Brochure FGTB Charleroi-Sud Hainaut – Quel était le programme de la FGTB en 1945 ?

Le lien entre le syndicat socialiste et la social-démocratie est sous pression, tout comme c’est le cas entre la CSC et la démocratie chrétienne. Même la bureaucratie syndicale ne lance plus de campagnes enthousiastes en faveur des partenaires politiques, mais se limite à un appel défensif pour ‘‘le moindre mal’’. Elle s’en sort ainsi faute d’alternative à gauche. Mais les choses commencent à basculer. La régionale de la FGTB Charleroi & Sud-Hainaut cherche à traduire la pression de la base, qui critique l’orientation politique de la FGTB, vers un rassemblement de toutes les formations à la gauche des sociaux-démocrates et des verts.

Par Eric Byl

La FGTB de Charleroi & Sud-Hainaut a publié une brochure intitulée ‘‘8 questions en relation avec l’appel du 1er mai 2012 de la FGTB de Charleroi-Sud Hainaut’’. Cette brochure est disponible en français et en néerlandais. Dans le numéro de novembre de Lutte Socialiste, nous avons voulu mettre en évidence un aspect discuté dans la brochure : le contexte historique de la Déclaration de Principes de la FGTB de 1945.

Comment se procurer la brochure ?

En téléphonant à la FGTB de Charleroi au 071/64.12.62. Ou en nous contactant au 02/345.61.81 ou via mail à info@socialisme.be. Dépêchez-vous, elle partent très vite !

Vous pouvez la trouver ici en format PDF

Comment travailler avec elle ?

En en discutant avec vos collègues, en proposant que la brochure soit discutée en réunion syndicale, en assemblée interprofessionnelle ou en comité exécutif et, par exemple, en invitant un orateur de la FGTB de Charleroi.

Les principes de la FGTB

Pour cela la régionale a mis en place un comité de soutien composé de son propre bureau exécutif, de représentants de la gauche radicale et d’un observateur de la régionale du syndicat chrétien des employés, la CNE. Ce comité de soutien a organisé une première journée de discussion le 27 avril dernier, avec une présence de 400 participants. Depuis lors, la régionale FGTB a publié une brochure où figure également la Déclaration de Principes de la FGTB de 1945. Ce n’est pas qu’un bout de papier, le texte reprend les conclusions que les anciens syndicalistes ont tirées de la période de la Grande Dépression au début des années ‘30 à la fin de la Seconde Guerre mondiale. La Déclaration a repris des couleurs depuis le début de la grande récession en 2008.

La Déclaration de Principes se compose de 15 articles seulement. L’écart entre ces articles et ce que les dirigeants syndicaux disent lors de conférences et de réunions, ou encore dans les médias ne saurait guère être plus profond. La Déclaration est toutefois, jusqu’à ce jour, le principe officiel de la FGTB et est encore incluse dans les livrets d’adhésion, pour peu qu’ils existent encore. Pour les dirigeants syndicaux cependant, il ne s’agit de rien de plus qu’une pièce de musée qui ne bénéficie pas d’attention. Malheureusement, un grand nombre de membres et de militants ont aussi commencé petit à petit à la considérer comme un idéal dont on ne croit guère en la réalisation.

Quelques décennies d’Etat-providence et, surtout, l’effondrement des caricatures de socialisme dans les pays staliniens du Bloc de l’Est ont sérieusement ébranlé la confiance éprouvée envers la possibilité d’une alternative à l’exploitation capitaliste. Il en allait autrement en 1945. La Déclaration de Principes invoque déjà dans son premier article que la FGTB vise à ‘‘la constitution d’une société sans classe et à la disparition du salariat, s’accompli[ssant] par une transformation totale de la société.’’ Toute illusion d’un capitalisme plus social, comprenant des conquêtes durables pour les travailleurs, avait été balayée au cours des 15 années qui avaient précédé 1945 sous les coups de l’agression patronale et de la sévère répression policière.

