majorité des pauvres et des travailleurs souffre de privations.

La vraie tragédie de l’Afrique, c’est que ces pays sont riches en ressources humaines et naturelles, à tel point qu’une telle pauvreté devrait être une abhérration. Cependant, comme nous le voyons tous les jours, ces ressources sont sources de beaucoup plus de maux que d’aides. Ainsi, parfois, plus riche en minérai est le pays (comme la RDC ou le Nigéria) plus grand est le nombre de guerres, de guerres civiles ou le chaos de ce pays.

Au dela de cela, la crise qui secoue le Mali n’est que le dernier chapitre d’un conte sordide. La réalité reste qu’en dépit de l’intervention de l’impérialisme francais et des forces de la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), ce ne sera pas la dernière crise à cause de la fragilité croissante des soi-disantes démocratie africaines. C’est cette fragilité qui a fait que la classe dirigeante malienne (civile ou militaire) s’est jetée dans les bras des forces d’intervention étrangères. Les jeunes officiers formés par les Etats-Unis, qui avaient préalablement planifié un coup d’état contre le gouvernement civil, ont dû se rétracter quand ils se sont rendus compte du sous-équipement et de la sous-motivation de leurs troupes.

Aucune défaite des forces islamistes au Nord Mali ne pourra sortir la grande majorité des maliens de la pauvreté aussi longtemps que le système d’oppression capitaliste se maintiendra aux commandes.

Bien que la cause immédiate de la crise actuelle est la pression des restes des forces touaregs (qui ont conservés leur loyauté d’autrefois à l’ex-régime de Muhammar Khadafi) pour obtenir par la force leur Etat propre, le facteur déterminant dans cette crise reste le fait que le gouvernement de Bamako a pratiquement perdu toute légitimité à cause de son incapacité à résoudre les problèmes fondamentaux auxquels est confrontée la population malienne. En lancant un appel à l’intervention militaire étrangère, la classe dirigeante malienne a agit de facon à classer l’affaire, après avoir précipité l’économie dans un état de dépendance envers l’aide étrangère qui lui permet à peine de survivre. Comme Walter Rodney le disait dans son livre Comment l’Europe a sous-développé l’Afrique, “Si le pouvoir économique est situé en dehors des frontières nationales de l’Afrique, alors le pouvoir politique et militaire est de fait situé en dehors des frontières nationales jusqu’à ce que les masses des paysans et des travailleurs se mobilisent pour offrir une alternative à ce système de parodie d’indépendance politique.”

En effet, c’est cette dépendance économique qui rend le Mali si vulnérable à n’importe quelle crise sur le marché des matières premières puisque les deux piliers de son économie restent la production agricole et la prospection d’or. En 2001, le Mali est devenu le 3° plus grand extracteur d’or d’Afrique avec 41 tonnes par an (après l’Afrique du Sud et ses 391 tonneset le Ghana avec 72 tonnes). Il n’est pas exclu que les riches réserves d’or du pays aient été une motivation majeure pour les rebelles, de même que l’étalage des vastes ressources minérales de RDC continue d’encourager des rébellions armées répétées et tout comme les “diamants du sang” constituent le facteur central dans la guerre menés par les rebelles de Charles Taylor qui toucha la région de la rivière Mano (Libéria, Sierra Léone et Côte d’Ivoire) des années ’90 jusqu’à tout récemment.

Pourtant, le Mali figure dans le classement des 25 pays les plus pauvres au monde selon l’Observatoire Economique Africains. La croissance économique s’est écroulée pour atteindre 1,1% en 2011, une situation économique attribuée en partie “ à la crise post-électorale de la Côte d’Ivoire, à la guerre en Lybie et à la flambée des prix du pétrole, du gaz et de la nourriture”, avec comme conséquence un boom de la pauvreté pendant que le chômage frappe les catégories les plus jeunes de la population dont 15,4% des 15-39 ans. “Les jeunes sans emploi représentent 81,5% du total des sans emlplois du pays.” Tout cela est arrivé après que le pays ait accepté le prêt du FMI qui précède chronologiquement l’incursion rebelle au Nord-Mali

