Pays-Bas : des membres critiques du SP lancent un nouveau parti
Interview avec Rick Denkers, ex-président du SP à Emmen et membre de la direction provisoire du nouveau parti Solidara. La création de Solidara a été rendue publique à la mi-septembre après l’exclusion du député Düzgün Yildirim par la direction du parti.
Rick, d’où vient cette commotion dans le parti ?
Rick Denkers : Après les élections provinciales, il est apparu que le fonctionnement interne du SP était très déficient. Un parti qui récolte 16% des voix tout en continuant à fonctionner sur base de vieilles méthodes maoïstes se heurte évidemment à des problèmes. Ces dernières années, de nombreux socialistes ont adhéré au SP sans en partager le passé. Le manque d’espace pour le débat interne les heurte de plein fouet.
Le SP est vu comme une success story par une grande partie de la gauche en Europe. Ne connaît-il pas une euphorie consécutive aux victoires électorales qui permet à la direction d’empêcher toute discussion ?
RD : Non, ce n’est pas le cas. La base du parti est composée de militants, même si le SP compte beaucoup plus de membres sur papier. Aujourd’hui, ce sont justement les militants de base qui demandent un débat dans le parti. Et la seule réponse de la direction est la répression partout où ça se produit : exclusions, suspensions, campagnes de calomnies,… Il y a en ce moment des centaines de membres, dont pas mal de mandataires élus, qui sont en train de quitter le SP. Dans ce sens, le sommet du parti se coupe de plus en plus de sa propre base.
Cet été, un groupe de membres a mis sur pied le Comité pour la Démocratisation du SP et plusieurs d’entre eux ont déjà choisi d’être actifs dans la construction d’un nouveau parti, Solidara. Quelle est la suite ?
RD : Une partie du CDSP continue la lutte pour plus de démocratie dans le parti. Ils comptent sur le congrès que le parti tiendra en novembre pour engager la discussion. D’autres oeuvrent déjà à la création d’un nouveau parti parce que nous faisons le constat qu’un SP démocratique n’est plus possible à moins de faire table rase de toute la structure actuelle du parti avant de recommencer à construire. Nous avons opté pour un nouveau parti qui se base sur les vrais principes socialistes.
Le nouveau gouvernement Balkenende – qui réunit le parti chrétien CDA et les sociaux-démocrates du PvdA (qui ont remplacé les libéraux) – a révélé ses projets pour l’année prochaine. Comment le SP et Solidara y réagissent-ils ?
RD : En dépit de son énorme score électoral et des moyens dont il dispose, le SP n’est pas en mesure de formuler une réplique digne de ce nom au gouvernement. Le fait que Wilders (1) ait le champ libre pour faire son show et apparaître comme l’opposition à Balkenende en est le meilleur exemple. Solidara a déjà clairement et publiquement pris position contre Wilders, contre sa manière de détourner la démocratie pour semer la haine et le racisme. Avec Solidara, nous voulons aussi mettre en avant un programme clairement internationaliste en prenant exemple sur le socialiste allemand Karl Liebknecht qui disait que la classe ouvrière n’avait pas de patrie.
Düzgün a déclaré qu’il avait déjà enregistré 1.400 adhésions au nouveau parti. Quels sont les projets dans un proche avenir ?
RD : Il faut donner des pieds et des mains au parti. Nous sommes en train de metttre en place des sections locales, d’élaborer des statuts, de mener des discussions,… Nous voulons lancer un parti qui soit très clairement démocratique à la base et où ce sont les membres qui prennent les décisions. Nous fonctionnons aujourd’hui avec une direction provisoire qui prépare un congrès en janvier au cours duquel les membres pourront décider d’un premier programme, des statuts et des structures.
1. Geert Wilders est le dirigeant du PVV – un petit parti populiste de droite, anti-immigrés et anti-islam – et est comparable à Dedecker en Flandre