Des concessions sur base de la lutte

La période d’entre-deux-guerres avait pourtant commencé de façon prometteuse. Des revendications, pour lesquelles un combat avait dû être mené des années durant, avaient été obtenues. La vague révolutionnaire internationale à la suite de Révolution russe n’était pas étrangère à la soudaine complaisance de la bourgeoisie. Cela a entraîné le suffrage universel masculin en 1919, l’instauration d’un indice des prix à la consommation en 1920 et, en 1921, l’abrogation de l’article 310 du Code Pénal réprimant divers actes liés à la grève, ainsi que la loi sur la ‘‘liberté d’association’’, de sorte que l’on ne pouvait plus être licencié pour appartenance à un syndicat. Cette même année, la journée des huit heures et la semaine de 48 heures ont été ratifiées par la Loi.

Curieusement, la position des dirigeants du Parti Ouvrier Belge (POB, ancêtre du PS et du Sp.a) et de la commission syndicale établie en 1898 – la paix sociale, la tranquillité et l’amélioration progressive par des moyens parlementaires – ont gagné ainsi en crédibilité. Toute l’histoire de l’union des travailleurs dans des syndicats se caractérise par l’alternance de périodes de confrontation ouvertes avec le capitalisme, souvent contre la volonté des dirigeants syndicaux, avec des périodes d’intégration de l’appareil syndical au système. Pour miner les mouvements de grève qui ont suivi la Première Guerre mondiale, les commissions paritaires – des organes de consultation entre patrons et syndicats – ont été créées en 1919. Les conventions collectives de travail ont supplanté les habituels contrats individuels.

Le bourgeoisie veut faire marche arrière

Mais une fois la bourgeoisie remise de la crainte de la propagation de la Révolution russe, elle a voulu revenir sur ces concessions. La marge pour de nouvelles conquêtes sociales a été réduite pendant les années ‘20. Dès le début de la Grande Dépression de1929, la situation s’est transformée en une politique agressive de dégradation sociale. Depuis le début de la crise, les mineurs avaient déjà dû avaler des réductions salariales de l’ordre de 24 % mises ensemble, mais début juillet 1932, les patrons des mines ont annoncé une nouvelle réduction de 10% d’un coup. Une grève spontanée a alors éclaté, les mineurs du Borinage devenant dans les faits les maîtres de la région. L’état d’urgence a été instauré, des barrages et des postes de gendarmerie ont été établis sur toutes les routes conduisant à Bruxelles et devant tous les bâtiments publics et l’aviation militaire survola le Pays Noir : mais rien de tout cela n’a pu inverser la tendance. La grève a poursuivi son expansion, jusque dans le Limbourg. Ce n’est qu’en septembre qu’elle a perdu de sa vigueur, en partie à cause de la faim, en partie parce que les patrons étaient partiellement revenus sur leurs projets.

L’atmosphère était combative, le POB s’est vu obligé d’adopter un virage à gauche à la Noël 1933 avec le ‘‘Plan du Travail’’. Le Plan proposait une économie mixte, mais exigeait aussi la nationalisation du secteur du crédit, des matières premières et de l’énergie, la socialisation des grandes entreprises monopolistiques et la soumission de la production à une planification destinée à orienter l’économie vers le bienêtre général plutôt que pour le profit. L’enthousiasme entourant le Plan, cependant, faisait face à l’hypocrisie des dirigeants du POB. C’est devenu clair en mars 1934, lorsque la Banque du Travail s’est effondrée suite à la spéculation téméraire, mais aussi quand les dirigeants Henrik De Man et Paul- Henri Spaak ont rejoint le gouvernement du banquier Van Zeeland en 1935, en larguant le Plan derrière eux. En 1936, une grève spontanée a de nouveau éclaté représentant, avec ses 15 millions de journées de travail perdues, la plus grande grève de l’histoire belge. A la clé, il y eut l’introduction de 6 jours de congé payé pour 1.500.000 travailleurs, une augmentation de salaire de 8%, l’instauration d’un salaire minimum et la semaine des 40 heures dans les industries insalubres, difficiles ou dangereuses. Le mouvement syndical s’est positionné de façon plus indépendante suite à l’’expérience vécue avec le POB et, en 1937, la commission syndicale s’est convertie en Confédération Générale du Travail de Belgique (CGTB). Les articles 3 et 4 de la Déclaration de Principes de 1945 qui soulignent l’indépendance syndicale puisent notamment leur source dans ces événements.

