Le 20 décembre 2023, plus de 40 millions de personnes étaient appelées aux urnes dans plus de 75.000 bureaux de votes. À cause de la situation sécuritaire ou logistique, certaines régions n’ont tout simplement pas pu voter. 100.000 candidats se présentaient, de même que 70 partis et coalitions différentes. La perte d’influence de la clique de Kabila sur les institutions politiques a été confirmée, de même, surtout, que la montée en puissance de l’entourage de l’actuel président.
Par Alain (Namur)
Pour beaucoup d’observateurs officiels, ces élections étaient un test à la suite des dernières échéances électorales où, à leurs dires, la première transition politique pacifique de l’histoire du pays avait eu lieu. En dépit d’une fraude électorale grotesque, l’arrivée de Félix Tshisekedi au pouvoir avait été acceptée par la “communauté internationale”. Le compromis entre Kabila et Tshisekedi devait permettre la stabilité relative de ce pays à la grande importance géostratégique. D’autre part, pour l’Union européenne et les États-Unis, Tshisekedi était et est toujours estimé plus sûr concernant les relations internationales.
Un résultat connu d’avance
Durant son premier mandat, à la suite d’un compromis électoral frauduleux avec l’ancienne clique électorale au pouvoir, Tshisekedi avait littéralement acheté sa majorité présidentielle. Cette position dominante et l’absence d’opposition organisée ont joué un grand rôle dans l’obtention d’un score majeur lors des élections de décembre dernier : 73,47%. Mais ces résultats sont fortement contestés par l’opposition qui a appelé à une manifestation rapidement interdite et réprimée. L’ensemble du processus électoral a été marqué par la fraude, les irrégularités et les difficultés logistiques.
Tshisekedi avait nommé un proche à la tête de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Denis Kadima, qui a tout fait pour favoriser son allié. L’opacité était de mise et de lourds soupçons de prise d’intérêt entourent l’institution. Malgré les divers maquillages, 82 élections de député-e-s ont été annulées suite à de graves constats d’irrégularités impossibles à nier. Tshisekedi dispose aussi de l’UDPS, un des partis les mieux structurés de la vie politique congolaise. Son père, Etienne, avait à l’époque rompu avec le MPR de Mobutu, l’ancien parti unique de la dictature qu’il avait contribué à créer, et s’est installé comme « l’opposant éternel » de Mobutu, puis de Kabila père et fils. Cela a contribué au crédit de son groupement politique.
Enfin, Tshisekedi n’a pas hésité à jouer la politique de diviser pour mieux régner. Il a maintenu la politique de gerrymandering (un découpage intéressé des circonscriptions électorales) au niveau provincial afin d’affaiblir son principal opposant. Il a favorisé les élites de sa communauté pour obtenir leur soutien. Il a aussi restreint l’autonomie des provinces pour accroître la centralisation du pouvoir.
Quelle issue pour la majorité sociale ?
Les élections ont acté le fait que la famille politique qui dirigeait le pays a bel et bien changé. Mais la situation n’a pas bougé pour la majorité sociale. La population s’est pourtant déplacée en masse pour aller voter. Le courage et la patience nécessaires pour atteindre des bureaux de vote souvent fort éloignés témoignent de l’attachement réel aux conquêtes réalisées suite au combat contre le troisième mandat de Kabila en 2016-2019.
Défendre les acquis de cette lutte est primordial. Mais c’est insuffisant. Dans beaucoup de pays d’Afrique de l’Ouest qui avaient connu une relative stabilité institutionnelle, l’impasse de la crise politique a conduit à une suite de coups d’État. Dans ces régions, les illusions envers la démocratie sont en train de tomber, non pas parce que les gens ne sont pas attachés à leur droit démocratique, mais parce que le régime politique n’a pas résolu les problèmes auxquels la majorité sociale fait face. Un des éléments qui sera crucial au Congo et dans la région sera de reconstruire des organisations indépendantes pour que la majorité sociale puisse faire entendre ses intérêts.
- Selon le président de la Conférence épiscopale au Congo.