État espagnol : Les violeurs de « La Meute » condamnés par la Cour suprême

“Ce n’est pas un abus, c’est un viol” et “Nous te croyons”. Mobilisation de la jeunesse contre la première décision de la justice, où les violeurs de la « meute » avaient été condamnés à des peines très légères. La contestation de masse a fait pression pour qu’un verdict différent soit rendu.

Une victoire importante pour le mouvement féministe de masse

La Cour suprême espagnole a porté les condamnations dans l’affaire de la « Manada » (la meute) de Pampelune à 15 ans de prison pour les cinq coupables, ce qui représente une victoire importante pour le mouvement féministe de masse. La Cour a également clairement statué que la jeune femme de 18 ans avait été violée et qu’elle n’était donc pas seulement victime d’un abus sexuel, une accusation moindre.

Article de John Hird, membre du Comité pour une Internationale Ouvrière dans le Pays Basque.

Cette affaire scandaleuse s’est poursuivie pendant près de trois ans et a provoqué un mouvement de masse de femmes, et plus largement de la classe des travailleurs et de la jeunesse, dont les slogans « yo sí te creo » (je vous crois) et « no es abuso, es violación » (Ce n’est pas un abus, c’est un viol) se sont fait entendre à travers le monde.

L’affaire a mis en lumière non seulement les violences sexuelles subies par les femmes, mais aussi l’indifférence du système judiciaire rempli de juges réactionnaires aux vues sexistes et rétrogrades. Cela est particulièrement prononcé dans l’État espagnol, où la machine d’État est directement héritée du franquisme. Tous les juges qui ont participé à la décision d’accorder des peines moins lourdes aux violeurs de la Manada, ce qui les a maintenus hors de prison, devraient être révoqués et le mouvement ouvrier devrait exiger une révision complète de l’injuste système judiciaire espagnol. Il devrait être remplacé par un véritable système judiciaire géré par et dans l’intérêt de la classe des travailleurs et des opprimés, avec des juges élus et soumis au droit de révocation.

Une victoire pour le mouvement de masse

Il est clair que la “justice” espagnole n’a pas soudainement “vu la lumière” et corrigé une terrible injustice parce que le système “fonctionne”, comme le prétendent les politiciens. Non, l’establishment a vu les femmes et les travailleurs entrer en action dans un mouvement de masse, ce qu’ils redoutent. Ils ont réagi de la sorte pour éviter que des mobilisations encore plus importantes puissent voir le jour. Le mérite en revient à des groupes comme Libres y Combativas et le Sindicato de Estudiantes qui ont audacieusement appelé les jeunes à descendre dans la rue pour faire grève et manifester contre les verdicts initiaux, notamment lors de la grève générale massive des étudiants du 10 mai 2018.

C’est une grande victoire pour le mouvement de masse, mais de nombreux autres cas de violence contre les femmes existent dans l’État espagnol et les mobilisations et les campagnes doivent donc se poursuivre jusqu’à ce que le système judiciaire sexiste soit fondamentalement transformé de haut en bas. Il est également important de noter que cette victoire a été remportée malgré le rôle des dirigeants officiels du mouvement syndical, qui n’ont pris des mesures symboliques que lorsqu’ils y étaient contraints, en raison de pressions de la base devenues insupportables. Une gauche de masse et un mouvement syndical construit d’en bas avec une direction combative et révolutionnaire pourraient transformer totalement la situation et faire des victoires contre l’oppression, l’austérité et le capitalisme la dynamique dominante dans la lutte de classe.

Dans l’État espagnol, l’indignation face à la violence sexiste et à l’impunité dont jouissent les agresseurs de la part de la justice a occupé une place centrale dans l’émergence du mouvement de masse des femmes. Il faut reconnaître que la grande majorité de la violence envers les femmes se déroule à la maison, dans la famille. Des millions de personnes sont confrontées à ce cauchemard quotidien aggravé par les conséquences des mesures d’austérité.

Il existe d’importants parallèles avec d’autres pays, par exemple avec les manifestations #Ibelieveher (je la crois) en Irlande à la suite du procès très médiatisé du viol par des joueurs de rugby de Belfast, dans lequel le Socialist Party (CIO-Irlande) et ROSA, le mouvement socialiste féministe, ont joué un rôle clé.

Le mouvement dans l’État espagnol a été l’épicentre des mouvements des femmes à travers le monde, tant par son ampleur – des millions de femmes sont descendues dans la rue à plusieurs reprises – que par la manière dont l’action et la lutte de la classe ouvrière unie ont été mises en avant. Les deux magnifiques grèves générales féministes des 8 mars 2017 et 2018 en sont la preuve la plus significative : des millions de travailleuses et de travailleurs ont participé à des actions de grève et à des manifestations de masse. C’est d’une grande importance pour les féministes socialistes au niveau international, et cela montre la voie à suivre.

La réaction

Des politiciens réactionnaires critiquent ouvertement le nouveau verdict. Francisco Serrano, qui dirige le parti d’extrême droite VOX en Andalousie, a attaqué la décision de la Cour suprême en disant : « la relation la plus sûre entre un homme et une femme ne se fera que par la prostitution. Désormais, la différence entre avoir des rapports sexuels gratuits et les payer, c’est que le sexe gratuit pourrait vous coûter plus cher. » Plus tard, le porte-parole parlementaire de Vox dans la région de Murcie, Juan José Liarte Pedreño, a posté un message sur Facebook dans lequel il insultait la ministre de la Justice Dolores Delgado la traitant de « pute ».

La profonde polarisation politique de la société espagnole se reflète aujourd’hui clairement dans et à travers le mouvement de masse des femmes. En plus d’une rhétorique nationaliste espagnole enragée et anti-ouvrière, le parti d’extrême droite VOX défend un message fortement anti-féministe.

Le mouvement de masse qui a remporté cette victoire dans la rue ces dernières années doit rester vigilant et poursuivre la lutte contre la violence à l’égard des femmes, contre le système judiciaire injuste espagnol et contre tous les politiciens et juges réactionnaires. L’éradication du caractère réactionnaire des institutions étatiques espagnoles comme le pouvoir judiciaire ne peut être envisagée que sur base d’une rupture fondamentale avec le capitalisme et de la lutte pour le socialisme. Construire un parti socialiste révolutionnaire démocratique reposant sur la classe ouvrière et défendant le féminisme socialiste est une tâche cruciale qui nous attend.

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