Les années de guerre

Pendant l’occupation allemande (mai 1940), les grèves et les manifestations ont été prohibées, les comités paritaires ont été suspendus et les syndicats ont été privés du paiement des allocations de chômage. CSC et CGTB étaient divisés en deux camps avec, d’une part, ceux qui souhaitaient poursuivre leur travail adapté aux conditions de l’occupant et, d’autre part, ceux qui voulaient se conformer à la décision de 1938 visant à la suspension du travail dès que le pays serait occupé. Le 22 novembre, la majorité de la CGTB – 12 des 22 fédérations), presque toutes les fédérations syndicales chrétiennes et le syndicat libéral – ont constitué l’Union des Travailleurs manuels et intellectuels imposée par l’occupant allemand.

La base syndicale, cependant, n’avait pas suivi les dirigeants. L’Union disposait de 250.000 membres en novembre 1940, pas même le quart des membres qu’avaient tous les syndicats Belges avant-guerre. En 1942, il n’était plus question que de 110.000 membres, dont 17.000 seulement en Wallonie. Les 9 centrales de la CGTB qui n’avait pas rejoint l’Union, représentant ensemble 38% des membres, se préparaient quant à elles au regroupement pour l’après la guerre. Mais les travailleurs ne pouvaient pas se permettre d’attendre. À partir de septembre 1940, différentes grèves ont éclaté et plusieurs manifestations ont eu lieu sous les yeux de l’occupant, qui a parfois été obligé de distribuer son approvisionnement alimentaire pour calmer les travailleurs. En mai 1941, une grève d’une semaine, qui passera à la notoriété sous le nom de ‘‘Grève des 100.000’’, a conduit à une augmentation salariale de 8%. L’Allemagne avait insisté sur l’importance de céder aux travailleurs par peur d’une extension du conflit.

La FGTB est lancée

La résistance a souvent été dirigée par les Comités de Lutte Syndicale (CLS – qui deviendra plus tard la Confédération belge des syndicats unifiés – CBSU) du Parti Communiste Belge (PCB), par le Mouvement Syndical Unifié (MSU) d’André Renard, le Syndicat Général des Services Publics (SGSP) et la Fédération de Lutte des Mineurs de Charleroi – sous influence trotskyste. Avec le soutien du ministre du Travail du Parti Socialiste Belge (PSB) Achille Van Acker, qui tenait la CBSU soigneusement à l’écart des commissions paritaires, et avec les allocations de chômage confiées aux caisses de chômage qui existait déjà avant guerre, la CGTB a été capable de récupérer en partie sa position à la Libération.

Avec ses 248.259 membres, la CGTB était néanmoins obligée de tenir compte de la force de la Confédération belge des syndicats unifiés (165.968 membres), du MSU (59.535) et du SGUSP (Syndicat Général Unifié des Services Publics – 51.789), qui ont représenté ensemble plus de la moitié des membres de la nouvelle FGTB. La CSC a choisi de rester à l’écart en s’accrochant au pluralisme syndical, mais aussi, et surtout parce qu’elle ne faisait pas confiance à la doctrine, au programme et aux méthodes d’action de “certains syndicats”.

La Déclaration de Principes de la FGTB de 1945 reflète les relations en vigueur au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Elle contient des éléments radicaux, mais aussi des formules qui, sous pressions de la CGTB, demeuraient délibérément vagues. Le PSL estime que la crise va mettre pression sur la politique syndicale d’intégration, et que la confrontation avec le capitalisme finira par devenir inévitable. Du côté des patrons et du gouvernement, cette confrontation a déjà été lancée.


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