Malheureusement, ce niveau de pauvreté n’arrêtera pas les impérialistes dans leur volonté de faire payer au pays les frais liés à l’entrée en guerre, tout comme l’Irak a dû le faire et doit toujours le faire pour la guerre du Golfe, via ses ressources pétrolières, ou comme le Libéria a dû payer sa propre guerre avec ses abondantes plantations de caoutchouc qui sont désormais vendues insouciamment à des intérêts économiques étrangers. Le plus grand propriétaire mondial de caoutchouc peut se vanter de ne pas détenir sur son territoire national la moindre usine de caoutchouc ne serait-ce même que pour les semelles de pantoufles…

Au Mali, cette volonté se présente sous la forme de nouvelles exploitations impitoyables des gisements d’or et de la politique économique néo-libérale via la privatisation des principaux secteurs de l’économie.

Des pays comme le Nigéria sont extrêmement désireux de contribuer à l’envoi de troupes au Mali, car ils sont confrontés à leurs propres crises internes. La classe dirigeante Nigériane s’appuie sur les services secrets étrangers (américains, israëliens et anglais) pour faire face aux campagnes de bombardements de Boko Haram (organisation islamiste nigériane qui est en rébellion armée dans ce pays et est également présente au Mali, ndlr ). Apparemment, cette intervention est aussi un moyen d’envoyer l’avertissement que l’utilisation de la force brute soutenue par des puissances étrangères peut devenir une option au Nigéria.

Cependant, nous devons mettre en garde contre cette réponse musclée et militaire qui échouera à enrayer la menace posée par l’insurrection de Boko Haram. Il convient de rappeler que ce sont les brutales réponses militaires – avec le meurtre de sang-froid du leader de Boko Haram, Mohammed Yusuf, en 2009 – qui ont conduit à l’escalade des activités de Boko Haram avec son cortège de massacres insensés et de destructions debridées des institutions d’Etat et de bâtiments l’Eglise, tous deux percus comme des ennemis.

Pareillement, après des années d’expéditions militaires par les pouvoirs capitalistes mondiaux menés par les Etats-Unis – et qui ont coûté des milliards de dollards et la vie de centaines de milliers (si ce n’est de millions) de soldats et de personnes sans défenses – des pays comme l’Afghanistan, l’Irak, le Pakistan ou encore la Lybie où les forces impérialistes ont mené une guerre contre les soi-disant terroristes, restent les pays les plus instables, où la pauvreté règne, des pays non-démocratique et plus divisés que jamais.

Evidemment, les conséquences de l’actuelle expédition impérialiste au Mali ne va qu’empirer la situation politique et sociale du Mali et du Nigéria qui a donc envoyé des soldats commme composantes des troupes de la CEDEAO. Les insurgés tuant déjà beaucoup de soldats déployés au Mali.

Les véritables socialistes et les véritables militants de la classe ouvrière continueront de s’opposer à l’intervention impérialiste au Mali et dans d’autres parties de l’Afrique car elle n’offre aucune perspective d’espoir pour les travailleurs. Mais les forces de la désintégration continueront d’être présentes tant qu’il n’y aura pas d’intervention décisive de la classe ouvrière agissant de concert avec les paysans pauvres et les fermiers.

Il est donc devenu impératif de faire croître la conscience sociale des travailleurs à travers la construction d’un puissant mouvement politique avec l’objectif de conquérir le pouvoir sur base des idées socialistes.

Seul un gouvernement des travailleurs et des paysans pauvres pourra opposer la garantie du droit à l’autodétermination aux tentatives des groupes armés de s’imposer non démocratiquement et par la force aux populations.

Du Mali au Nigéria, au Libéria, au Kenya et au Soudan, un tel gouvernement devra prendre les décisions pour aller vers la nationalisation des secteurs clés de l’économie sous contrôle démocratique et la gestion des travailleurs dans l’objectif de libérer les ressources nécessaire à la réalisation d’un programme d’investissement public massif dans l’éducation, la santé, les logements et les infrastructures rurales.

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