Israël n’est pas ce pays homogène et uni contre un monde hostile cher à la propagande bourgeoise israélienne. Le vent des mouvements de masses sud-européens (les indignés espagnols et grecs), et bien sûr, des formidables révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord a soufflé sur les braises de la situation sociale dans le pays. Ainsi, le gouvernement – surpris et médusé – a vu pas moins de 300 000 personnes bousculer le régime en défilant dans la rue le 6 août après des protestations qui sont allées grandissantes depuis la mi-juillet.
Par Thomas (Namur)
Les raisons de cette explosion de protestations de masses, de loin les plus imposantes jamais observées en Israël, sont à rechercher au cœur même de la société de classe israélienne. La classe bourgeoise et son appareil d’État écrasent non seulement les Palestiniens et les arabes Israéliens, mais également sa propre population juive. À côté des salaires faramineux du patronat se trouvent, comme partout ailleurs dans la société capitaliste, énormément de laissés-pour-compte.
Plus d’un million de personnes survivent avec un salaire de 750 euros par mois dans un pays où le coût de la vie est supérieur à l’Europe occidentale, et 1.750.000 Israéliens vivent sous le seuil de pauvreté (sur une population de moins de huit millions de personnes). Le travail précaire est en hausse, et la politique néolibérale de l’État implique un sous-financement des secteurs publics au profit des groupes capitalistes privés (baisses de taxes,…). Si le gouvernement de droite et d’extrême droite joue la carte des colonies et du nationalisme en niant les droits démocratique à la population arabe du pays (27% de la population israélienne environ) et en faisant de Gaza une prison à ciel ouvert, la xénophobie et les discriminations touchent aussi les immigrés juifs d’Afrique du nord ou de Russie. On notera que la police israélienne n’a pas détruit les installations des Indignés du centre de Tel-Aviv devant les médias et les touristes, mais n’a par contre eu aucun remord pour brutalement intervenir dans les quartiers pauvres de la capitale ou dans les villes de province.
Le mouvement des tentes, qui n’est pas l’œuvre d’étudiants capricieux comme le hurle la bourgeoisie israélienne, n’a pas encore de perspectives politiques à long terme, se concentrant d’abord sur le droit au logement abordable. Il est composé, comme la jeunesse sud européenne, de jeunes qui cherchent une alternative au système néolibéral. Les professeurs, les cheminots, les taxis, les gardiens de prisons et mêmes des policiers ont aussi protesté à la suite de ce mouvement afin de dénoncer leurs conditions de travail, leurs salaires ou encore l’interdiction de se syndiquer.
Ce mouvement n’est pas isolé. Il y a également eu une manifestation pour une Palestine indépendante de plus de 10.000 personnes à Tel-Aviv le 4 juin, une grève des médecins qui dure depuis le mois d’avril, la lutte des travailleurs sociaux (sans l’appui des syndicats officiels) avec un grand soutien de la population,…
Nos camarades de Maavak Sozialisti, section du CIO en Israël/Palestine, militent notamment dans le syndicat Worker’s power (le pouvoir aux travailleurs), où ils incarnent la gauche de ce nouveau syndicat combatif. Celui-ci mène notamment la lutte syndicale à Haïfa chimicals, où les travailleurs sont en grève depuis le mois de mai et revendiquent un statut égal et un salaire à la hausse pour tous, arabes et juifs !
Parler de lutte de classe en Israël n’est pas un fantasme idéaliste, il s’agit d’une réalité que le régime cherche à masquer en instrumentalisant la question nationale. En ce sens, nos camarades de Maavak Sozialisti et les syndicalistes combatifs, notamment au sein de Worker’s power, doivent être soutenu par la gauche européenne.
Nous comprenons les objectifs de la campagne BDS (boycott-désinvestissement-sanction) et nous soutenons les actions contre les Dexia, deutsche Bank et autres groupes capitalistes comme Alstrom qui investissent dans les colonies. Mais un Boycott généralisé comme il est préconisé par BDS risquerait d’étouffer la classe ouvrière et la jeunesse précarisée et de les pousser dans les bras du régime sioniste, qui ne manque aucune occasion pour tenter de détourner la colère des masses.
Notre camarade Irlandais le député européen Paul Murphy (du Socialist Party, la section du CIO en République irlandaise) était présent sur l’un des bateaux de la Flottille de la Liberté pour Gaza (voir son interview). Le fait que le gouvernement israélien ai été jusqu’au sabotage démontre sa brutalité et sa stratégie mal calculée, embarrassée par les protestations de masses qui affluent de toutes parts, internationales mais aussi nationales.
Si cette contestation sociale en Israël est sans commune mesure avec les révolutions en Afrique du Nord et au Moyen Orient, les opportunités pour une gauche combative et réellement socialiste existent. Construire un parti de masse des travailleurs en Israël et en Palestine est essentiel pour donner à la colère populaire des perspectives politiques résolument anticapitalistes et joindre la question nationale aux luttes sociales. Comme le disait Karl Marx ; ‘‘Un peuple qui en opprime un autre ne saurait être libre’’.